Vingt ans après la prise du pouvoir du CNDD-FDD, l’économiste Jean Ndenzako analyse les conséquences économiques de l’abandon de l’Accord d’Arusha par le pouvoir actuel. Selon lui, cet accord, souvent abordé comme un compromis politique visant à pacifier la compétition pour le pouvoir est plus que cela : un instrument de crédibilité, capable de réduire l’incertitude, d’abaisser la prime de risque et d’améliorer les conditions d’investissement.
L’Accord d’Arusha, un contrat de crédibilité ?
L’Accord d’Arusha a instauré un cadre qui limitait l’arbitraire politique, favorisait la prévisibilité des règles du jeu et protégeait mieux les droits de propriété. En langage d’économie politique, il fonctionnait comme un contrat crédible qui rassurait investisseurs et ménages. Quand un pays réduit le risque politique, son coût du capital diminue et davantage de projets deviennent rentables. L’État, contraint par des mécanismes de partage, a davantage tendance à investir dans des infrastructures ou dans l’éducation plutôt que dans des dépenses clientélistes. Enfin, un tel cadre rassure les partenaires extérieurs : l’aide budgétaire est sécurisée, les investissements directs étrangers se multiplient, le taux de change se stabilise et les tensions inflationnistes se calment.
Que racontent les données ?
L’examen des données économiques montre clairement un avant et un après. Entre 2002 et 2014, période de mise en œuvre d’Arusha, le revenu par habitant s’est élevé, les exportations ont progressé et le crédit privé a augmenté. L’inflation, sans disparaître, s’est maintenue à des niveaux plus modérés. Ces résultats confirment ce que la théorie suggère : la stabilité institutionnelle et la confiance renforcent la performance macroéconomique.
L’analyse statistique met en évidence deux effets mesurables. Le premier, associé à la période d’Arusha, traduit une prime de crédibilité : un gain moyen en revenu et en ouverture extérieure. Le second, lié à la rupture de 2015, correspond à un coût de régression institutionnelle : baisse du revenu par tête, recul des exportations, raréfaction du financement et reprise de l’inflation. Autrement dit, les institutions inclusives produisent un dividende économique observable, et leur abandon entraîne une perte tout aussi tangible.
Quid de l’après 2015 ?
Le désaveu d’Arusha en 2015 a inversé les tendances positives. La prime de risque a augmenté, entraînant une contraction des investissements et une fuite de capitaux. L’accès aux devises est devenu plus difficile, ce qui a alimenté un rationnement du crédit et fragilisé les importations. L’État, privé de ressources externes, a réorienté ses dépenses vers des priorités défensives plutôt que productives. L’inflation a repris une trajectoire ascendante, illustrant l’instabilité monétaire et la perte de confiance dans la gestion économique. Ces évolutions ne sont pas des perceptions subjectives, mais des réalités inscrites dans les séries macroéconomiques.
Pourquoi restaurer Arusha ?
La restauration d’Arusha n’est pas seulement une option politique, elle constitue une stratégie économique rationnelle. Elle réduit le coût du capital, améliore l’allocation des ressources publiques et renforce la capacité du pays à attirer des devises grâce aux investissements étrangers et à l’intégration régionale. Les estimations montrent clairement que l’économie burundaise réagit fortement aux changements institutionnels : la prime de crédibilité issue d’Arusha a été mesurable tout comme le coût de la régression post-2015.
En ce sens, revenir à Arusha ne doit pas être perçu comme une concession, mais comme un investissement institutionnel à rendement positif. C’est une politique d’offre, au même titre que la construction d’infrastructures ou la réforme du système éducatif, avec la différence que ses effets sur la confiance et l’investissement sont immédiats. Restaurer la confiance, c’est restaurer la capacité d’un pays à produire, à commercer et à prospérer.
Restaurer Arusha pourrait-il booster le développement du pays ?
La stabilité politique et la crédibilité institutionnelle ne sont pas des luxes abstraits. Elles forment la colonne vertébrale de toute trajectoire de développement. L’histoire économique récente du Burundi montre que lorsque la confiance est garantie, le revenu par habitant progresse, les exportations augmentent et l’investissement privé se développe tandis que l’inflation reste sous contrôle. À l’inverse, la remise en cause de ce cadre entraîne stagnation et déséquilibres. Restaurer Arusha apparaît ainsi comme la décision la plus rationnelle économiquement, car c’est investir dans le premier capital dont dispose une nation : la confiance.
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