Mardi 18 novembre 2025

Editorial

On ne naît pas réfugié, on le devient

17/10/2025 2

« Les réfugiés ne sont pas des pions sur l’échiquier de l’humanité. Ce sont des enfants, des femmes et des hommes qui partent ou sont contraints de quitter leur foyer pour diverses raisons, qui partagent un désir légitime de savoir et d’avoir, mais surtout d’être davantage. » Ces paroles du Pape François soulignent la complexité de l’expérience des réfugiés : la douleur du départ, les périls du voyage et l’espoir d’une vie meilleure.

Cette empathie ne trouve malheureusement pas d’écho dans les camps de réfugiés burundais en Tanzanie, pays longtemps considéré comme un modèle d’accueil et de solidarité. Les enquêtes menées par Iwacu révèlent une situation marquée par une précarité croissante, des pressions au rapatriement forcé – bien qu’un programme de retour « volontaire » soit officiellement en place depuis 2017 – et des conditions de vie alarmantes. Dans les camps de Nyarugusu et Nduta, des écoles et des hôpitaux ferment, des biens sont confisqués, les activités génératrices de revenus interdites… La liste est longue. Un réfugié résume ainsi la situation : « Ils ont transformé les camps en véritables prisons à ciel ouvert. »

Personne ne souhaite être appelé réfugié. D’ailleurs, on ne naît pas réfugié, on le devient. Le mot lui-même porte des connotations souvent négatives. L’image véhiculée est celle d’une personne dépendante de l’aide humanitaire, ce qui s’avère dévalorisant. Être « réfugié » réduit un individu à son statut de victime, à sa condition de déplacement, effaçant son histoire, sa profession, ses talents, son individualité. Il perd son identité. Dans le débat public, le terme est parfois instrumentalisé de manière péjorative, alimentant méfiance et xénophobie. Devenir réfugié constitue un parcours de déracinement forcé, un mépris, un calvaire. Il ne faut donc pas ajouter le drame au drame.

Les réfugiés ont certes des devoirs à accomplir scrupuleusement, notamment l’obligation de respecter les lois et règlements du pays d’accueil, la Tanzanie en l’occurrence. En contrepartie, ils bénéficient de droits fondamentaux : la sécurité sur le territoire d’accueil, l’accès à l’éducation, aux services de santé et au travail, conformément aux lois en vigueur.
Si un réfugié se méconduisait ou transgressait la loi, il devrait être poursuivi individuellement, à titre personnel. Les mesures ne sauraient être disproportionnées ni constituer une punition collective.

La protection des réfugiés relève d’une responsabilité partagée par la communauté internationale, ancrée dans le respect de la dignité humaine. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) se doit en premier lieu de renforcer sa présence sur le terrain afin de garantir que les droits de ces réfugiés burundais soient réellement défendus. Il doit se tenir à leurs côtés, les protéger. La Tanzanie doit être encouragée à respecter les conventions internationales relatives aux droits des réfugiés qu’elle a librement ratifiées.

La décision de fuir n’est jamais prise à la légère. Elle représente une rupture douloureuse avec tout ce qui constitue le familier. Les personnes réfugiées ne quittent pas leur foyer par choix, mais par une nécessité impérieuse de survie. Leur rapatriement doit reposer sur le principe essentiel du consentement : un choix personnel, libre et éclairé.
En attendant, leur protection, leur dignité et leur intégration doivent être garanties.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. saleh

    Le Burundi devrait être une terre d’accueil pour ses propres enfants et non un pays qui produit continuellement des réfugiés. Ce n’est pas normal que depuis des décénnies, des gens soient obligés de fuir le pays depuis l’indépendance à nos jour, une véritable fabrique de réfugiés quoi !. Si la Tanzanie traite mal nos ressortissant, Le Burundi n’est pas pire , lui qui fait fuir continuellement et à tour de rôle ses propres enfants?
    Nous devrions méditer là dessus aussi!

  2. Lina Buntu

    Le HCR (Headquarter) devrait contrôler ses employés locaux en Tanzanie. Ils seraient plus du côté du gouvernement que des réfugiés.

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