Mardi 15 octobre 2024

Économie

Hausse du prix du sucre : quand la Sosumo se sucre

Hausse du prix du sucre : quand la Sosumo se sucre
La Sosumo peine à satisfaire la population

Dans un communiqué daté du 14 septembre 2024, la société sucrière du Moso (Sosumo) a annoncé une hausse du prix du sucre, denrée déjà rare sur le marché local. Le prix de vente au détail, toutes taxes comprises, est passé de 3200 BIF à 8000 BIF par kilogramme. Cette nouvelle structure des prix a suscité de vives réactions au sein de la population. Quelles sont les motivations de cette hausse ? Certains politiques et activistes de la société civile appellent à la suspension de cette mesure.

Par Rénovat Ndabashinze et Pascal Ntakirutimana

Sur les réseaux sociaux, dans les groupes de discussion sur Whatsapp, tout le monde tire à boulets rouges sur l’administrateur directeur général de la Sosumo. Après la sortie du communiqué annonçant la hausse du prix. « Qu’il ne nous trompe pas. La hausse du prix d’un kilogramme du sucre sosumo devrait être influencée par le coût de production d’un kilogramme. Sur ce, l’ADG devrait d’abord montrer les facteurs de production, la hiérarchie des coûts de production et les frais de livraison ».

Pour justifier la légalité de sa décision, Aloys Ndayikengurukiye, administrateur directeur général de la Sosumo indique que cette augmentation des prix a été réalisée conformément à l’ordonnance ministérielle conjointe du 8 août 2024, émise par les ministres du Commerce et des Finances. Cette ordonnance vise à libéraliser le commerce du sucre sur le territoire national et stipule que « le prix du sucre, qu’il soit produit localement ou importé est fixé en fonction du coût de production ou d’importation ».

D’ailleurs, tranche l’ADG de la Sosumo, si la direction a signé sur cette nouvelle structure des prix, c’est avec l’aval de l’autorité. « On ne s’est pas improvisé. C’est après l’autorisation préalable de notre ministre que la nouvelle structure des prix a été réalisée ».

M.Ndayikengurukiye rappelle que même dans d’autres entreprises comme la Brarudi et Buceco, ce sont les autorités de ces dernières qui fixent les prix après consultation avec l’autorité hiérarchique.

Des motivations derrière cette hausse des prix

L’ADG de la Sosumo souligne, d’entrée de jeu, qu’ils ont sorti une nouvelle structure des prix, car le coût de production du sucre a considérablement augmenté en raison de la conjoncture économique nationale et internationale. « Les prix des intrants et des matériels de production ont sensiblement augmenté ».

Il précise ensuite que cette hausse du prix permet de s’aligner sur les prix actuellement pratiqués par les commerçants privés, afin d’éviter d’éventuelles spéculations sur le marché. « Dans différents marchés (chez Sion ou Cotebu) et magasins, le prix d’un kilogramme du sucre importé par les commerçants privés varie entre 8000 BIF et 12.000 BIF. La Sosumo s’est donc alignée sur le prix le moins cher ».

Or, insiste-t-il, quand les prix sont largement différents, les spéculations naissent. Il assure qu’avec ces mesures, le sucre va être disponible et accessible à tout le monde. « Au niveau de la Sosumo, nous sommes en pleine campagne de production ».

Contacté, Onésime Niyukuru, porte-parole du ministère du Commerce a confirmé sous forme d’interrogation que la Sosumo a eu effectivement l’autorisation de revoir à la hausse les prix du sucre. « Est-ce que la Sosumo ne vous pas  déjà donné la réponse ? »

Pour rappel, en vue de booster la production du sucre sosumo, une nouvelle sur un partenariat entre la Sosumo et une société indienne installée en Ouganda, Sarrai Group a filtré l’année dernière.

L’ADG précise à ce sujet que les négociations ont eu lieu, mais qu’elles ne sont pas encore arrivées à l’étape des conclusions. « Nous avons franchi la première étape. Nous avons donné le rapport à qui de droit et nous attendons les orientations de l’autorité sur la suite à donner ».

Le président Ndayishimiye dénonce cette mesure

Lors d’une séance de moralisation à Cankuzo, ce jeudi 19 septembre, le président de la République Evariste Ndayishimiye est revenu sur le dossier du sucre. « Dans la Sosumo, on m’a dit qu’ils travaillent à perte. Et je leur ai répondu : vous, vous avez échoué. Aucune plus-value que vous avez apportée au pays. Vous êtes des commerçants comme tant d’autres. La solution est de libéraliser le sucre. Vous voulez vous enrichir alors que la population souffre. Ils travaillent pour leur ventre », s’est-il emporté contre les dirigeants de l’entreprise Sosumo.

Il a d’ailleurs dénoncé des mensonges dans ce qu’a avancé la Sosumo pour revoir le prix à la hausse : « Je ne sais pas si le ministre a déjà enquêté. Ils nous ont menti : ils nous ont dit que le sac est à quel prix ? 400.000BIF ? J’ai découvert qu’il est à 243.000BIF à Bujumbura alors que l’importateur s’est approvisionné sur le marché noir. Dites-moi comment celui qui s’approvisionne à la BRB dit le contraire ? N’y a-t-il pas un hic là ? »

Avec ces paroles, des applaudissements ont suivi. Et sans suspendre ou sursoir la mesure ou condamner les « menteurs », il a demandé aux cadres dirigeants à ne pas toujours penser à remplir leurs ventres, mais de penser avant tout à la population. « Ne soyez pas surpris d’entendre demain une grève à la Sosumo contre la libéralisation. Qu’ils le fassent ! Nous leur avons donné une vache et ils ont coupé ses seins. Et quand le bébé meurt, la nounou rentre. »

D’après le président de la République, le libéralisme est la seule solution pour le sucre. « Nous sommes là pour la population. Que chaque cadre se rappelle qu’il est là pour l’intérêt de la population. Dites-moi comment les produits subventionnés deviennent chers ? Incompréhensible. Pour l’engrais chimique, l’Etat subventionne à hauteur de 74%. Veux-tu qu’on te donne de l’argent pour remplir ton ventre ? Cet argent est pour la population. Pourquoi alors veux-tu s’approprier d’une grande part plus que la population ? Tout ce qu’on fait, pensons au léger mieux de la population. »


Sur terrain, des conséquences directes

Dans les quartiers de Bujumbura Mairie, la nouvelle hausse du prix du sucre a déjà eu des conséquences sur les prix d’autres produits, dont le sucre fait partie des matières premières. Il s’agit entre autres des beignets, du pain … Les consommateurs ne savent pas plus à quel saint se vouer.
Dans certaines boulangeries de Mukaza, le prix du pain a déjà monté

A Bwiza, il y a eu une hausse d’au moins 100BIF pour les beignets. Il en est de même pour les chapatis, les pains, etc. « On n’a pas d’autres choix. Je dirai qu’on n’a pas même revu à la hausse. Parce qu’à considérer le prix de 1 kilogramme de sucre, nous devrions nous aligner à cela. Sûrement que dans les jours à venir, on va mettre à 1000 BIF le beignet qui était à 500BIF. Même l’Etat a fait une hausse de plus de 100% », confie un des vendeurs des beignets.

Il signale d’ailleurs que même ce prix de 8.000 BIF par kilogramme de sucre n’est pas respecté : « Hier, j’ai acheté trois kilogrammes de sucre à 8.500BIF par kg. Ce produit n’est même pas disponible en quantité suffisante. Que nos clients nous comprennent. »

La même hausse s’observe dans les boulangeries. S’exprimant sous anonymat pour des raisons professionnelles, un comptable dans une boulangerie de Rohero, commune Mukaza, indique que presque tous les produits ont connu une augmentation. « Nous ne pouvons pas faire autrement.
Quand la matière première monte, directement, le coût du produit suit le même mouvement. Et c’est normal. Une hausse d’entre 1000 BIF et 1500 BIF a été décidée pour ces produits nécessitant le sucre pour leur fabrication. »

Pour lui, vu la manière  dont la Sosumo a haussé le prix du sucre, on devrait aller au-delà : « Mais, nous avons pensé à nos clients. Nous savons que leurs revenus n’ont pas changé. Or, c’est l’Etat qui devrait penser à ses citoyens avant de décider une hausse d’un tel ou tel autre produit. »

Il signale que même les produits comme le miel qui pouvaient être utilisés à la place du sucre ont directement connu une hausse de prix.

Les consommateurs désemparés

Incompréhension, indignation, questionnement, découragement … ces mots résument la situation sur terrain après l’annonce de la nouvelle hausse du prix du sucre. « Quand j’ai vu cela sur les réseaux sociaux, j’ai pensé à une intox. C’était l’incompréhension totale. Je me disais que l’Etat ne pouvait pas le faire, que ce sont des rumeurs balancées par ceux qui ternissent l’image du pays. Mais, cette information a continué à circuler et j’ai finalement entendu cela sur des médias publics », raconte un habitant de Bwiza, sidéré.

Là aussi, cet homme, le cinquantenaire n’a pas été convaincu. « C’est alors avec les déclarations de l’ADG de la Sosumo que j’ai enfin accepté que c’est vrai. Et c’est vraiment grave. Je me suis dit : L’Etat nous a abandonnés. »

Pour lui, personne ne peut pas justifier cette hausse. « Oui, ce n’est pas pour la première fois qu’on hausse des prix des produits. On s’habitue. Mais, aller jusqu’à plus de 100%, c’est insolent, c’est se moquer des petits contribuables ».

Pire encore, explique-t-il, comment justifier une telle hausse quelques semaines après avoir annoncé la libéralisation de la commercialisation du sucre. « Normalement, quand il y a libéralisation, nous nous attendions que le sucre soit suffisant sur terrain et qu’on puisse choisir entre telle ou telle autre qualité. Et là, le prix ne devait pas monter au contraire, il devait baisser. »

Désiré, un autre chef de famille, croisé dans le quartier INSS, dit que c’est vraiment insensé. « Finalement, quel est le produit dont le prix n’est pas revu à la hausse ? Est-ce que ce processus de hausse incontrôlée des prix des produits va nous amener dans ce Burundi de 2040-2060 ? Combien de gens, de fonctionnaires de l’Etat qui vont continuer à s’offrir régulièrement 1kg du sucre ? »

D’après lui, cette nouvelle hausse vient vraiment de montrer que les autorités ne se soucient pas du petit peuple : « Prenons l’exemple d’un parent qui a trois enfants à envoyer à l’école. Au moins, il va utiliser deux kg par semaines. Ce qui fera 16.000BIF pour le sucre seulement. Par mois, ça sera 64.000BIF. Là, on ne parle pas de pain, ou de beignets qui, dont les prix vont être revus à la hausse. Comment un enseignant, un chauffeur, un planton, un infirmier va-t-il tenir ? »

Chez les familles qui ont des malades hospitalisés, c’est la désolation. « Que voulez-vous que je dise ? L’Etat nous a tout simplement abandonnés. Nos malades ne vont plus avoir de la bouillie, du thé, etc. C’est à l’aide du sucre que mon patient qui vient de passer plus d’un mois sur le lit de l’hôpital parvenait à boire de la bouillie, du thé. Où est ce que je vais trouver les 8.000BIF chaque semaine pour me procurer 1kg de sucre  », s’interroge, K.Z, un garde-malade rencontré à l’hôpital Clinique Prince Louis Rwagasore.

Pour lui, c’est vraiment la première fois qu’un produit stratégique soit revu à la hausse à plus de 100%. Sidéré, il tranche : « Si cette hausse démesurée et incontrôlée des prix des produits rentre dans la vision 2040-2060, peu de Burundais vont arriver dans ce Burundi des merveilles. » Il demande à l’Etat d’annuler tout simplement cette mesure.


Des projets « fantômes »

En vue de booster la quantité de production du sucre sosumo, différents projets ont été annoncés. Néanmoins, des années après, les résultats se font toujours attendre. Entretemps, la hausse du prix de ce produit devient récurrente et imprévisible.
Le sucre de la TBC se fait toujours attendre

Juste deux exemples. C’est déjà trois ans qu’un projet de réhabilitation, de modernisation et d’extension de la Sosumo est annoncé. « Aujourd’hui, aucune information là-dessus. A-t-il été abandonné ? », s’interrogent des observateurs qui affirment que ce projet était salutaire pour cette entreprise et pour les Burundais.

Pour rappel, lors du Conseil des ministres du 9 juin 2021, tenu à Gitega, sous le haut patronage du président Evariste Ndayishimiye, une feuille de route pour la mise en œuvre du Projet de réhabilitation, modernisation et extension de la Société Sucrière du Moso (Sosumo), a été présentée par le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage.

« Cette feuille de route a été élaborée à la suite de l’adoption, par le Conseil des ministres, du Plan d’affaires pour le Projet de réhabilitation, modernisation et extension de la Sosumo », a-t-il motivé.

Cette dernière mettait l’accent sur le processus à mener dans le plan d’action et montrait le calendrier d’exécution du plan d’action afin de permettre au Gouvernement de planifier l’investissement et d’assurer le suivi de sa mise en œuvre.

D’après le compte rendu dudit Conseil, la feuille de route comportait deux volets sur une période de trois ans, à savoir l’irrigation, l’acquisition des engins et équipements agricoles, des équipements de laboratoire agronomique ainsi que la réhabilitation et la modernisation de l’usine.

Les investissements à faire sur les trois années concernaient l’installation d’un système d’irrigation, l’acquisition des engins et équipements agricoles, la modernisation du laboratoire, la redynamisation de la recherche agronomique. Le coût global de l’investissement s’élevait à 105 993 995 058 BIF.

Et pour une bonne mise en œuvre du Projet, précise le même compte-rendu, la feuille de route indiquait le chronogramme des activités à réaliser, les échéances et les budgets y relatifs.

« A l’issue de l’analyse de la feuille de route, le Conseil des ministres a apprécié l’état d’avancement du Projet ainsi que le chronogramme des activités », indique ce compte-rendu, notant qu’il a été recommandé aux ministres en charge de l’Agriculture et des Finances de collaborer avec la BRB pour séparer les activités qui peuvent être financées en monnaie locale ainsi que les besoins en devises qui peuvent être supportés par la BRB.

S’agissant de l’extension de l’usine par l’acquisition de nouvelles machines, le Conseil des ministres du 9 juin 2021, a demandé à la Sosumo de prouver d’abord qu’elle a suffisamment de matières premières que l’usine actuelle n’est pas à mesure de traiter. « Car, le constat est que les machines sont au repos pour une grande période pendant l’année », avait-il motivé, tout en recommandant à cette usine d’envisager l’ouverture de l’actionnariat de la SOSUMO aux privés afin d’augmenter son capital.

Une note enrichie en tenant compte de ces éléments devait être ramenée en Conseil des ministres.

A quand le sucre de la TBC ?

Le 31 décembre 2012, une entreprise de production du sucre a été lancée, à Gihanga, province Bubanza. Il s’agit de l’usine Tanganyika Business Company (TBC) dont le propriétaire est Nahum Barankiriza.

Avec un prêt de trois milliards BIF accordé par la Banque Nationale de Développement Economique (BNDE), remboursable en 5 ans avec un différé de 9 mois, l’objectif de cet opérateur économique était de monter une usine de sucrerie, la Tanganyika Sugar Industries.
Des hectares de canne à sucre ont été plantés.

Et d’après les prévisions, environ 85 tonnes de sucre allaient être produites par hectare. Et 12 ans après, ce sucre produit par TBC n’est pas encore disponible sur terrain.


Réactions

Pierre Nduwayo: « Indignation totale »


La hausse du prix du sucre a provoqué une réaction d’indignation totale vu le même le contexte dans lequel elle est intervenue. « Nous sommes dans la rentrée scolaire. C’est une hausse venue à un très mauvais moment. »

Le président de l’Association des consommateurs du Burundi (ABUCO) explications données par le l’ADG de la Sosumo en rapport avec le coût de production, la lutte contre la spéculation ne sont pas convaincantes.

Parce que, explique-t-il, concernant le coût de production, à moins qu’il nous dise que c’est un sucre de haute qualité, sinon, si c’est le même sucre, comment expliquer un coût de production qui va du simple au double pour la même qualité ? Cela ne tient pas du tout.

Au niveau de la raison sur les spéculations, M.Nduwayo reste inquiet : « Là, on ne comprend pas d’autant plus que sous d’autres cieux, ce n’est pas la Sosumo qui devait s’aligner aux coûts des privés, mais en tant qu’entreprise publique, elle devait jouer le rôle de régulateur et il revient aux privés de s’aligner aux directives de la Sosumo tant au niveau qualité que prix par kg. Au niveau de l’ABUCO, c’est incompréhension ».

Nous craignons que les autres produits fabriqués à base du sucre puissent être revus à la hausse surtout qu’il y a déjà ce prétexte de hausse du prix.

Nous demandons que le ministère de tutelle suspende cette hausse afin que toutes les parties intéressées par la commercialisation du sucre que ça soit la Sosumo, les importateurs, ceux qui s’approvisionnent à la Sosumo, les représentants des consommateurs, l’administration discutent sur tous les contours de la commercialisation du sucre. Car, sinon, la mesure qui vient d’être annoncée contrarie carrément l’ordonnance de libéralisation parce que quand il y a libéralisation, le consommateur a un choix entre une gamme variée des produits avec des prix compétitifs.

Malheureusement, une libéralisation qui vient d’intervenir, mais qui va une hausse excessive du prix du sucre à plus de 100%, c’est une situation qu’on n’avait jamais observée dans le pays.

Agathon Rwasa : « Un désastre »

Pour l’opposant Agathon Rwasa, le prix du sucre comme annoncé par le DG de la SOSUMO est une nième démonstration que le régime militaire qui trône à Bujumbura/Gitega se fout éperdument du peuple qu’il devrait promouvoir.

Selon lui, cela constitue une autre preuve de dysfonctionnement de l’administration qui ignore les règles les plus élémentaires de la gestion et de la gouvernance.

« Une hausse de 10% est déjà troublante, plus de 100% sont plus qu’un désastre. De surcroît, ce n’est pas la prérogative de l’A DG de la SOSUMO de procéder à cet exercice. Encore une fois on fait face à une gestion anarchique de la chose publique. Sous d’autres cieux, il ne manquerait d’être rappelé à l’ordre », commente-t-il.

En toute évidence, les mauvaises répercussions sur les prix de bien d’autres produits de consommation ne se feront pas trop attendre. D’après lui, la population devrait être conséquente et exiger des égards. « Le favoritisme, l’esprit du lucre, les spéculations de tout bord devraient être bannis au sein de la classe dirigeante : il faut promouvoir le mérite au détriment du militantisme. En effet, le militantisme ne rime pas nécessairement avec la compétence et, durant ces 20 ans de règne du Cndd-Fdd, on aura tout vu sauf ce qui est positif. »

Anicet Niyonkuru : « L’Etat est devenu le mauvais commerçant »

Pour Anicet Niyonkuru, président du parti CDP, la montée du prix du sucre sosumo à plus de 100% est la plus mauvaise stratégie financière de l’entreprise. « Le marché du sucre étant libéralisé, il fallait un concurrentiel par rapport au prix du sucre en provenance des pays voisins dont la Zambie. »

Il souligne que quand la monnaie est faible et que le prix des produits locaux est bas, les produits similaires importés ne sont pas achetés. Par ailleurs, poursuit-il, il sied de noter que la Sosumo a une trop faible production, le coût de production devient plus grand que le coût de vente, il fallait une mesure compensatoire.

D’après lui, la mesure compensatoire prise n’est pas une émanation d’une étude de marché, elle est aléatoire et ne sera pas en mesure de combler le vide comme voulu. « La Sosumo n’étant pas sûre de pouvoir produire assez suffisamment de sucre pour tout le pays, cette mesure prouve que la destination de la petite quantité produite est autre que le Burundi. Ce n’est pas normal qu’on augmente le prix à un tel pourcentage au moment de la libéralisation ».

Pour ce politicien, vu la cherté de la vie, l’augmentation de prix d’un produit aussi stratégique comme le sucre ne devrait pas être une mesure de l’entreprise, mais du gouvernement. Et ce, souligne-t-il, après avoir étudié à fond les avantages et les inconvénients sur la vie des populations et décider en conséquence.

« Il y a des produits qui, selon leur indispensabilité sur la vie des citoyens, leur commercialisation ne devrait pas être pensée dans un cadre de profit financier, mais dans un cadre de vie des populations. Si la Sosumo se trouve dans un état de banqueroute, l’Etat devrait la subventionner pour sa reprise, au lieu de lui permettre de prendre des mesures qui pénalisent les Burundais. »

M.Niyonkuru demande au gouvernement d’être vigilant sur le fonctionnement des Sociétés publiques et parapubliques. « Étant donné que toutes les Sociétés publiques (Regideso, Onatel, Sosumo, etc) sont en mal de fonctionnement, leur transformation en PPP (Partenariat Public et Privé) serait la meilleure solution. En dehors de cela, le gouvernement devrait s’apprêter à des subventions plus ou moins régulières. Car, l’Etat est devenu le mauvais commerçant. »

Tatien Sibomana : « C’est inconcevable »

« Revoir à la hausse le prix d’un produit jusqu’ à plus de 100% est inconcevable et inaccessible! Cela relève d’un mépris envers les consommateurs! C’est aussi oublier le rôle du sucre dans l’alimentation des enfants qui en ont tellement besoin pour leur croissance », réagit Tatien Sibomana, politicien.

Il se demande si le sucre produit localement est acheté à ce prix, qu’en est-il du prix de celui importé.

« Mais cela ne m’étonne pas. Car, il se pourrait que même le sucre soi-disant de la Sosumo proviendrait de l’extérieur et une fois arrivé au Burundi, on le reconditionne en le mettant dans les sacs de la Sosumo. »
Ce politicien ne doute pas que cette mesure aura comme conséquences la hausse des prix de tous les autres produits dont le sucre fait partie de leurs matières premières comme les produits Brarudi, les jus de toute nature, le pain, les beignets, etc.

« En principe, c’est le gouvernement qui fixe les prix pour les produits stratégiques comme le sucre. Et comme cela n’a pas été respecté, le président s’est exprimé contre cette mesure, mais le peuple attend qu’elle soit immédiatement annulée et que même les auteurs soient administrativement remerciés. »

Pour lui, cela est d’autant vrai que le Conseil d’Administration de la Sosumo s’est même arrogé le droit de se doter des jetons condamnables vu l’état de la société.

Abdul Kassim: « C’est vraiment anormal et injuste »


« Pour nous un signe de la dégradation de la situation socio- économique du pays. Il est impensable qu’une entreprise de droit public puisse effectuer une telle hausse qui ne tient pas compte du coût de production. Nous nous demandons ce que peut faire le privé qui ne s’intéresse qu’à son intérêt personnel », commente Abdul Kassim, président du parti Upd-Zigamibanga.

D’après lui, c’est vraiment anormal et injuste surtout que cela est fait par une entreprise publique. « Car une hausse de prix doit tenir compte avant tout du coût de production et des répercussions sur la vie du citoyen. »

Avec cette nouvelle hausse, M.Kassim trouve qu’il s’agit d’un coup d’envoi pour tous les opérateurs économiques de procéder à des hausses démesurées des prix. « Le consommateur reste la seule victime sans défense. Si je devais demander quelque chose au ministère du Commerce, ce serait d’annuler cette hausse illégale et de réguler les prix sur le marché. La libéralisation ne signifie en aucun cas l’anarchie. »

Ce politicien demande au ministère du Commerce de prendre ses responsabilités comme l’a fait le ministère de l’Intérieur sur les prix de transport en commun.

Gaspard Kobako : « C’est ajouter le drame au drame »

Pour Gaspard Kobako, président du parti Alliance Nationale pour la démocratie (AND-Intadohoka), une augmentation de 228,57% est incompréhensible, illogique. Vu la situation de cherté de la vie dans le pays, il trouve que « c’est ajouter le drame au drame ».

D’après lui, cette hausse va se répercuter sur tous les produits fabriqués à la base du sucre. Ici, il donne l’exemple des produits Brarudi, qui, selon ses termes, utilise une grande quantité du sucre de la Sosumo. « Elle n’hésitera pas à revoir les prix à la hausse de ses boissons. »

D’après M.Kobako, la Brarudi elle seule consommait autour de 4 tonnes de sucre en 2017 alors que la production stagnait à 22 mille tonnes.

Pour lui, le gouvernement ne devrait pas s’aligner sur les commerçants importateurs privés pour fixer les prix. « Mais, il devrait assurer le rôle de régulateur du marché. Sinon, ce sont ces privés qui vont chaque fois dicter ce qu’il faut faire dans la gestion des affaires de l’Etat. »

Rejetant toutes les motivations fournies par la Sosumo pour procéder à la hausse, M.Kobako tire la sonnette d’alarme : « Car, le citoyen lambda ne va pas supporter le coût prohibitif du sucre issu de l’industrie de son propre pays. »

Ainsi, il sollicite le Parlement pour qu’il amène le gouvernement à revoir le prix du sucre à la baisse en proposant celui abordable.

Kefa Nibizi : « Une augmentation injustifiée »


« Pour notre parti, cela a été une très grande surprise de voir cette augmentation fulgurante du prix du sucre. C’est une hausse qui est aux environs de 150%. Elle est très injustifiée », réagit Kefa Nibizi, président du parti CODEBU.

Il signale que les raisons avancées ne tiennent pas. « Par exemple quand on parle de l’augmentation du coût de production. Ce dernier aurait dû être compensé par la suppression de la taxe de consommation qui est de l’ordre de 600BIF par kg. La loi budgétaire actuelle a supprimé cette taxe. »

Autre chose, poursuit-il, « même avant la libéralisation, le sucre était importé. Il se vendait au même prix que le sucre de la Sosumo. »

Il rappelle d’ailleurs que le sucre n’est pas un produit de luxe. « C’est un produit de première nécessité notamment pour les enfants et d’autres catégories de personnes qui en ont besoin. »

Il ne doute pas que cette hausse va influencer la montée des prix d’autres produits. « Et tout va se répercuter sur le consommateur dont le pouvoir d’achat ne cesse de diminuer », déplore-t-il, notant que la cause réelle de cette hausse est à chercher dans la dépréciation de la monnaie burundaise.

M.Nibizi appelle le gouvernement à abandonner la libéralisation du sucre et continuer à jouer son rôle de régulateur. « Parce qu’il est aussi un grand producteur. Il devait aussi appuyer les initiatives internes dans le sens d’augmenter la production et rendre disponible le montant exigé pour redynamiser la Sosumo. »

Gabriel Rufyiri : « C’est la loi de l’offre et de la demande qui influence le prix »


Le président de l’Olucome indique la réaction d’Evariste Ndayishimiye sur la hausse des prix du sucre devrait intervenir après avoir changé ce qui l’on fait. « C’est la seule solution. Ils devraient changer les dirigeants de la Sosouma s’ils ont commis une faute ou des faits qui sont susceptibles d’être sanctionnés ».

Pour Gabriel Rufyiri, ce phénomène selon lequel les autorités des entreprises publiques s’arrogent le droit de hausser les prix des produits ne s’observe pas seulement à la Sosumo. Il rappelle le processus de fixation des prix pour une société publique.

« Pour revoir la structure du prix d’une société publique, il y a tout un processus. Il y a ce qu’on appelle le comité de direction, composé par l’AGD et les directeurs. Ils se réunissent et ils proposent au conseil d’administration une nouvelle structure. Le conseil d’administration se réunit et valide cette proposition. Une fois que la proposition est validée, il est acheminé vers le ministre. C’est tout comme ça que toutes les sociétés publiques fonctionnent, qui ont des conseils d’administration. Le ministre, à son tour, valide ou invalide »

Selon le président de l’Olucome s’interroge sur le comment la Sosumo annonce sa volonté de s’aligner aux prix des privés du moment que la commercialisation du sucre a été libéralisée. « Ce n’est pas la Sosouma ou n’importe quelle société qui s’aligne au prix, c’est le marché qui influence les prix, c’est-à-dire la loi de l’offre et de la demande ». Gabriel Rufyiri trouve la solution dans la disponibilité de devises.

Aloys Baricako : « C’est dommage ! On venait de libéraliser le commerce du sucre. »

Pour Aloys Baricako, président du parti Rassemblement national pour le changement (RANAC), c’est déplorable de voir que le prix du sucre passe de 3 200 BIF à 8 000 BIF alors que le pouvoir d’achat de la population n’a pas augmenté.

Il s’imagine comment les familles vont trouver de l’argent pour acheter le sucre pour leurs enfants qui doivent prendre toujours du thé le matin.
« C’est paradoxal parce qu’on venait de libéraliser le commerce du sucre pour pouvoir trouver une solution à la pénurie récurrente du sucre qu’on observe depuis quelque temps », s’indigne-t-il.

Le président du RANAC s’interroge si en fixant le nouveau prix, on s’est référé au coût de production ou sur le coût à l’importation et comment les importateurs vont fixer le prix. Pour lui, la SOSUMO devrait jouer le rôle de régulatrice pour éviter des prix exorbitants.
« Est-ce que la SOSUMO va finalement augmenter sa production pour faire face à la pénurie récurrente programme d’investissement qui était là depuis 2001 n’a pas encore commencé ? » , s’interroge-t-il.

Aloys Baricako prédit les dégâts, car selon lui, les privés vont fixer les prix comme ils veulent d’autant plus qu’ils sachent que la SOSUMO ne sera pas capable de produire la quantité nécessaire pour répondre aux besoins de la population.

Comme conséquence, fait-il observer, le prix des produits fabriqués à base du sucre va grimper.
« En principe, pour les produits stratégiques, de première nécessité, d’intérêt général, le gouvernement devrait s’impliquer pour voir si la population est en mesure de s’en procurer », interpelle-t-il.

Pour lui, le gouvernement doit veiller à ce que les mesures qui sont prises viennent pour faciliter la vie de la population.


RENCONTRE

André Nikwigize : « L’économie burundaise est en faillite »


La Sosumo vient de revoir à la hausse le prix du sucre. Votre commentaire sur les explications de la Sosumo

C’est une erreur économique grave. Une entreprise publique, comme la Sosumo, son rôle est de réguler les prix et de protéger les consommateurs. Il y a importations parce que la production locale est insuffisante.

Avec les difficultés pour les importateurs d’avoir accès aux devises, s’ils les trouvent, ce sera à des prix du marché noir, et non, au cours officiel. Leurs importations de sucre, arrivées sur le marché local, seront certainement chères.

Comment comprendre qu’une entreprise nationale, utilisant des matières premières locales, une main-d’œuvre moins chère, et des subventions de l’Etat, aille aligner ses prix sur ceux des importateurs privés.

En temps normal, l’Etat devrait fixer le prix du sucre en fonction du coût de revient de la production. Mais, la politique n’est pas toujours rationnelle. Il y a certainement un autre agenda derrière ces augmentations de prix.

La question du sucre de la Sosumo, au-delà d’être un problème de baisse de la production, est, d’abord, un problème de gouvernance.

Le problème auquel fait face la Sosumo, aujourd’hui, est similaire à ceux que rencontrent d’autres entreprises publiques du Burundi. La mauvaise gouvernance.

Que voulez-vous dire concrètement ?

Une entreprise ne peut pas opérer pendant 40 ans, sans aucun investissement pour renouveler ses équipements de production, sachant que la population augmente, que la demande augmente, et espérer que la performance serait toujours satisfaisante. C’est le cas de la Sosumo.
Elle a continué à travailler comme si la population burundaise était toujours de 5 millions de personnes.

Qu’a fait l’actionnaire principal, l’Etat, pour investir dans cette entreprise, dont la mission était, non seulement de satisfaire le marché national en sucre, mais également, le marché régional au sein de la CEPGL, conformément aux accords pour faire de cette entreprise une entreprise communautaire ?

L’autre question est de savoir si, en payant le prix de 8.000BIF (contre 3.200 BIF auparavant), la population aura le sucre dont elle aura besoin. La production de la Sosumo va-t-elle augmenter, pour autant ?

Enfin, la dernière question est l’impact qu’aura la libéralisation de l’importation du sucre, en sachant qu’il sera difficile aux opérateurs privés d’importer, avec une monnaie qui se déprécie chaque jour, et que trouver des devises sur le marché, c’est la croix et la bannière.

Que faire alors ?

Il faut que l’Etat se rende à la triste évidence : l’économie burundaise est en faillite. Car la question de la hausse du prix du sucre n’est pas un cas isolé, elle concerne tous les produits de première nécessité. Elle affecte le bien-être de toute la population. Le gouvernement en est-il conscient ?

Déjà en juin 2022, vous aviez abordé la question dans votre article. Aujourd’hui, 2 ans après, c’est le même problème. Le sucre au marché parallèle s’achetait à 8.000BIF. Aujourd’hui, la Sosumo confirme ce prix officiellement. Ne soyez pas surpris si demain le gouvernement confirme le cours du marché noir du dollar qui passerait de 1$= 2.899BIF à 1$= 7.000 BIF. Logique du marché oblige.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Mwamba lucien

    L’ État burundais doit créer une AGENCE dependant de la présidence pour analyser les prix des biens produits locaux et ou importés. Dans cette agence y recruter des EXPERTS en comptabilité s industrielle, commerce international,…fixer les prix …pour le bien des consommateurs respectant les bénéfices et marges commerciales selon LA LOI COMMERCIALE du Burundi.

  2. jereve

    Mais qu’est-ce qui ce passe? Dans un pays où la matière première, c’est-à-dire la canne à sucre, pousse à volonté, sans demander trop d’entretien; qui peux expliquer comment on en arrive à produire si peu de sucre jusqu’à recourir aux importations?
    C’est normal qu’on dépense beaucoup de devises pour importer du carburant, des médicaments… car nous n’en produisons pas. Mais du sucre, comme du maïs, du manioc…Nous devrions plutôt en exporter.
    J’ai l’impression qu’il y a des ministères qui ne font bien leur travail.

  3. Stan Siyomana

    Sur le marche international le prix du sucre est passe de 42,66 centimes de dollar pour 453 grammes (22 novembre 2023) a 33,75 centimes (20 aout 2024), soit une reduction du prix de 20,89%.
    A la cloture du marche le vendredi 20 septembre 2024, le prix etait a 37,61 centimes.
    https://www.barchart.com/futures/quotes/SDX24/interactive-chart

  4. Kabezi

    L ADG dit que la sosumo va s’aligner sur les prix pratiqués par les privés.
    A quoi servent alors les subventions qu’on vous donne?
    Pourquoi alors ne pas vendre la sosumo aux privés?
    Le pays économiserait énormément

  5. Ryangombe

    Après la sortie de cet article, j’ai ré écouté la sortie de Neva sur la question.
    Est ce qu’il prépare ces sorties?
    Est ce qu’il les ré écoute au moins?
    Pourquoi il ne chasse pas son ministre du commerce ou l ADG de la Sossumo?

    Cintinuons à rêver à la vision 40/60

    Une autre question: Ou trouve le Burundi des $usd qu’il vend à 2 900 bif lorsque la valeur réelle est de bif 7000?
    Muri ivyo bihangange bidutwara ntawukurikiza les régles élementaires de l’Economie?

    • Mandela

      Bavyize hehe? Reka kubatwenga.

      RWAGASORE hari ijambo yakoresha avuga abatware nkabo yakoresheje iri jambo: (….) censuré
      Igihugu iyo kiguye mu minwe y’abantu nkabo kiba kigiye akagirire. Aha kwogorora si uyu musi.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Le nouveau découpage administratif. Appréhensions et questionnements

Le 16 décembre 2022, une nouvelle loi de redécoupage administratif, instituant 5 provinces, 42 communes, 447 zones et 3036 collines ou quartiers, a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Parmi les raisons avancées figurent : rapprocher l’administration des citoyens, (…)

Online Users

Total 1 680 users online