Mardi 23 avril 2024

Société

Gitega : Chassés manu militari pour avoir réclamé leurs droits

Gitega : Chassés manu militari pour avoir réclamé leurs droits
Vue partielle de l’entrée du parc pétrolier de Gitega.

Depuis le 4 février 2022, quinze employés du parc pétrolier de Gitega ont été chassés du service pour avoir réclamé, selon eux, des contrats de travail, l’affiliation à l’INSS, la carte d’assurance maladie qui leur est interdit depuis 2005. Pour l’employeur, ce personnel n’a pas privilégié le dialogue.

Les plus anciens ont intégré le personnel du parc pétrolier de Gitega depuis 1999 et les moins anciens ont été engagés en 2018. Jusqu’à leur licenciement ce 4 février 2022, ces 15 employés n’avaient pas de contrat de travail signé, ne bénéficiaient pas de soins médicaux. Pas de primes d’ancienneté, l’employeur ne cotisait pas à l’INSS, pas de congés annuels, ni de repos hebdomadaire. Les jours fériés sont gratuits et travaillés comme l’atteste la correspondance du 27 février 2021 adressée au président directeur général de l’Interpetrol-Burundi. Selon eux, depuis 2005, ils avaient toujours réclamé qu’ils soient régularisés mais leurs doléances tombaient dans l’oreille d’un sourd. « S’ils ne nous menaçaient pas de nous chasser, ils nous promettaient d’arranger la situation l’année suivante  », indique Saleh Nzeyimana. D’après lui, jamais une réunion de travail, les chefs subalternes proféraient des menaces s’ils introduisaient une doléance quelconque. Loin d’améliorer les conditions de travail, la situation continuait de s’empirer jusqu’à ce qu’ils intentent une action en justice au Tribunal du Travail à Gitega.

« Aucun d’entre nous n’a ni contrat de travail, n’est membre de l’INSS. Nous nous soignons à nos propre frais, même dimanche nous devons être présents au travail et les jours fériés ne sont pas payés », déplore Selemani Bizimana. Même sentiment d’indignation chez Ildephonse Nakintije. Selon lui, dire qu’ils étaient des employés d’une grande société comme Interpetrol-Burundi qui reçoit des médailles de mérite chaque année serait aberrant. Il préfère qu’on les qualifie plutôt d’esclaves corvéables à merci : « Nos patrons ne se soucient pas des employés, Ils veulent gagner seulement sans se préoccuper ni de notre santé ni de nos pensions. Tu commences le travail avec un salaire de 100 000 BIF en 1999 et tu touches le même montant en 2022!»

Des militaires pour chasser les employés

Comme tout ce personnel le souligne, ils ont été chassés manu militari sans avertissement ni préavis de licenciement. Ils étaient tous au travail comme d’habitude mais ils ont vu débarquer les militaires qui leur intimaient l’ordre de sortir du lieu de travail. « Ce qu’ils nous chargeaient, c’est de ne pas avoir accepté les mêmes conditions de travail. Ce qui nous a tellement sidérés parce que nous nous attendions à une mise en application de ce qu’ils avaient accepté devant les juges du tribunal de travail », affirme Richard Mayugi tout en indiquant que les responsables cherchaient à brouiller les pistes à chaque fois que les réclamations s’imposaient.

« Ils nous exigeaient de fournir des documents qu’ils devaient eux-mêmes détenir. Quand un employeur oblige un planton de faire le décompte des primes d’ancienneté ou une somme des arriérés de cotisation à l’INSS, cela dépassait le niveau d’entendement », condamne Ahmad Kagabo. Par correspondances interposées en date du 19 octobre 2021, l’administrateur directeur général adjoint sommait le représentant du personnel d’amener tous les documents administratifs permettant l’affiliation à une assurance maladie, la régularisation du contrat de travail ainsi qu’une régularisation des primes d’ancienneté depuis leur engagement dans un délai ne dépassant pas 48h.

« C’était une fuite en avant car il savait bel et bien qu’aucun employé du parc pétrolier de Gitega ne pouvait bénéficier d’un congé quelles que soient les circonstances. Par ailleurs ces dossiers sont demandés à chaque employé dès le premier jour de son engagement et ils les ont toujours dans les tiroirs », s’exclame Joseph Bigirimana. Pour le moment, Me Salvator Kiyuku, avocat-conseil de l’INTERPETROL-BURUNDI ne répond plus au téléphone. Et selon nos enquêtes, ce personnel licencié serait déjà remplacé.

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Yan

    Ces travailleurs semblent vivre ce que les ouvriers ont vécu en Europe il y a 2 siècles : pas de contrat, pas de congé, pas sécurité sociale, pas de droit, tout simplement.

  2. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez: » Tu commences le travail avec un salaire de 100 000 BIF en 1999 et tu touches le même montant en 2022!»…
    2. Mon commentaire
    En général dans l’économie de marché (vers laquelle se dirige le Burundi tant bien que mal), les employeurs vont essayer de profiter de la situation de grand taux de chômage dans le pays, sachant qu’ils n’auraient pas de problèmes de remplacer des travailleurs renvoyés.
    « What is an Employer-driven Market?
    An employer-driven market is where there are more qualified candidates than job openings available. As an economy shrinks and unemployment rises demand for jobs increases resulting in scarcity. This type of job market is the result of the law of supply and demand.
    Employers are at an advantage when negotiating pay and benefits with candidates in this type of environment… »
    https://www.apollotechnical.com/employer-driven-market/#:~:text=An%20employer-driven%20market%20is%20where%20there%20are%20more,result%20of%20the%20law%20of%20supply%20and%20demand.

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