Non-maîtrise du français par les élèves et certains enseignants, faible taux de fréquentation dans cette la section, … Quelques défis qui hantent ladite section. Des intervenants du domaine alertent le ministère de tutelle pour sauver la langue d’apprentissage. Le ministre reconnaît la situation. Entre autres solutions, il propose l’augmentation du temps d’apprentissage et la formation continue des enseignants.
Les effectifs d’élèves fréquentant la section langues continuent à diminuer dans les écoles post-fondamentales. Dans les écoles visitées, il se remarque un manque d’engouement pour cette section et surtout une régression du niveau de français. Pourtant, le français est et reste en même temps une langue enseignée et d’enseignement.
Sur trois écoles visitées dans la Direction communale de l’Education de Rumonge, province de Burunga, les classes de première langue ne dépassent pas 10 élèves.
Selon le préfet des études au lycée communal urbain de Rumonge, la classe de première langue compte seulement 6 élèves et aucun des 25 qui y avaient été orientés ne s’est présenté.
Désiré Nkurunziza, directeur du lycée Saint Augustin de Birimba, fait savoir que la classe de première langue compte 9 élèves. Ici, trois élèves y avaient été orientés mais un seul s’est présenté.
Au lycée communal islamique de Rumonge, Triphose Harerimana, préfète des études, informe que la classe de première langue compte 10 élèves alors que 32 élèves y avaient été orientés.
Il s’agit de la même situation au lycée municipal de Gihosha et celui de Gikungu, commune Ntahangwa, province de Bujumbura. Selon Floribert Mbarubukeye, directeur du lycée municipal de Gihosha, le nombre d’élèves qui fréquentent la section langues va decrescendo.
En 2025, 85 élèves ont été orientés en première année de langues, mais pour le moment cette classe compte seulement 35 apprenants.
En 2024, sur 85 élèves qui avaient été orientés en première année de langues, 49 élèves se sont présentés.
En 2023, sur 95 élèves qui avaient été orientés en première année de langues, 54 apprenants se sont présentés.
De son côté, Félicien Hatungimana, préfet des études au lycée municipal de Gikungu, déclare que sur 100 élèves orientés dans la première année de langues au cours de cette année, seuls 26 sont en train de suivre les cours.
Les responsables des écoles visitées informent qu’au cours de l’année, il y a aussi des départs. Ils précisent que certains élèves préfèrent s’inscrire dans les sections techniques des écoles privées où le français est moins pondéré.
Manque de débouchés

Les responsables des établissements confient que les apprenants préfèrent les sections techniques. « Ces apprenants croient que ces sections présentent des chances d’être embauché à la fin du cursus scolaire ».
Certains élèves indiquent que les effectifs dans les sections de langues continuent à chuter pour plusieurs raisons. Ils disent que les lauréats des facultés des langues dans les universités ont moins d’opportunités d’emploi.
D’autres disent que le choix est limité quant aux facultés à fréquenter dans les universités.
« J’ai introduit un recours auprès de la section scientifique. Après le concours, on m’avait orienté dans la section des langues. Mais, en découvrant les cours proposés, j’ai compris que j’étais limité dans le choix des facultés à l’université », confie D.A., un élève du post-fondamental.
Il précise que, dans son entourage, les élèves inscrits en langues sont souvent dénigrés. Il confie qu’il ne voulait donc pas subir la même humiliation.
Les enseignants s’inquiètent
Odette Nibizi, professeure de français au lycée municipal de Gihosha, épingle le niveau bas des élèves en français. Elle constate que les apprenants n’ont pas de prérequis. Pour elle, le problème prend racine à l’école fondamentale.
« Il est difficile de comprendre comment un élève arrive au cycle post-fondamental sans savoir conjuguer au moins au temps présent les auxiliaires être et avoir ».
Cette enseignante indexe aussi certains collègues qui ont un problème d’expression. Pour elle, l’on ne donne que ce que l’on a.
« Nous constatons cette régression surtout lorsque nous encadrons les stagiaires, lauréats des universités. Des fois, nous sommes obligés de leur donner nos propres préparations comme notes parce que, quand nous regardons ce qu’un stagiaire a préparé et ce qu’il fallait dispenser comme leçon, nous constatons qu’il n’y a pas de cohérence ».
Mme Nibizi recommande le retour à l’ancien système éducatif parce que le nouveau système ne donne rien aux apprenants.
« On a supprimé beaucoup de matières dès l’école primaire. Je ne vois pas comment enseigner les langues sans discours direct et indirect ».
Elle propose la restauration du concours national de la 6e année et le test de la 10e année pour faire avancer de meilleurs candidats.
« Le français est la langue d’apprentissage et quand on ne la maîtrise pas, on échoue dans d’autres disciplines ».
Cap sur le lycée municipal de Gikungu
Rémy Habonimana, professeur de français au lycée municipal de Gikungu, indique que certaines leçons ont été supprimées du programme actuel. « Autrefois, il y avait des exercices de dictée. Aujourd’hui, il est presque impossible d’en donner, sauf si l’enseignant s’impose. Les élèves peuvent refuser, car ce n’est plus au programme ».
Il ajoute que les récitations et les poèmes ne figurent plus non plus dans les enseignements. Et pourtant ces exercices aident à améliorer la prononciation, l’intonation et la maîtrise de la langue.
Habonimana souligne qu’à cause du manque de vocabulaire, les élèves s’expriment de moins en moins. « Quand on leur demande d’aller emprunter des livres à la bibliothèque et d’en présenter un résumé après la lecture, cela devient un vrai casse-tête. Ils n’aiment plus lire. Ils sont aussi démotivés par le chômage après l’école ».
Ce professeur recommande la réintroduction des anciens programmes de lettres modernes, notamment les littératures africaine et française, l’étude des auteurs ainsi que les notions de grammaire d’autrefois.
Il suggère également d’augmenter le nombre d’heures de français dans les sections à dominante scientifique. « Une seule heure ne suffit pas, surtout pour des élèves qui ont accumulé des lacunes en français. Le cycle fondamental regroupe les quatre langues dans un même domaine, et un élève peut maîtriser une ou deux au détriment des autres, tout en passant de classe ».
Habonimana note enfin que même les élèves des sections scientifiques subissent les conséquences de cette faiblesse linguistique, puisqu’ils suivent leurs cours en français.
« Nous constatons qu’ils ne comprennent pas les termes utilisés, et c’est déplorable ».
Plus d’intérêt pour les langues
Antoine Manuma, président de la Fédération nationale des syndicats du secteur de l’enseignement et de l’éducation du Burundi (Fnaseeb), déplore la négligence de cette section au sein du ministère de l’Education. « En dehors de la réforme de l’éducation, les langues ont perdu leur considération lorsque le ministère a décidé que leurs lauréats ne seraient plus admis dans les internats. Une mesure dépourvue de justification valable ».

Il ajoute que le processus d’orientation scolaire a toujours été entaché de diverses irrégularités. Selon lui, certains élèves voient leurs recours refusés sous prétexte de maintenir un équilibre entre les sections. M. Manuma estime que cela affaiblit la performance de ces élèves, car on attribue la section scientifique à ceux qui ne la désirent pas.
« Même à l’université, peu d’étudiants s’intéressent à la filière des langues. Beaucoup y restent par contrainte. Depuis que le ministère a privilégié la section scientifique, les élèves ne manifestent plus d’intérêt pour les langues. Ils craignent de ne pas trouver d’emploi sur un marché du travail déjà saturé ».
À ses yeux, il conviendrait de revoir les orientations scolaires en fonction des résultats du concours national. Il suggère de tenir compte des choix exprimés par les élèves eux-mêmes.
Manuma revient également sur la question de la valorisation de la langue française. D’après lui, tous les lauréats du post-fondamental devraient atteindre un niveau de maîtrise satisfaisant. « Avec la réintégration des élèves de la section des langues dans les internats, l’intérêt a refait surface. Mais, cela reste insuffisant. Le ministère de l’Education doit fournir davantage d’efforts pour raviver cet engouement pour les langues ». Il fait aussi remarquer que celles-ci demeurent indispensables car elles sont utiles dans tous les domaines.
Le ministre de tutelle se dit préoccupé
Le ministre François Havyarimana reconnaît la régression du niveau de français.
Il informe qu’un rapport d’une évaluation internationale sur la qualité de l’enseignement effectué dans 20 pays, dont le Burundi, confirme cette régression dans le système éducatif burundais.
« Brièvement, le rapport constate amèrement la non-maîtrise de la langue d’enseignement qui est le français par la plupart des élèves et certains enseignants ».
Le ministre Havyarimana promet d’apporter une solution à ces défis. Il informe qu’une équipe technique a produit un rapport avec des propositions concrètes pour relever la qualité du système éducatif burundais.
Le rapport propose des ajustements à faire notamment pour les élèves et les étudiants futurs enseignants. Il suggère aussi des formations continues pour les enseignants en fonction.
« La non-maîtrise de la langue d’enseignement affecte, en effet, négativement le niveau de compréhension dans les autres disciplines ».
Par ailleurs, le ministre affirme que le temps d’apprentissage, qui ne respecte pas la norme exigée en la matière, sera réajusté.
« Le rapport propose par conséquent des ajustements à faire pour augmenter le temps d’apprentissage. Il propose ensuite la mise à jour des matières enseignées afin de s’aligner aux évolutions du moment mais également pour mettre un accent particulier sur le développement des compétences dans des filières stratégiques susceptibles de contribuer au développement du pays ».
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