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Santé

D’où vient la viande que vous mangez ?

26/06/2013 Commentaires fermés sur D’où vient la viande que vous mangez ?

Difficile de savoir la provenance de la viande dans votre assiette ou la brochette que l’on vous sert. A côté de l’abattoir officiel, d’autres dans la périphérie de la ville, certains clandestins, inondent en viande la capitale. Un trafic qui peut mettre en danger la vie des consommateurs.

Un boucher transporte un porc après l’abattage ©Iwacu
Un boucher transporte un porc après l’abattage ©Iwacu

Bistrot dit « Second Life » en commune urbaine de Kamenge. Toute une patte de vache est suspendue sur une corde près d’un brasero sur le quel grillent quelques brochettes. Ce qui est frappant pour tout passant, c’est la taille de la brochette qu’on y sert (8 à 9 gros morceaux).
F.E., une dame rencontrée sur place, indique que nulle part dans sa commune, on offre de pareilles brochettes : « Je viens régulièrement ici à cause de la taille de ces morceaux. » Toutefois, elle se demande d’où vient cette viande : « Chaque soir, l’endroit est bondé. Des clients viennent manger cette fameuse brochette. Ce qui m’inquiète c’est qu’elle est très grosse, mais coûte 1500 Fbu seulement. Ailleurs, la même brochette coûterait 3000 Fbu. Bizarre…

Kanyosha. Un autre client près d’un bistrot est du même avis. Il ne comprend pas comment les propriétaires des bars réalisent un bénéfice en vendant de pareilles brochettes alors que le prix d’un kilo de viande coûte 6000 Fbu. Il se demande si cette viande provient de l’abattoir officiel de Bujumbura…

En effet, l’ordonnance du 2 janvier 1949 sur l’abattage du bétail, stipule que dans les limites des circonscriptions urbaines de Bujumbura et Gitega, sauf dérogation spéciale, il est interdit d’abattre du gros bétail ou du petit bétail en dehors de l’abattoir de Bujumbura.
La même ordonnance affirme que l’abattoir de Bujumbura est le seul endroit qui doit approvisionner la mairie Bujumbura et que la viande qui provient du bétail abattu dans les provinces limitrophes de la mairie doit être consommée sur place.

Mais la réalité est différente. C’est un secret de polichinelle. Des bouchers de différents marchés de la capitale s’approvisionnent dans les aires d’abattage des provinces limitrophes de la Mairie comme Muzinda en commune Rugazi de la province Bubanza, Mubimbi en province Bujumbura dit rural etc.

L’abattage clandestin

Les bouchers du marché de Kamenge ne s’en cachent pas. Depuis la privatisation de l’abattoir de Bujumbura en 2010, ils vont à Muzinda. Là, les prix sont moins chers. « Les frais d’abattage à l’abattoir de Bujumbura sont exorbitants. Ils sont de 18.500 Fbu pour une vache. A Muzinda, nous payons 3800 ou 4000 Fbu pour une vache. »
Ainsi, chaque matin vers 6 heures, indique un vendeur de viande dans ce marché, il se rend à Muzinda pour y faire abattre son bétail : « Cette aire d’abattage est reconnue car des techniciens sanitaires examinent nos vaches avant et après l’abattage et apposent l’estampille. » Il paie 1000Fbu comme taxe communale par vache.

Mais à côté de ces aires d’abattage, raconte un chauffeur de taxi sous anonymat, dans les quartiers périphériques, on pratique allègrement l’abattage clandestin. Le chauffeur de taxi témoigne : « Parfois les bouchers me disent d’aller chercher de la viande dans des fermes pour l’amener au marché de Kinama. Souvent, ce sont des vaches sur le point de mourir de maladie qui sont abattues. » Propos confirmés par Prosper B., un des gardiens des vaches d’une ferme à Tenga. Selon lui, il arrive que malgré de multiples soins, une vache soit sur le point de crever. Ils appellent alors des bouchers : « Ils l’abattent dans le secret parce qu’il n’y a pas d’inspecteur médical pour examiner la vache et acheminent la viande dans différents marchés et bistrots. »

>>> Qualité de la viande : que fait le ministère de tutelle ?

’incinérateur de l’abattoir de Bujumbura où est détruite toute viande suspectée de contenir cette maladie ©Iwacu
L’incinérateur de l’abattoir de Bujumbura où est détruite toute viande suspectée de contenir cette maladie ©Iwacu

La guerre des abattoirs

Pour le docteur Venant Nkundikije, médecin vétérinaire à l’abattoir de Bujumbura, ce qui se passe dans le secteur de l’abattage et de la commercialisation de la viande est tout simplement honteux : « Seules les boucheries et quelques bouchers viennent faire abattre leur bétail chez nous. Les autres vendent de la viande du bétail abattu ailleurs. »
Non seulement, précise-t-il, le trafic de cette viande présente des risques pour la santé des consommateurs mais aussi elle fait perdre beaucoup d’argent à l’Etat. Le docteur indique que l’abattoir de Bujumbura paye chaque jour 2700 Fbu à l’OBR comme taxe par vache abattue (la moyenne des vaches abattues est de 70 par jour) alors que les autres paient des miettes.

Et d’expliquer que le bétail abattu dans ces aires d’abattage n’est pas bien examiné car ces techniciens n’ont pas la formation requise: « La plupart des fois leur rôle se limite à veiller à ce que la viande consommée dans les marchés soit toujours en bon état. »
Pour lui, il s’agit ni plus ni moins d’une concurrence déloyale. Concurrence déloyale ou pas, une source proche de la Boucherie Charcuterie Nouvelle, très connue à Bujumbura, indique que cela n’a aucun impact sur leur vente : « Ceux qui savent la qualité de notre viande continuent de venir s’approvisionner chez nous. » Le gouvernement devrait mettre en place une agence de contrôle et de régulation de la filière viande.

Mais les bouchers rencontrés à Muzinda et Mubimbi réfutent ces critiques. « Nous avons des inspecteurs vétérinaires, des autorisations d’abattre nos bêtes délivrées par l’administration. Que veulent-ils de plus ? »
D’après eux, ceux qui disent que leurs produits ne sont pas inspectés sont jaloux car ils concurrencent l’abattoir de Bujumbura. Ces bouchers accusent les responsables de l’abattoir de Bujumbura de mener une campagne pour les salir.
La vérité, estiment-ils, est que la loi de 1949 ne colle plus à la réalité car l’abattoir de Bujumbura seul n’est plus capable de fournir en viande tous les habitants de la Mairie parce que la ville s’est agrandie.

Cet argument est contesté par les responsables de l’abattoir de Bujumbura. Selon eux, leur abattoir a une capacité d’abattre 250 vaches par jour, ce qui est suffisant pour la Mairie de Bujumbura. Or, actuellement précisent-ils, ils sont à 30% de leur capacité. Quant à l’argument de la loi qui serait tombée en désuétude, Venant Nkundikije estime qu’une loi est remplacée par une autre.

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