Lundi 08 décembre 2025

Société

Des paliers vers l’inclusion des personnes vivant avec un handicap restent à franchir

Des paliers vers l’inclusion des personnes vivant avec un handicap restent à franchir
Les personnes vivant avec un handicap lors de la célébration de leur journée

A travers le monde, le 2 décembre est une journée dédiée aux personnes vivant avec un handicap. Les associations qui luttent pour les droits de cette catégorie sociale au Burundi trouvent qu’on a encore du pain sur la planche. Elles appellent le gouvernement à mettre en place des mesures faisant respecter la loi qui régit les personnes vivant avec un handicap.

Un accès limité à l’information et à l’éducation ; une discrimination dans certains familles, communautés et lieux de travail ; un accès limité aux infrastructures publiques et privées ; une faible représentation dans les instances de prise de décisions, … telles sont certaines difficultés auxquelles font face les personnes vivant avec un handicap.

Rencontrée sur la colline Murinzi, dans la zone Gatumba, Marie Nzikobanyanka est une veuve d’une soixantaine d’années vivant avec un handicap. Elle partage le calvaire de sa vie quotidienne après la perte de son mari qui l’aidait dans les tâches de tous les jours. « La vie devient très difficile lorsqu’une personne vivant avec un handicap se retrouve seule. Me déplacer pour accomplir les tâches ménagères est un vrai défi. Souvent, je ne participe pas aux réunions communautaires. Ce qui me prive des informations sur les nouvelles du quartier. Il m’arrive même de ne pas recevoir les aides humanitaires distribuées localement, à cause de mes limites physiques. »

Mme Nzikobanyanka lance un appel aux responsables locaux. « Les chefs de quartiers côtoient au quotidien les personnes en situation de handicap. Ils devraient vraiment se soucier de nos conditions de vie. Nous sommes des personnes comme les autres. Avec un minimum de soutien, nous pouvons contribuer à la production et au développement économique du pays. Malheureusement, on nous voit uniquement comme des personnes vulnérables et incapables. »

Des infrastructures publiques inaccessibles

Sept ans après l’adoption de la loi n°01/03 du 10 janvier 2018 portant protection des droits des personnes handicapées, son application reste inégale à travers le pays. Alors que cette loi exige que toute infrastructure publique tienne compte des besoins spécifiques des personnes vivant avec un handicap, de nombreux bâtiments récents ne respectent toujours pas cette norme.

Au marché de Kamenge par exemple, la loi n’a pas été respectée. Térence Nimubona, une personne vivant avec un handicap, partage les difficultés qu’il rencontre au quotidien lorsqu’il vient s’y approvisionner. « La structure du marché n’est pas adaptée aux personnes comme moi. Je ne peux pas accéder aux stands situés à l’étage. Je dois souvent payer un ami pour qu’il fasse les achats à ma place. Cela me fait perdre du temps, parfois je reste ici des heures. »

Il explique aussi les contraintes liées à sa mobilité. « Je suis obligé de laisser ma chaise roulante au parking, car elle ne peut pas circuler facilement dans le marché. Je me déplace alors avec mes béquilles. Ce qui est très délicat à cause de la foule. On se bouscule souvent, et c’est moi qui tombe, car mes jambes ne me soutiennent pas bien. Le gouvernement devrait mettre en place des mesures qui sanctionnent ceux qui construisent les immeubles sans tenir compte des personnes en situation de handicap. »

Toutefois, certaines infrastructures ont été construites dans le respect des dispositions légales.


Réactions

Cassien Bizabigomba : « Il faut que les personnes vivant avec un handicap figurent dans les organes de prise de décisions »

Le président de la Fédération des associations des personnes handicapées du Burundi, FAPHB, fait savoir que, malgré que la Journée internationale des personnes handicapées se célèbre chaque année, ces dernières ne sont pas respectées car elles sont toujours considérées comme des personnes vulnérables et incapables.
« On les voit comme des personnes qui nécessitent une assistance sociale permanente alors qu’elles devraient être considérées comme des personnes capables, qui peuvent être aussi autonomes si elles sont soutenues bien sûr. Dans les conditions normales, les personnes vivant avec un handicap devraient normalement être cooptées dans des postes politiques comme les Batwa. »

Pour lui, même si la loi de 2018 régissant les personnes handicapées insiste sur l’accessibilité physique, la construction de plusieurs infrastructures publiques et privées ne respecte toujours pas les normes et clauses de l’accessibilité physique recherchée afin que les personnes vivant avec un handicap aient aussi la facilité d’accéder dans différents services comme toute autre personne en bonne santé physique.

Pour que ces personnes puissent jouir pleinement de leurs droits, poursuit-il, il faut la révision de la Constitution du Burundi qui, actuellement, discrimine les personnes vivant avec un handicap. « Il faut une mise en vigueur des lois déjà adoptées à cet effet et de leurs textes d’application. Il faut également faire des aménagements raisonnables que ce soit à l’accessibilité physique ou à l’harmonisation administrative pour que les personnes vivant avec un handicap soient parmi les organes de prise de décisions. »

Alexis Hatungimana : « Il faut une rigueur dans la mise en application de la loi régissant les personnes vivant avec un handicap »

Le représentant légal de l’Union des personnes handicapées du Burundi, UPHB, indique qu’au regard des infrastructures publiques et privées construites au Burundi, peu d’entre elles sont accessibles aux personnes vivant avec un handicap. Elles n’ont pas de rampes d’accès pour les personnes qui n’ont pas une bonne santé physique.

Il rappelle l’existence de la loi de 2018 tout en déplorant sa mise en application quasi inexistante. « Cette loi n’est pas mise en œuvre dans plusieurs secteurs, faute de textes d’application. Le gouvernement doit prendre des mesures d’accompagnement concrètes pour assurer son effectivité. »

Pour M. Hatungimana, il est urgent de renforcer le système de santé afin de permettre une détection précoce des handicaps. Cela faciliterait la prise en charge et la réadaptation. « Cela profiterait non seulement à la famille de l’enfant concerné, mais aussi à tout le pays. »

Il déplore également le manque d’inclusion dans les situations d’urgence. « En cas de catastrophe naturelle, les besoins des personnes vivant avec un handicap ne sont presque jamais pris en compte. Même dans les camps de réfugiés, aucun dispositif spécifique n’est prévu pour elles. »

Malgré l’existence de la loi de 2018, d’une politique nationale et de son plan de mise en œuvre, M. Hatungimana regrette que leur application reste faible. « Il y a encore beaucoup à faire. La loi existe, oui, mais elle est très peu respectée. Il est indispensable d’adopter des textes d’application concrets dans tous les secteurs. »

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