Vendredi 29 mars 2024

Politique

«Attaque rebelle» à Bujumbura – « Criminels armés » et Inyankamugayo, bonnet blanc et blanc bonnet ?

09/03/2020 Commentaires fermés sur «Attaque rebelle» à Bujumbura – « Criminels armés » et Inyankamugayo, bonnet blanc et blanc bonnet ?
«Attaque rebelle» à Bujumbura – « Criminels armés » et Inyankamugayo, bonnet blanc et blanc bonnet ?
Les militants du CNL sur différentes collines de la zone Muyira vivent la peur au ventre.

La situation est tendue dans certaines communes de la province Bujumbura, après le passage, la semaine du 17 février, d’une trentaine de prétendus rebelles, exécutés pour la plupart. C’est surtout la peur dans les milieux des CNL, au lendemain d’une vague d’arrestations de certains militants. Des dizaines sont entrés en clandestinité…

C’est une « véritable chasse », s’exclame un militant du CNL de la colline Kirombwe en commune Kanyosha. «Le cœur bat à rompre à chaque minute, à chaque seconde. Les palpitations vont crescendo au moindre passage d’un groupe d’Imbonerakure ».

S’il jouit encore de sa liberté, ce quadragénaire se dit fortement convaincu qu’il le doit à sa capacité de ‘‘camouflage’’. « Nous avons appris toute une liste d’Inyankamugayo qui doivent être arrêtés. Ce sont des représentants du parti qui figurent pour la plupart sur les listes électorales. Chacun fait de son mieux pour se camoufler. S’il arrive qu’on soit appréhendé, tant pis ! »

« L’innocence ne vaut rien ! »

Une militante du CNL de la colline Rubizi ajoute : «Surtout pas prétendre être innocent et s’exhiber partout. Car la destruction du parti est déjà décidée». C’est d’ailleurs, explique-t-elle, à cause des illusions d’innocence que Pascal Nicinyeretse et Josué Nduwimana, respectivement chargé des affaires sociales et de l’idéologie du CNL en commune Kanyosha, se sont vus arrêtés jeudi 27 février, en toute surprise…

Ce jour-là, ces deux hommes, en compagnie des administratifs à la base dont la cheffe de colline, se sont rendus au poste de police de Muyira pour s’instruire sur ce qui était derrière la poursuite de l’un d’eux. La veille, un groupe de policiers et d’Imbonerakure du centre Muyira voulaient arrêter Pascal Nicinyeretse à son domicile à Rubizi. Sauf qu’il n’était pas là.

Sur des conseils de l’administration collinaire, il se rendra donc innocemment, le lendemain avec Josué Nduwimana, à la police de Muyira, pour se renseigner sur les motifs de sa recherche. Il n’aura pas le temps de le savoir : «Il y a eu un petit interrogatoire, juste le temps d’attendre qu’un véhicule du service de renseignement n’arrive pour l’emmener, lui et son co-partisan », explique un proche à eux.

Les administratifs qui les avaient accompagnés sont restés abasourdis. La cheffe de la colline Rubizi raconte : «On nous avait dit qu’il y a des gens qui vont venir témoigner contre les deux hommes, nous les avons attendus en vain.» Primitiva Nsengiyumva s’étonne toujours : «Nous n’arrivons toujours pas à comprendre les mobiles de cette arrestation. La colline était calme, la cohabitation très pacifique. Nous connaissons les deux hommes, ils n’avaient fait à notre connaissance rien de mal. Ils faisaient tous les travaux de développement ensemble avec tous les autres.» Cet administratif demande à la justice de faire son travail et de les relâcher.

Mais dans cette commune de Kanyosha, ce climat s’installera plus tard, au lendemain d’une réunion de sécurité tenue mercredi 26 février par la gouverneure de la province Bujumbura. Ce sera comme un prolongement d’une situation déjà tendue depuis une bonne semaine dans les communes Isare et Mubimbi…

Vague d’arrestations dans Isare et Mubimbi

L’«échange de tirs » entre un groupe de présumés rebelles et des éléments de l’armée et de la police mercredi 19 février à Kirombwe, dans les hauteurs surplombant la ville de Bujumbura, s’est suivi de plusieurs arrestations de militants du CNL dans la commune Isare. Au moins 17 logeaient déjà dans différents cachots au lendemain des affrontements. Entre autres Philippe Butoyi et sa femme Gloriose Mpawenimana, Debegeri et ses trois fils (Jean Berchmans Ndikubatware, Joseph Bibonimana et Jean Bosco Nahimana), sa petite-fille Antoinette Nimbona ainsi qu’Oscar dit Shoga à la colline Rushubi. Mais encore Vianney Nduwimana à la colline Sagara, Antoine Bukuru à Bibare ainsi qu’Edouard Ngendakumana et Jonas à la colline Benga. Tous, des membres de la représentation du CNL sur leurs collines à l’exception de Jean Bosco, Vianney et Philippe, des démobilisés du FNL-Palipehutu et très influents dans le parti CNL.

Selon des témoignages, ces derniers étaient arrêtés par la police accompagnés par des Imbonerakure. Des sources pointent du doigt un certain Bède comme l’Imbonerakure qui désignait les Inyankamugayo à arrêter. Alors présumés complices du groupe rebelle qui s’attaquait aux forces de l’ordre, ils étaient tirés certains de leurs ménages, d’autres de leurs postes de travail, du marché ou arrêtés chemin faisant avant d’être tabassés. Minées par les coups, Gloriose Mpawenimana et Antoinette Nimbona passeront une nuit à l’hôpital de Rushubi avant d’être emmenées en prison.

« Les Imbonerakure les chargeaient de ravitaillement de cette rébellion. Ils disaient que les denrées alimentaires se faisaient rares sur les marchés car les CNL achetaient une grande quantité pour ce ravitaillement», rapportent des habitants de Rushubi.

Des arrestations qui se sont également opérées dans la commune Mubimbi, faisant au total 7 Inyankamugayo interpellés. L’un d’eux succombera aux coups reçus dans la foulée des arrestations.

« Plus d’une trentaine  de fugitifs» …

Les militants du CNL emprisonnés seraient victimes d’un groupe rebelle neutralisé par les forces de l’ordre.

Les informations recueillies auprès des habitants des différentes collines de la zone Rushubi font état d’au moins trente-cinq membres du parti d’Agathon Rwasa en clandestinité depuis le soir du 19 février. «Des amis leur ont dit qu’ils sont recherchés. Ils sont pour le moment au couvert (leur mot pour dire cachette)».

D’après nos sources au chef-lieu de la commune Isare, nombreux parmi les fugitifs étaient des fonctionnaires de l’Etat, représentants du CNL aux différents niveaux de la commune. Il s’agit notamment de Désiré Nimpagaritse, représentant du CNL à Nyambuye et enseignant à l’Ecofo Nyambuye, de Roger Ndoricimpa, trésorier du CNL dans la commune Isare et enseignant à l’Ecofo Mpinga, de Claver (secrétaire communal du parti et enseignant à Nyambuye), etc.

«Nous nous regardons en chiens de faïence avec les Imbonerakure », avoue un jeune militant du CNL de la colline Kinyovu, qui dénonce l’implication de l’administrateur communal d’Isare. Selon lui, lors d’une réunion, le 24 février, l’administrateur Gilbert Niyonkuru aurait lancé des menaces ouvertes à l’endroit des Inyankamugayo. Il l’accuse d’avoir tenu ces propos : « Les CNL sont derrière ces rebelles. Chaque CNL est prié de se rendre de son propre gré devant l’OPJ ou chez l’administrateur avant qu’il ne soit arrêté de force.»

Interrogé sur ces dires et la méfiance politique dans sa commune, Gilbert Niyonkuru n’a pas voulu s’exprimer pour l’heure. Il promet de réagir ultérieurement. Le président du Cndd-Fdd en commune Isare rejette toute mauvaise cohabitation entre les Imbonerakure et les Inyankamugayo. Pascal Ntahonzigamiye affirme qu’à sa connaissance il n’y a pas de personnes d’Isare qui sont arrêtées à cause de leur casquette politique. Il ajoute tout de même : « S’il y a l’un ou l’autre qui aurait été appréhendé pour des raisons de sécurité, c’est à la justice de répondre.» Quant au porte-parole de la police, il s’est refusé à tout commentaire.

Les militants du CNL arrêtés ont été acheminés manu-militari à la prison centrale de Mpimba. La représentation du CNL dénonce des arrestations à caractère politique. Lors de la réunion du mercredi 23 février dernier, à la suite des « affrontements » de Muyira et Nyabiraba, Déo Bigirimana, commissaire provincial de police à Bujumbura, avait tenu à prévenir : « Si demain ou après-demain, il y a l’un ou l’autre qui se fait tirer les oreilles, ne soyez pas étonnés, car ce sont les captifs qui les dénoncent.» Pour l’heure, l’identité des « criminels armés » se veut toujours un mystère.

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