Vendredi 26 avril 2024

Politique

Vers une CVR « Nyakuri » ?

16/08/2013 9

Au moment où Festus Ntanyungu, député du Cndd-Fdd, défend bec et ongles que « la Commission Vérité et Réconciliation est un organe politique », que « ce sont les parties en conflit d’alors qui doivent mettre en place la CVR », la société civile rappelle que cette position contredit la volonté populaire exprimée lors des consultations nationales.

Gertrude Kazoviyo : « Si l'idée de la CVR est une décision des politiques réunis à Arusha, il s'agit de l'expression d'une volonté politique et non un compromis entre politiques » ©Iwacu
Gertrude Kazoviyo : « Si l’idée de la CVR est une décision des politiques réunis à Arusha, il s’agit de l’expression d’une volonté politique et non un compromis entre politiques » ©Iwacu

Au troisième point du chapitre IV (Mécanisme de recherche de la vérité) du Rapport des Consultations nationales (juillet-décembre2009), il est stipulé que « la grande majorité des Burundais consultés veulent que les membres de la Commission proviennent de la société civile (92,69%), des confessions religieuses (91,84%), des professions libérales (85,96%) et du gouvernement (72,91%) ».

D’après Mme Jeannine Nahigombeye, de l’ONG Impunity Watch, membre du Groupe de Réflexion de la société civile sur la Justice de Transition (GRJT), ce postulat de base mérite d’être rappelé. Ceci concerne également le septième point de l’Accord Cadre (entre les Nations Unies et le gouvernement) de novembre 2007 portant création et définition du mandat du Comité de Pilotage Tripartite(CPT) en charge des Consultations Nationales sur la Justice de transition.
Il précise qu’« en conformité avec les principes du droit international et les obligations qui en découlent, les conclusions tirées de ces consultations seront prises en compte et reflétées dans les actes fondateurs des mécanismes de la Justice de transition, y compris le processus de sélection des commissaires ».

Selon Gertrude Kazoviyo, porte-parole du Forum pour le renforcement de la société civile (Forsc), la CVR ne peut pas être politique, sinon elle risquerait de mettre les citoyens devant le fait accompli d’un non-lieu sur tout ce qui s’est passé. « Ce sont principalement les politiques qui ont à répondre de leur responsabilité sur les tragédies qui ont endeuillé le pays », fait-elle savoir.
Et de poursuivre : « Si politiques il doit vraiment y avoir dans la CVR, ils doivent y être représentés à titre d’observateur. Même si l’idée de la CVR est une décision des politiques réunis à Arusha, il s’agit de l’expression d’une volonté politique et non d’un compromis entre politiques. »

Jeannine Nahigombeye : « Il est ahurissant d’indiquer que la CVR doive être politique » ©Iwacu
Jeannine Nahigombeye : « Il est ahurissant d’indiquer que la CVR doive être politique » ©Iwacu

Au regard des équilibres politiques actuels, explique Jeannine Nahigombeye, avec la CVR telle que voulue par l’honorable Festus Ntanyungu, ancien président du Comité de Pilotage Tripartite, les commissaires issus du parti au pouvoir ne seraient pas en deçà de 7 sur les 11 proposés dans le projet de loi régissant la CVR transmis depuis le 11 décembre 2012 à l’Assemblée nationale pour analyse et adoption.
« S’il peut être défendable qu’une CVR soit composée exclusivement de Burundais, même si les populations consultées ont plébiscité une commission mixte, il est ahurissant d’indiquer que la majorité des commissaires doivent provenir des factions politiques ou anciens groupes armés signataires des accords de cessez-le-feu », fait savoir Mme Jeannine Nahigombeye du GRJT. « Il leur serait difficile d’être neutres et de transcender les clivages de toute nature », souligne-t-elle.

Que de millions de dollars déjà dépensés et à dépenser : un montant de 1.086.729 Dollars US octroyé par le Fonds PBF (Peace Building Fund) a été déjà dépensé dans le cadre des consultations nationales sur la mise en place des mécanismes de Justice de transition au Burundi. Le budget estimatif de la CVR tel que proposé par le Comité Technique chargé de la préparation de la mise en place des mécanismes de Justice transitionnelle dans son rapport est de 20.755.017.800 Fbu.

Pour ce membre du GRJT, il ne faut pas que la CVR burundaise soit comme celle de la RDC qui n’a jamais fonctionné parce que pilotée par les diverses factions politiques. « Chaque commissaire passait le plus clair de son temps à torpiller les enquêtes sur les crimes commis par son camp et la CVR a excellé pendant 3 ans dans le travail de pacification au lieu de faire sa mission première, celle de la recherche de la vérité », signale Jeanine Nahigombeye. Elle demande que le projet de loi régissant la CVR, décrié par la société civile et les Nations unies, ne soit pas adopté en l’état.

Pour Aloys Batungwanayo, porte-parole de la plate-forme AMEPCI Gira Ubuntu regroupant des associations des victimes, avec une CVR politique, il n’y aura que des négociations et des compromis. « Et la vérité tant recherchée ne sera jamais connue, chaque camp va essayer de couvrir les crimes commis par l’autre et vice-versa », regrette-t-il.

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. vuvuzela

    C’est exactement ce que veut le peuple: CVR Nyakuri

  2. RIRIKUMUTIMA

    Winston CHURCHILL disait : »La vérité est une chose trop importante pour ne pas être protégée par des mensonges », les DD peuvent être plus fort dans tous les domaines et user toutes intimidations, manoeuvres de tout genre mais ils ne pourront jamais nous faire avaler « une fausse vérité » émanant de la CVR. La justice burundaise également peut rendre des procès à la Rwembe mais ne pourra pas emprisonner la vérité. Cette paysanne du site de déplacés de Mutaho, Gasenyi (Rango), Ruhororo, Rutegama….. n’attend rien de la CVR quand elle a vu de ses propres yeux des gens qui ont tué son mari, ses enfants, son bétail,…. et ses cicatrices l’y aideront.
    Il y a des gens qui pensent que c’est l’ONU qui décrete le génocide, non!!!! Visitez certaines collines des communes de Karuzi on vous dira que la question hutus- tutsis n’existe plus car ils ont fait le job!!!
    Je commence d’ailleurs à douter de l’importance de telles commissions de dissuasions après la CNTB ,CNC,…
    Ton père a achété à l’Etat une propriété et l’Etat a encaissé de l’argent et Serapion vous dira « vous n’êtes pas un acquereur de bonne fois »

  3. bornto

    Mais vos statistiques sont ambiguës, on n’y comprend rien vraiment.
    Dites-nous combien pour cent en un tout, pas comme vous l’avez écrit, rien n’en sort comme compréhension claire et intelligible.

  4. bornto

    La CVR :Les sanctions font peur. La Vérité fait vraiment peur. Mais sur les différents crimes il y a eu des témoins, donc tout ce qui a été commis se sait, c’est plutôt la publication à grande échelle qui fait peur. On veut uniquement la réconciliation hypocrite entre l’UPRONA & alliés, le CNDD-FDD & alliés, le FNL & allié. Les non-alignés, les victimes on s’en fiche ! Voilà notre Burundi. La puissance est encore au pouvoir du canon, mais les choses vont changer avec le décès ou le viellissement de ceux-là qui ont commis tant de crimes, côté UPRONA, on peut se rendre compte que beaucoup de choses peuvent se faire sans eux, et pourtant c’était une puissance sans laquelle rien n’était possible. Pour le système actuel, lui-même a déjà compris que les choses doivent changer et sans armes à feu. C’est pour bientôt, eux-mêmes ont créé un espace pour le débat pour tous les aspects de la vie du pays, nous devrions en profiter et aller de l’avant.

  5. karenzo

    Nous avons le droit et le devoir de demander au CDD FDD Sans oublier le FRODEBU de nous expliquer où sont les Tombes de plus de 300 personnes massacrées à la machette et au gourdins en 1993. la première république doit aussi répondre pourquoi elle a osée tuer environ 300 000 humains.

    Que tous ces politiciens nous expliquent tous cela.

  6. KABADUGARITSE

    Mbega ko umengo hariho abo CVR iteye ubwoba. Kazoviyo n’exprime pas uniquement la chanson de son église mais nombreux de nos compatriotes ont le même sentiment et il suffit d’écouter tous ces criminels des anciennes et nouvelles Républiques.

    Il y a toutefois une chose à faire valoir et c’est bien celle-ci: La CVR à été une des propositions parmi tant d’autres points et pierres qui ont fait partie de la fondation des accords d’Arusha; il n’y avait pas d’unanimité bien-entendu car certains ont toujours peur d’être dévoilés dans leur sales besognes d’antan mais elle s’impose désormais à tous les acteurs de la politique burundaise si pas à tout le peuple burundais. Je suis concerné; vous êtes concernés; nous sommes concernés.

    Attendons tout simplement l’heure de … la vérité et de la réconciliation.

  7. Barekebavuge

    A quoi vous attendiez-vous dans cette recherche de la vérité? Ce sont les chefs du gouvernement ont organisé les consultations populaires sur la question. Les citoyens se sont exprimés, les conclusions tirées. Festus veut-il agir contre ce que le peuple lui a dit? Pas surprenant, les promesses électorales du CNDD-FDD n’engagent que ceux qui les écoutent et les croient. Courage quand même aux militants de la société civile, vous avez montré que votre combat a limité les dégâts plus d’une fois.

  8. Barekebavue

    Le CNDD-FDD a peur de répondre de ses actes devant une CVR réellement indépendante. Il a fait un mariage d’intérêts avec l’Uprona dans ce but principalement. Courage aux militants des droits de l’homme qui luttez fermement contre la culture de l’impunité au Burundi. Même si on vous oppose toujours l’unique argument de  » le Burundi un Etat de droit », ne cédez pas; vous comptez sur l’appui des juristes de formation. Le nommade politique Ntanyungu Festus a abandonné Nyangoma, il abandonnera ces autres s’il voit que les choses risquent de tourner autrement.

  9. J.De Dieu

    Je pense que tout ceci est une fuite en avant! Quel poids les propos de l’honorable Festus ont au niveau del’opinion et des decideurs?
    La Commission a mon avis aura un une principale mission a realiser:etablir la verite des faits et evenemnts. Et ceci n’a rien de poiltique.
    La connaissance de la verite menera naturellement vers d’autres aspects de justice interieure comme la rehabilitation ou indemnisation. Ceci n’a rien de politique aussi.
    Enfin le processus de justice internationale pour s’occuper des crimes de guerre ou crimes contre l’humanite. Ceci n’a rien de politique.
    Et a travers ces procedures on sera arrive ainsi a la reconciliation nationale vu sous l’angle politique mais dont toutes les bases n’ont rien a voir avec la politique.
    Le volet politique ne concerne a mon avis que la phase finale de reforme institutionnelle pour baliser afin que ce qui s’est passe ne se reproduise dans le futur. Et cela est purement politique.
    Au regard de ce qui est developpe ci haut je propose :
    a)Premiere etape:La creation d’une s/ commission chargee d’etablir la verite. Elle serait compose des representants des differentes couches socio politiques du pays et de la societ civiles. Sa mission est clair.
    b)Deuxieme etape: Creation d’une s/ commission judiciaire nationale( chargee de retablir dans leurs droits et rendre justice aux victimes.) et d’un Tribunal Special pour les cas de Genocide et Crimes de guerre.
    c)Troisieme etape: Creation d’une s/ commission chargee des Reformes Institutionnelles.
    Le pardon qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive est un acte moral qu’on peut demander a la victime et a Dieu apres avoir regle les comptes avec lui. Meme la Bible est tres clair la dessus1
    Merci

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