Vendredi 26 avril 2024

Politique

« Une CVR faite de politiques et de religieux »

L’Assemblée nationale a élu, ce mercredi 3 décembre, les onze membres de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR). La société civile crie à l’exclusion et à une parodie d’élection.

Une vue des députés au moment du vote ©Iwacu
Une vue des députés au moment du vote ©Iwacu

Quatre commissaires sont issus des partis politiques (même si tous avaient pris soin de glisser dans le dossier de candidature un écrit attestant qu’ils sont apolitiques). Les commissaires Clotilde Bizimana, Didace Kiganahe, Pascasie Nkinahamira, et Clotilde Niragira se reconnaissaient respectivement dans les partis FNL de Jacques Bigirimana, le Frodebu Nyakuri, l’Uprona et le Cndd-Fdd.

Six commissaires sont des religieux. Il s’agit de trois prêtres catholiques : Mgr Antoine-Pierre Madaraga, Mgr Jean-Louis Nahimana et Père Désiré Yamuremye. Les églises protestantes sont représentées par Mgr Bernard Ntahoturi (anglican) et Mgr Onesphore Nzigo (méthodiste libre). Sheikh Ali Shabani représente les musulmans du Burundi.
La CVR est composée de 6 Hutu et de 4 Tutsi. La sénatrice Libérate Nicayenzi représentera les Twa. Sur les onze commissaires, quatre sont des femmes.

Signalons que les « heureux élus » ont enregistrés des scores brejneviens : entre 76 et 84 voix pour sur 88 voix exprimées. Le vote s’est déroulé en l’absence des députés upronistes à l’exception de François Kabura (2 ème vice-président de l’Assemblée nationale), d’André Ndayizamba et d’Etienne Simbakira.

La société civile « perplexe »

Après le vote, Jean Minani, président du Frodebu Nyakuri, se dira satisfait des élections. Par contre, au nom d’ « Impunity Watch Burundi », Jeanine Nahigombeye, affirmera que l’élection n’aura été qu’ « une farce », « une mise en scène ». « Tous les membres étaient déjà connus avant même l’opération de vote. La preuve : ce sont les onzes premiers sur la liste d’appel qui sont passés. » Chantal Gatore (Forsc) fera la même observation.

Les deux femmes avouent avoir confiance dans la personnalité de Mgr Jean-Louis Nahimana, mais se disent « perplexes » sur la CVR dans son ensemble. Elles parlent d’un « deal » entre les politiciens et les religieux au détriment de la société civile.
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Mgr Jean- Louis Nahimana : « le prêtre qui rassure »

Mgr Jean LouisPlébiscité président de la CVR (79 voix pour sur 86), Mgr Jean-Louis Nahimana est présenté comme un « homme respecté » qui force même l’admiration des sceptiques.

Ancien vicaire général de l’archidiocèse de Bujumbura, Mgr Jean-Louis Nahimana, 50 ans, est actuellement responsable de la commission diocésaine Justice et Paix de Bujumbura. De 1999 à 2005, il était vicaire épiscopale de Bujumbura et curé de la Cathédrale Regina Mundi. Il avait occupé ce poste entre 1992 et 1996. Il a été curé des paroisses Saint Sauveur de Nyakabiga (19998-1999) et Notre Dame du bon Conseil à Murmvya (1996-1998).

Comme « engagement sociaux », Mgr Jean Louis Nahimana a été vice-président de la commission nationale chargée du désarmement et de la lutte contre la prolifération des armes légères (2007-2008). Il a été membre de la commission electorale provinciale en mairie de Bujumbura (2004-2005). De 1995 à 1994, Mgr Jean-Louis était membre de la commission nationale chargée de préparer le débat national autour du conflit burundais.

Signalons que Mgr Jean-Louis Nahimana est né à Rennes (France) en 1964.
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Mgr Bernard Ntahoturi, « la sagesse au service de la CVR

Mgr Bernard NtahoturiMgr Bernard Ntahoturi, 66 ans, a été évêque du diocèse de Matana avant d’être archevêque de l’Eglise Anglicane du Burundi. C’est le poste qu’il occupe actuellement. « Le sage » originaire de Matana (Bururi) a été élu au poste de vice-président de la CVR.

De 1997-1992, il était secrétaire général de la province de l’Eglise Anglicane du Burundi.
Mgr Bernard Ntahoturi a été fonctionnaire à la présidence de la République de 1979 à 1987. Une année avant, il était directeur adjoint à Action Aid Burundi (1978-1979). Il fut directeur du Lycée Matana de 1976 à 1978.

Signalons que de 1998 à 2000, il a représenté les Eglises protestantes du Burundi dans les négociations pour la Paix et la Réconciliation au Burundi en qualité d’observateur. Il est membre du Conseil National de Sécurité, depuis 2007.

Après ses études primaires à Matana, il a fréquenté l’Ecole Moyenne Pédagogique de Kibimba où il a obtenu le diplôme d’instituteur D4. Il a fait ses études théologiques à l’étranger, notamment en Ouganda et dans les précieuses universités de Cambridge et Oxford en Angleterre.
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Clotilde Niragira, « une femme dans les bonnes grâces du président de la République »

Clotilde NiragiraMinistre de la Solidarité Nationale, des Droits de la Personne Humaine et du Genre depuis 2011, Clotilde Niragira, 46 ans, a été élue au secrétariat exécutif de la CVR. Cette licenciée en droit de l’Université du Burundi est originaire de Bugenyuzi (Karusi).

Depuis 2005, elle occupe de hautes fonctions étatiques. En effet, hormis l’actuel ministère, elle a déjà dirigé le ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité Sociale et celui de la Justice et Garde des Sceaux. Elle a aussi occupé de hautes fonctions à la présidence de la République.

Signalons qu’en 2005, Me Niragira était membre de la commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Comme magistrat, elle fut substitut du procureur de la République en Mairie de Bujumbura (2001-2004) avant d’être substitut général près la Cour d’Appel de Bujumbura. De 2001 à 2004, elle était avocate.

Me Clotilde Niragira dit qu’elle adore la lecture des ouvrages sur les enquêtes criminelles. Elle pratique la marche et aime des discussions avec les amis sur des questions politiques ou de droit de la personne humaine.

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. aline

    Si son président est un homme respectable qui fait honneur à la commission, il n’en est pas de même d’un de ses membres qui fut vice-président du parlement pour le compte du Frodebu. Jusqu’à sa récente nomination il s’affichait ostensiblement frodebu-nyakuri. Et pour ce faire, il vient d’avaler son chapeau en racontant qu’il est mystérieusement devenu un homme politiquement asexué. Son nom est Ntahompagaze. Nous n’avons pas encore oublié comment cet apolitique a honteusement livré à la pâture ses collègues parlementaires issus du même parti que lui pour faire plaisir à ….

  2. Jean-Pierre Ayuhu

    Il y a quelques oublies dans les CV de ces personnes. Exemples:
    Mgr Ntahuturi, fut ancien directeur de cabinet de Bagaza à l’époque du sommet France AFRIQUE tenu à Bujumbura et son corollaire de scandale dans le dossier Carefour du Développement qui a valu à ce sieur quelques années de prison à Mpimba. Ce n’est pas rien pour un membre de la commission dite Vérité et réconciliation.
    Mgr Jean Louis, ancien élève de l’Athénée de Buja, ceinture noire en karaté…Pas mal! Fils du Dr Nahimana, assassiné par le pouvoir de Micombero en 1969.

    • Murundi

      @J-P Ayuhu:
      -Pourquoi l’absence des victimes tutsis ou leurs enfants dans cette CVR? Si le president est l’enfant d’une victime (que Dieu ait son ame) des differentes tragedies, aussi il fallait un tutsi ayant echape au genocide. D’une part, Mgr Ntahoturi, a un moment de sa vie, faisait parti du systeme oppresseur, d’autre part pourquoi ommettre les victimes tutsis dans la composition de la commission? Canke ugomba kutubarira ko ata batutsis bishwe batemeshejwe n’imipanga bazira ubwoko bwabo? Et cela depuis 1965?
      – On produit une CVR avec un president-victime mais certe integre, on le colle un VP au passe qui disons debatable, une secretaire militante affichee, et quid des membres alors?
      -Si j’ignore mes deux premier points, tu sais bien que la verite est unique et elle risque de ne pas plaire a certains d’entre nous… et tu sais egalement que les differents regimes ont produits des demi-verites, alors attendons voir si cette CVR va juste produire une autre demi-verite, donc l’autre moitie qui avait ete cachee depuis des decenies…ou si cette CVR va dire la verite, toute la verite et rien que la verite malgre toutes les lacunes qui ont entache sa mise en place.

      Peace out!

      • Jean-Pierre Ayuhu

        Cher Murundi,
        J’entends très bien ce que tu dis mais rassures-toi, j’ai donné ces deux exemples pour effectivement susciter un débat sur la composition de cette CVR car, cette commission ne rassure pas rien qu’à travers ces deux illustrations que j’ai donné. Je peux aller trop loin dans ma réflexion et te dire que je ne comprends pas comment l’Assemblée Nationale a pu validé une telle composition de la CVR sans passer en revu le parcours de vie de chacun des membres par rapport à l’intégrité morale, les expériences, les conflits d’intérêt éventuel, etc…
        Mgr Jean Louis est unanimement salué dans son intégrité mais il n’en demeure pas moins qu’il est victime parce que son père a été assassiné par le régime de Micombero. Pourra-t-il être neutre. Peut-être oui car Desmon T e Afrique du Sud l’a été alors qu’il était lui même victime….
        Mgr Ntahuturi a-t-il l’intégrité suffisante pour conduire cette CVR lui qui a été emprisonné pourle detournement des fonds, lui qui a servi les régimes qui ont systématiquement procédé à l’apartheid Hutu-Tutsi car il faut le dire ainsi, lui qui hier, détruisait carrémenet l’Eglise Anglicane, particulièrement le diocèse de Bujumbura? Peut-être qu’il sera intègre dans la conduite de cette CVR.
        Et Madame Clotilde dans tout ça? A-t-elle les épaules pour ça? J’ai des doutes à appréhender le contour de cette question, tant au niveau intellectuel qu’à d’autres niveaux par ailleurs dont je me garde de commenter ici.

        Pour dire finalement que la question des victimes Tutsi est globalement incluse dans cet ensemble de réflexion.

        Porte-toi bien et d’ailleurs, urahava uza ku Mugoroba tunywe kimwe niwaba uri i Buja.

  3. KARABAYE Tom

    Alors qu’attendez-vous des menteurs. Ils ont ATTESTER qu’ils sont APOLITIQUES n’est ce pas? Franchement dites-moi, la langue de bois mis a part??

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Editorial de la semaine

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« Les décisions prises par la CVR ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels. » C’est la disposition de l’article 11 du projet de loi portant réorganisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation analysée par l’Assemblée nationale et le Sénat (…)

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