Il y a la Tanzanie des cartes postales : des éléphants et des lions déambulant dans une savane fertile, avec en toile de fond le Kilimandjaro enneigé.
La Tanzanie des Masaïs exotiques, de Zanzibar aux effluves d’épices.
Ce pays que l’on disait stable et paisible, dans une Afrique de l’Est souvent tourmentée. La Tanzanie de Julius Nyerere, le Mwalimu — « le maître » —, figure respectée du panafricanisme, apôtre de la dignité africaine.
Un homme d’une grande sobriété personnelle, presque ascète, peu friand des honneurs et des richesses. Il prônait un idéal de justice sociale à travers son socialisme communautaire (Ujamaa), dont on a vite pardonné l’échec pour ne retenir que la probité morale du dirigeant.

Sous sa conduite, la Tanzanie avait gagné une stature rare : terre d’asile pour les mouvements de libération et médiatrice des crises régionales, notamment celle du Burundi, avec les Accords d’Arusha.
Mais cette image s’effondre. Ce pays, trop rarement à la une des médias, réputée à tort pour sa « stabilité exemplaire », vient de basculer dans la violence post-électorale.
C’est peut-être ainsi que l’histoire retiendra les événements tragiques de ces dernières semaines : l’investiture de la présidente Samia Suluhu Hassan dans un camp militaire, coupée de ce peuple censé l’avoir élue à 97,66 % des voix. Un scrutin entaché d’arrestations arbitraires, de la disqualification de l’opposition et, plus grave encore, de centaines de morts, victimes de la répression selon des bilans non officiels.
La surprise passée, vient l’heure du constat. Ces violences ne sont pas un accident, mais la manifestation d’une crise longtemps contenue par un appareil politique verrouillé.
C’est un secret de Polichinelle : le CCM (Chama Cha Mapinduzi – Parti de la Révolution), au pouvoir sans discontinuer depuis 1977, a progressivement fermé l’espace démocratique au nom de la paix et de l’unité nationale.
Sous couvert de cohésion, le régime a étouffé toute voix discordante. Derrière la façade d’un État discipliné, se dissimulait un système incapable d’accepter la défaite, et où la contestation pacifique devenait quasi impossible.
En transformant les élections en simulacre et la critique en crime d’État, le pouvoir a miné sa propre légitimité. La période électorale, censée incarner un moment de choix citoyen, s’est muée en épisode de terreur.
La Tanzanie, naguère médiatrice des crises régionales, voit son image de “modèle” ternie par les violences qu’elle inflige à ses propres citoyens. Un pays qui se voulait exemplaire doit désormais s’appliquer à lui-même les principes qu’il prêchait : démocratie, État de droit, respect des droits humains et liberté d’expression.
Ce qui s’est joué à Dar es Salaam et à Dodoma dépasse le simple enjeu électoral. Le président burundais, l’un des premiers à féliciter la “victoire” de Samia Suluhu, devrait y voir un avertissement : une stabilité de façade sans pluralisme n’est qu’une illusion.
La tragédie tanzanienne offre, au Président burundais, comme à d’autres, une leçon d’humilité : la vraie stabilité ne se décrète pas, elle se mérite par la justice et le respect des urnes, et l’autorité non-contestée finit toujours en dictature. En Tanzanie comme ailleurs.





1. Nko muri 1980 naragiye kuri stade ya Dodoma yari hafi cane y’aho naba. Naratangaye kubona perezida Mwalimu Julius Kambarage Nyerere yiyambariye gusa des sandales (na « Kaunda suit ».
Sinchibuka neza, umengo vyari ibirori vyokwigina intinzi kuri Iddi Amin wa Uganda kuko hariho abahanzi b’abanyauganda.
2. Aux differentes elections Chama cha Demokrasiya na Maendeleo (CHADEMA) a quand meme eu des resultats encourageants.
a. Elections du 28 octobre 2020: Tundu Lissu (CHADEMA) = 13,04%, John Magufuli (CCM) =84,40%;
b. Elections du 25 octobre 2015: Edward Lowassa (CHADEMA) = 39,97%, John Magufuli (CCM) = 58,46%;
c. Elections du 31 octobre 2010: Willibrod Slaa (CHADEMA) = 27,053%, Jakaya Kikwete (CCM) = 62,82%;
d. Elections du 14 decembre 2005: Ibrahim Lipumba (CUF) = 11,68%, Jakaya Kikwete (CCM) =80,28%.
https://en.wikipedia.org/wiki/2010_Tanzanian_general_election
Antoine Kaburahe at his best! Superbe texte de grande précision et remarquable facture. La Tanzanie fut un miracle de Nyerere. Imaginez un pays immense, 900 000 km2, plus de 200 tribus, 50% chrétiens-50% musulmans mais qui n’a connu que la paix et l’harmonie jusqu’à la semaine dernière où le rêve a pris fin. Le pays explose au moment où Nyerere est en voie de béatification par l’Eglise catholique car les catholiques sont convaincus que cet homme d’une intégrité morale sans pareil était un saint. L’Eglise l’a déjà proclamé Serviteur de Dieu. Nyerere a quitté le pouvoir, après 20 ans d’exercice, aussi pauvre qu’à son investiture. Du jamais vu en Afrique où le pouvoir rime avec enrichissement personnel et pillage des ressources publiques. Il a même l’extrême humilité de démissionner devant l’échec de son socialisme africain, Ujaama. Tout rêve a une fin. La Tanzanie rejoint les autres damnés de la terre d’Afrique en général et des Grands Lacs en particulier.
Lorsque Rwagasore lui a demandé de constituer une fédération, Nyerere a décliné lui disant que le prince avait la chance d’avoir une nation constituée alors que lui devait créer une nation de zéro. Ironie du sort, c’est la nation constituée depuis des siècles qui a désintégré en tribus antagonistes alors que le pays créé de zéro par Nyerere est devenu un havre de paix jusque la semaine dernière.
Vraiment correct. D’accord avec vous! La Tanzanie de Nyerere méritait mieux que cela! Et pire encore, une figure de femme derrière une holde d’assassins! ça fait pitié!!!