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Société

SOS pour les mendiants « du second âge »

06/08/2020 Commentaires fermés sur SOS pour les mendiants « du second âge »
SOS pour les  mendiants « du second âge »
Des centaines de mendiants se lèvent chaque matin à l'assaut des grandes artères de la ville de Bujumbura.

Malgré la volonté du gouvernement de réinsérer dans leurs communautés d’origine les mendiants de la rue, force est de constater qu’ils n’ont pas encore disparu des rues de Bujumbura. Parmi eux, des mendiants d’un second âge. Une catégorie qu’il importe de vite recaser compte tenu de leur vulnérabilité.

Ils sont des centaines à se lever chaque matin à l’assaut des grandes artères de la ville de Bujumbura. Leur cible : certains endroits susceptibles de rassembler du monde. Eux, ce sont les adultes mendiants qui ont plus de 50 ans. Contrairement à leurs congénères encore enfants ou adolescents, ils ne se déplacent pas en meute. « C’est chacun pour soi, Dieu pour tous », lance Mariko, un d’eux. D’ailleurs, selon lui, une stratégie payante. « Parce que nous n’avons plus la force de courir partout pour faire la manche ». Et pour survivre dans cet univers, ces vieillards mendiants doivent être inventifs.

Au moment où les plus jeunes accourent vers les parkings, tout près des restaurants, des boulangeries, etc. Eux préfèrent ne pas courir dans tous les sens au risque de manquer le passage « d’un ami ». « A force de nous trouver souvent au même endroit, certaines personnes finissent par devenir nos amis ». Ils délimitent un rayon d’action.

A bientôt 57 ans, Mariko a un regard impassible. Tête toute chauve, son visage s’illumine à la moindre vue d’un passant. De la banque Bancobu où il a érigé son siège, il n’est plus un inconnu pour les passants. « C’est l’astuce, nous devons faire les yeux doux. Quand bien même, on est malade ». Il y a 18 ans, il n’aurait pas pu imaginer se retrouver dans cette situation. Repasseur à l’ancien Marché Central de Bujumbura, il confie qu’il s’en sortait pas mal avant qu’il ne soit estropié suite à un accident routier. « Et lorsque l’ancien marché a pris feu, ça a été le début de mes galères. Sans autre gagne-pain, la seule chose, c’était de faire la manche ».

Quoi que nostalgique de son ancienne vie, il avoue ne pas être tenté par un retour dans sa Muriza natale en commune Butaganzwa de la province Ruyigi. « Ce n’est pas que je sois incapable de me reconvertir, mais, la reconversion là-bas est difficile. Et avec le poids de l’âge qui commence à se faire sentir, je trouve que c’est une bataille perdue d’avance ». Avec une aumône oscillant autour de 6000 et 4000BIF par jour, confie-t-il, c’est toujours pénible de subvenir à tous les besoins de ses enfants.

Dithyrambique, par rapport à sa reconversion, il avoue: « Je ne pense pas être à mesure de me réadapter ».

Des destins croisés

En passe de perdre la vue suite à un glaucome mal soigné, Céline est une de ces mendiantes d’un second âge. Optimiste, elle confie encore espérer des lendemains qui chantent, malgré son âge avancé et son état de santé qui ne cesse pas de se dégrader.

Plus étonnant, du haut de ses 62 ans, elle explique que la reconversion reste possible. « Il n’y a pas d’âges pour ne pas rêver grand, tant que tu n’es pas encore sous terre, tout reste possible ».

A en croire son amie avec qui elle fait la manche aux confins du Marché dit chez Siyoni, elle fait savoir qu’avant qu’elle ne fuie la guerre de 1993, Céline était quelqu’un de respecté chez elle à Buraza en province Gitega. « En tous cas, d’après ce qu’on m’a raconté, elle ne s’en sortait pas mal ».

D’un camp de déplacés à un autre, elle raconte qu’elle avait du mal à se réinsérer. « Plus grave, ce sont les blessures psychologiques car la guerre a décimé presque toute sa famille ». Voyant la mort rôdait sans cesse autour d’elle, indique-t-elle, il lui a été impossible de se reprendre en main. D’autant plus qu’elle n’avait personne pour s’occuper d’elle.

Avec la Carte d’Assurance Maladie(CAM), des fois, mal acceptée dans certains hôpitaux, elle craint désormais pour sa santé. Du Marché dit chez Sion en passant par le centre-ville aux quartiers périphériques de Bujumbura, un constat: les mendiants interrogés se disent satisfaits de leur situation.

Possible reconversion?

Ignace Ntawembarira : « Il faut que la population comprenne qu’il est vain de s’adonner à la mendicité quand on a la force de travailler ».

Quand bien même le gouvernement leur octroierait de petits capitaux, ils laissent entendre que peu sont ceux qui osent se lancer dans une nouvelle activité. « C’est d’autant plus étonnant quand nous savons combien ce genre de programmes leur permettrait de redémarrer leurs vies », s’indigne Ignace Ntawembarira, directeur de l’enfance et de la famille au ministère de la Solidarité. Plus important, estime-t-il, un travail psychologique importe pour leur faire comprendre le bien-fondé de voler de leurs propres ailes.

Pour lui, la réinsertion socio-professionnelle est un impératif pour des gens même invalides. « Preuve de l’engagement du gouvernement, il y aura un volet social dans le budget général de l’Etat ». Avec plus de 1400 mendiants adultes ayant pu regagner leurs villages l’année passée, il espère qu’au fil du temps leur écho sera entendu. « L’envie est là. Mais, les communes doivent davantage s’impliquer ».

Car, c’est de la sorte, estime-t-il, que l’on pourrait exorciser les causes de leur exode. Ainsi, petit à petit les amener à vaincre leur peur pour finalement démarrer un petit business.

Conscient qu’à eux seuls, le ministère de la Solidarité, de l’Intérieur et de la Sécurité publique ne peuvent pas tout faire. Ils demandent l’implication des responsables religieux. «Ils ont un ascendant sur les consciences morales de la population. A eux de lui faire comprendre qu’il est vain de s’adonner à la mendicité quand on a la force de travailler ». Par rapport aux problèmes avec la non-considération de la CAM, il assure : « Jusqu’à preuve du contraire, elle est toujours fonctionnelle. Seulement, il faut la renouveler ».

Et compte tenu de leur vulnérabilité, Sœur Daphrose Kanyange, responsable adjointe de l’auspice Sainte Elizabeth, explique : « A défaut de projets pour se prendre en main, le gouvernement doit multiplier la construction des auspices pour ces personnes dans cette situation ». Selon elle, une donne qui permettrait de les sortir des rues de Bujumbura.

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