Jeudi 25 avril 2024

Économie

Sogestal Kirimiro : les employés crient au secours

22/01/2020 Commentaires fermés sur Sogestal Kirimiro : les employés crient au secours
Sogestal Kirimiro : les employés crient au secours
La station de lavage de Ruvubu.

Les employés sont dans l’angoisse. Ils n’ont pas été payés depuis l’année dernière. Or, la majorité du personnel ne vit que de ce salaire. Ils ont des familles à prendre en charge. Le désarroi est total.

« Nous sommes condamnés à mourir ici. Le gouvernement viendra nous enterrer d’ici peu », se lamente N.T, un ouvrier spécialisé à la station de lavage de Ruvubu. Ce dernier confie que la Sogestal lui doit 18 mois d’arriérés de salaire, soit, 1 260 000 BIF.

Remonté, ce père de sept enfants, fait savoir qu’il s’est donné corps et âme : « Imaginez-vous passer 18 mois dans le froid nocturne de ce marais, sous les piqûres des moustiques sans toucher un sou. »
Mine renfrognée, un autre père de quatre enfants expose son calvaire. Depuis le mois de septembre 2019, ces enfants ont été renvoyés de l’école faute de matériels et de frais scolaires. Pour le moment, il craint que sa famille ne meure de faim et de maladie.

Pour lui, rien ne peut justifier ce retard de salaire. A la radio, explique cet employé, le ministre de l’Agriculture a déclaré que la récolte a été bonne et le café burundais a été primé pour sa bonne qualité. Comment expliquer ce paradoxe ?

Son collègue M.N, ne mâche pas ses mots : « L’Etat nous a abandonnés ou bien, il ne se soucie pas de nous. »
Ce dernier est dans le désarroi. Il est sous pression. Sa femme ne comprend pas comment son mari dit qu’il n’a pas encore touché son salaire alors que les caféiculteurs ont reçu leur part. «Elle m’accuse d’entretenir des concubines».
Pire, ses créanciers menacent de le traduire en justice. Ils ne croient pas qu’une personne peut passer deux ans sans percevoir son salaire.

Ces employés se disent délaissés par les responsables de l’usine. Ils ne savent pas à qui confier leurs problèmes.   Le gérant de cette usine vient de passer plus de six mois sans y mettre les pieds.
Ces derniers se disent pris aux pièges. Ils ne peuvent pas quitter la station pour chercher un autre emploi de peur qu’un vol soit commis dans cette usine et que cela leur retombe dessus.
Ces employés ne sont pas seuls dans ce chemin de croix. Plus de 80 ouvriers n’ont pas reçu leurs rémunérations.

Des réclamations fondées, mais…

D’après l’un des gérants des stations de lavage de la Sogestal Kirimiro, sous couvert d’anonymat, les frustrations de ces employés sont fondées. La Sogestal ne les a pas approchés pour expliquer pourquoi leur salaire tarde.

« Si la personne qui te doit de l’argent t’expliquer pourquoi il n’a pas honoré son engagement. Cela montre sa bonne foi. C’est réconfortant », fait-il observer.

Ce responsable fait savoir que plus de 4000 employés, 4000 ouvriers ordinaires, ne savent pas à quel saint se vouer. Ils réclament 13 mois d’arriérés de salaire. «Je dois plus de 6 millions BIF aux 200 ouvriers ordinaires».

Ce gestionnaire raconte avec tristesse comment l’un de ses ouvriers a tenté de se suicider le mois dernier. Ses enfants sont malades et d’autres ont été renvoyés de l’école.

A propos des accusations des employés qui se disent délaissés par les gestionnaires, ce responsable ne nie pas les faits : « Nous avons honte d’y retourner. Nous leur avons menti à plusieurs reprises. Notre conscience nous accuse.»

Certains hommes ont été chassés par leur femme. Pour le moment, ils ont déménagé. Ils survivent aux stations de lavage. D’autres sont malades. Ils ne peuvent pas se faire soigner. « Pensez-vous que c’est facile d’aller voir des personnes dans de telles situations?»

Par ailleurs, ces gestionnaires craignent pour leur sécurité.  « Les ouvriers nous accusent de ne pas plaider en leur faveur ».

D’après une source proche de la Sogestal Kirimiro, cette société doit à 240 employés contractuels 1.117.000.000 BIF d’arriérées de salaire. Plus d’une centaine d’ouvriers travaillant sans contrat réclament au moins 120 millions.

Pourquoi la Sogestal ne paie pas ses employés ?

Sogestal Kirimiro.

Selon une autre source proche de la Sogestal, les prêts que les Sogestal avaient contractés auprès des banques en 2018 ne sont pas encore remboursés. Ainsi, au cours des deux dernières campagnes, les Sogestal ont remboursé les banques. D’après cette source, la dette n’a pas été totalement remboursée.

Les Sogestal n’ont pas remboursé les banques de l’année passée parce que les prix ont fortement chuté sur le marché international. Le prix d’un kilogramme de café vert est passé de 210 à 85 cents. Par ailleurs, le gouvernement avait fixé le prix d’un kilogramme du café cerise à 500BIF sans tenir compte de cette chute. «Ce prix était supérieur au prix de vente ».

Dans tous les cas, ce problème de financement n’est pas récent. Il date de 2008. Juste après la privatisation. Avant cette réforme, il y avait un fonds de stabilisation du prix du café. En cas de chute du prix du café vert sur le marché international, cette caisse remboursait les banques qui avaient prêté aux sociétés dépulpeuses. Aujourd’hui ce fonds n’existe plus. Il a été liquidé avec l’OCIBU en 2007.

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