Mercredi 10 septembre 2025

Société

Sevrage de la drogue : Entre vies détruites et espoirs de réinsertion

10/09/2025 0
Sevrage de la drogue : Entre vies détruites et espoirs de réinsertion
Le personnel du centre Nyumviriza, un soutien pour un nouveau départ

La dépendance aux drogues dures continue de frapper durement la jeunesse burundaise comme le montrent les témoignages recueillis dans différents centres de désintoxication. Entre vies brisées, familles éloignées, inquiétude face à une consommation qui touche désormais des enfants en bas âge et difficultés de sevrage, ceux qui ont réussi à arrêter appellent à la vigilance et au soutien collectif pour aider les autres à se libérer.

Au centre Bapud (Centre Communautaire Pour l’Accompagnement et La Prise En Charge Des Usagers De Drogue Au Burundi), quelques jeunes racontent leurs parcours. P.I, une jeune femme, a commencé à prendre la drogue appelée « boost » après la perte de son père. Elle passait des nuits blanches et ses amis lui ont proposé cette drogue pour l’aider à dormir. Malgré ses réticences initiales, elle a cédé avant de développer rapidement une dépendance. Une consommation aux conséquences dévastatrices. « Après en avoir pris, on devient une autre personne. Les gens perdent confiance en vous. Tu deviens voleur et tu es prêt à tout pour obtenir de l’argent afin d’acheter ces drogues. La vie bascule, les relations avec la famille sont blessées et tu deviens une mauvaise personne. » Elle ajoute que le sevrage est très difficile : le manque provoque des malaises, des nausées, des vomissements, des diarrhées, des maux de tête et de dos.

Elle lance un message d’avertissement aux autres jeunes. « Ces drogues sont très mauvaises et il est difficile de s’en débarrasser une fois qu’on a commencé à les prendre. Personne ne peut vous sauver de cette dépendance, sauf Dieu. »

Eddy Michel Minani, 47 ans, ancien consommateur de drogues, aujourd’hui chargé de la sensibilisation au centre Bapud de désintoxication raconte avoir passé 20 ans à consommer de l’héroïne et de la cocaïne. Selon lui, se retrouver dans cette situation n’est pas prémédité, Il témoigne que cela arrive souvent à cause de la jeunesse et des mauvaises fréquentations, D’ Après, lui ces dernières vous poussent à goûter pour découvrir ce qui est cachée derrière. Il a commencé par une simple cigarette à 16 ans et à 18 ans, l’héroïne l’a entraîné à abandonner l’école. Sa vie a basculé, avec des mensonges, des vols pour obtenir sa dose, la perte de sa jeunesse, Il a, par la suite eu des problèmes de santé, notamment une hépatite contractée en partageant du matériel pour consommer. Pour lui, la dépendance est une illusion qui détruit la vie.

Il s’inquiète aujourd’hui de voir que ces drogues circulent déjà chez des enfants en bas âge. Il appelle à introduire des enseignements de sensibilisation dans les écoles, à utiliser les médias pour informer la jeunesse des méfaits et des conséquences qui se cachent derrière la consommation de drogues.

Son témoignage rejoint celui de A.N, un jeune homme passé par le centre Bright Future Generation, qui a commencé à consommer des « boost » sous l’influence d’une mauvaise compagnie. Il décrit des symptômes de manque, la tentation de rechuter et les difficultés à résister. Il conseille aux parents de ne pas donner de l’argent à leurs enfants consommateurs pour éviter les rechutes, illustrant son propos par sa propre expérience : après avoir reçu de l’argent pour partir à Dubaï, il est retombé dans la dépendance.

D’autres anciens consommateurs relatent des expériences similaires. V.D, une très jeune mère, confie qu’elle s’est éloignée de sa famille et de ses enfants. Dévalorisée aux yeux des autres et considérée comme voleuse, elle ne pouvait plus travailler ni progresser dans sa vie. B.G raconte qu’il était devenu voleur, prêt à tout pour se procurer de l’argent afin d’acheter des drogues.
Les études menées par Bapud révèlent des chiffres préoccupants sur d’autres conséquences : 14,1 % des consommateurs de drogues ont été contaminés par le VIH-sida. Les consommateurs de sexe féminin représentent 40,1 % tandis que ceux de sexe masculin atteignent 8,3 %.

Une situation dramatique pour les familles

G.H, parent d’un jeune consommateur témoigne: « aujourd’hui, il y a beaucoup de peur chez les parents à cause de ces drogues. Mon enfant a commencé à 17 ans après avoir fréquenté une mauvaise compagnie. Sa jeunesse s’est effondrée : il a abandonné l’école, commencé à voler, y compris chez les voisins. Parfois, il disparaissait pendant plus d’une semaine. Il était battu ou blessé et nous devrions aller le chercher à l’hôpital. En tant que parent, voir la vie de son enfant ainsi est le pire malheur » Elle demande aux autorités de prendre des mesures pour lutter contre ceux qui vendent ces drogues qui tuent leurs enfants. 

Libère Nyabenda, commandant de la police antidrogue, souligne en effet que la consommation de drogues détruit la santé, la vie quotidienne et l’avenir des individus. Il appelle à une action collective pour lutter contre la dépendance et aider ceux qui en souffrent.

Certains anciens consommateurs ont réussi à arrêter et œuvrent à sensibiliser d’autres jeunes. Une ex-consommatrice, psychologue au centre Nyumviriza, encourage ceux qui consomment à se battre pour guérir à l’exemple de ceux qui ont arrêté en rappelant que l’espoir existe et qu’on peut reprendre sa vie en main.

Du soutien

Richard Manirakiza, représentant légal de Bright Future Generation, explique que son établissement vise à accompagner les personnes dépendantes, celles qui traversent le sevrage et à lutter contre la diffusion de drogues, un enjeu pour la sécurité nationale. Mais, il souligne aussi que certains centres de désintoxication manquent cruellement de ressources. « Nous n’avons pas assez de personnel et de moyens financiers pour assurer l’accompagnement des bénéficiaires. » Il appelle l’État et d’autres bienfaiteurs à leur venir en aide notamment en leur fournissant du personnel et des moyens nécessaires pour les rémunérer.

Ces témoignages convergent vers un constat clair : la dépendance aux drogues est un fléau qui détruit des vies et des familles. Tous les anciens consommateurs rencontrés mettent en garde : il n’y a pas de bonheur à atteindre dans cette voie, seulement des regrets. Prévenir la consommation et soutenir ceux qui luttent contre la dépendance est un impératif collectif pour la société.

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