Jusqu’ici, le gouvernement burundais maintient le prix du maïs à 1700 FBu le kg mais l’Anagessa, censée acheter cette denrée stratégique, brille par son absence. Les spéculateurs prennent la relève et les producteurs affirment vendre à perte à des commerçants opportunistes.
Un kilogramme de graines de maïs à 1700 FBu. Telle est la référence fixée par le ministère ayant l’agriculture dans ses attributions pour garantir aux producteurs une rémunération décente. Mais, à Gitega, aujourd’hui, cette mesure semble n’avoir pas de valeur. L’Agence nationale de Gestion des stocks de sécurité alimentaire (Anagessa) qui doit notamment réguler l’achat et le stockage du maïs n’a pas encore acheté un seul sac. Pour beaucoup d’agriculteurs, ce vide a permis aux commerçants privés de s’installer en rois sur le marché.
« On espérait que l’Anagessa allait acheter notre maïs comme d’habitude et le prix était plus ou moins raisonnable. Mais, personne n’est venu. Les commerçants sont venus alors nous proposer 800 FBu le kilogramme. C’était à prendre ou voir nos récoltes pourrir », indique Emelyne Kamikazi, cultivatrice de Birohe.
Les commerçants profitent ainsi de la vulnérabilité des agriculteurs pour acheter la récolte en masse et à des prix dérisoires. Par endroit, un kilo est négocié à 700, jusqu’à 1000 FBu. Ils stockent leurs butins en attendant peut-être les périodes de soudure pour vendre à des prix multipliés par deux ou trois.
« Parfois, ils profitent de notre pauvreté et du manque de liquidité. Il est impossible de refuser car on ne trouve pas d’autres acheteurs. Nous avons aussi besoin d’autres denrées alimentaires. Tu ne peux pas prendre de la pâte de maïs tous les jours », souligne Louis Bukuru.
Il fait savoir que les commerçants viennent avec des balances souvent truquées et établissent des points de vente au bord de la route. Des fois, ils distribuent de l’argent à leurs commissionnaires qui collectent le maïs sur les collines. Ces derniers fixent le prix suivant l’éloignement par rapport au marché de vente et les besoins de la communauté.
« Quand tu n’es pas capable de venir le vendre en ville ou quand tu veux vendre 2 ou 5 kg, inutile d’aller chercher celui qui paye bien »
D’après les cultivateurs de Gitega, le phénomène n’est pas nouveau. Seulement, l’ampleur actuelle inquiète. Les cultivateurs risquent de vendre à moins cher pendant très longtemps tant que l’agence n’interviendra pas rapidement.
Une mesure de façade
Au marché central de Gitega et dans les autres marchés de la périphérie ou dans les boutiques, aucune qualité de maïs n’est au prix officiel de 1 700 FBu. Les grains de maïs de moindre qualité sont à 1 300 FBu et la qualité supérieure est à 1500 FBu.
Interrogés, les commerçants affirment qu’ils vendent nettement à un prix inférieur au prix officiel et qu’il est donc insensé d’acheter à un prix supérieur puisqu’ils ne peuvent pas trouver de preneurs à leur tour.
« Supposons que nous achetons à 1 700 FBu. A combien allons-nous vendre alors ? », s’interroge par exemple Jean-Pierre Ndikumana, commerçant au marché central de Gitega. Il fait observer que si l’Anagessa venait à décider aujourd’hui d’acheter ces grains, le marché sera malheureusement perturbé car on risquera de créer un déséquilibre qui pourrait même affecter les cultivateurs.
Même son de cloche chez Elisabeth Nahayo, boutiquière au quartier Yoba. Elle vend la farine de maïs à 2 000 FBu le kilo. Elle comprend alors mal comment ce prix officiel sera appliqué. Elle conseille plutôt de laisser la situation telle qu’elle est aujourd’hui pour respecter la loi de l’offre et de la demande. Elle trouve qu’il est inutile de fixer des prix irréalisables.
Mais, sur le terrain, la question est plus brutale : pourquoi fixer un prix si personne ne peut l’honorer ? Beaucoup dénoncent une politique de façade qui laisse le champ libre aux dérives du marché.
« Le gouvernement doit choisir. Soit il achète, soit il laisse le marché libre. Mais jouer à fixer un prix sans agir, c’est une trahison », propose Jean-Claude Manirambona. Pour plus de détails, nous avons tenté de contacter l’Anagessa à Gitega mais sans succès.
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