Vendredi 20 juin 2025

Société

Région Centre/Marché à bétail de Gitega : Des prix en chute libre

Région Centre/Marché à bétail de Gitega : Des prix en chute libre
Au marché à bétail de Rutegama en commune Gitega le matin du lundi 16 juin, des éleveurs attendent des acheteurs qui n’arrivent pas.

Dans les marchés de Gitega, vaches et chèvres changent aujourd’hui de mains à des prix jamais vus depuis des années. Une baisse soudaine de prix déroute les commerçants, les éleveurs et les commerçants. Derrière cette « anomalie économique » se cachent une logique saisonnière et un paradoxe qui intrigue.

Aujourd’hui, le marché à bétail de Gitega présente une réalité inattendue. Les prix des grands et petits ruminants sont en chute libre. Une baisse qui surprend dans un contexte d’inflation constante, surtout avec la dépréciation continue du franc burundais.

Éleveurs, commerçants et consommateurs se disent désorientés. Une visite au marché de Rutegama le lundi 16 juin 2025 et des étables révèle les vraies causes de cette contradiction économique qui questionne toute la chaîne de valeur. Le soleil tape déjà fort le matin sur le marché à bétail en périphérie de la ville de Gitega. Dans la poussière remuée par les sabots, des hommes en sandales, bâtons à la main, font tournoyer les vaches, les chèvres et les moutons nerveux.
L’ambiance n’est pas de fête.

« Regarde ce taureau ! Il y’a deux mois, on me proposait 2 000 000 FBu. Mais voilà que je dois le céder à 1 500 000 FBu si je ne veux pas le retourner à l’étable. Si le marché n’avait pas changé, il aurait dépassé les 2 500 000 FBu », raconte Désiré Bitariho, un agri-éleveur de Bukirasazi, en tapotant l’animal sur le flanc.

« Je me demande ce qui a changé, et ce n’est pas une affaire isolée. Même pour les chèvres et les moutons tout est en baisse », ajoute-t-il.
A quelques pas, un autre homme hausse les épaules en observant des chèvres sagement attachées à une corde et qui n’arrêtent pas de bêler
« Je les ai achetées à 200 000 FBu chacune. Et là encore, le vendeur a insisté pour que j’en prenne trois d’un coup. Apparemment, il voulait désengorger son étable avant la fin du mois », explique-t-il.

Une tendance qui se transforme en piège

D’après certains des vendeurs de bétail interrogés, il s’agit presque d’une braderie. Ils affirment que ce changement brutal du marché n’a pas d’explications convaincantes dans la mesure où, il y’a un mois, les commerçants se frottaient les mains. Acheter et vendre du bétail rapportit beaucoup.
Pour d’autres, ce phénomène cache des réalités agricoles bien connues des éleveurs.
« La saison sèche nous étrangle et le fourrage est cher. Alors, on vend parfois à perte. Vaut mieux cela que voir la bête mourir de faim », affirme Augustin Sinzinkayo, un éleveur de Rubamvyi.

Un constat que partage la prénommée Clémence, une négociante de petits ruminants de Birohe. Elle montre, d’un geste las ses 4 chèvres et ses 2 moutons qu’elle s’apprête à faire retourner chez elle.
« La semaine dernière, je les ai achetés en espérant gagner aujourd’hui. Malheureusement, personne ne veut me donner l’équivalent de ce que j’ai dépensé. Mais, que faire ? Je ne pouvais pas attendre longtemps la semaine prochaine pour m’éviter le pire »

Ce que redoutent ces éleveurs, c’est que cette tendance se transforme en piège. En vendant massivement, ils contribuent malgré eux à la chute des prix.
« C’est la loi du marché », souffle Désiré Bitariho. « Plus il y a de l’offre, plus les prix descendent. Sauf que cette fois, il n’y a plus d’acheteurs. Le pouvoir d’achat est trop bas. »

Les prix des produits dérivés ne baissent pas

Et pourtant, la viande ne baisse pas de prix sur la balance à Gitega. La logique, semble-t-il, se perd en chemin. Car entre le prix d’un animal vivant et celui de ses produits dérivés, comme la viande ou le lait, se glissent toute une chaîne d’intermédiaires, des frais logistiques et des spéculations. Le prénommé Ismaël, un petit restaurateur au quartier Nyamugari, peste contre ce décalage.
« On nous parle de baisse des prix à l’étable, mais, moi, je paie plus cher à l’abattoir. Les bouchers nous expliquent que les taxes ont augmenté, que les camions consomment davantage »

Quant au lait, la situation n’est guère meilleure. Spés Nduwayezu, vendeuse de lait à Magarama, s’en étonne. « Au fur et à mesure que beaucoup ne veulent pas élever des vaches et que celles qui restent sont maigres ainsi que mal nourries, du coup, la production reste faible. Le prix du litre monte » D’après elle, il faut encourager la culture du fourrage, le stockage des herbes ou même subventionner la nourriture animale. Sinon, chaque saison sèche devient une hémorragie dans le cheptel national.

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