Après que la Brarudi et l’administration aient fixé les prix de vente des bières pour éviter les abus, la réalité sur le terrain est tout autre. Les tarifs flambent dans presque tous les bars de Gitega, sans contrôle ni réaction. Dans un contexte présentement de pénurie, les clients acceptent la hausse des prix parfois absurde.
La bière produite par la Brarudi, autrefois omniprésente dans les bars et bistrots de Gitega est aujourd’hui devenue une denrée rare. Depuis plusieurs mois, les habitués de la Primus ou de l’Amstel doivent faire beaucoup de tournées dans les quartiers avant de trouver un bar qui en propose encore.
Et lorsqu’ils en trouvent, ils doivent se résigner. Les prix pratiqués ne sont pas à discuter. La Primus 72 cl, dont le prix est officiellement fixé à 2 500 FBu, se vend entre 3 000 et 4 000 FBu selon les quartiers. Quant à l’Amstel blonde 65 cl qui naguère était à 3500 FBu est à 15 000 FBu. L’Amstel Bright censée coûter 5 500 FBu dépasse souvent les 6 000, voire 7 000 FBu dans certains établissements. Ce n’est plus un abus isolé. Cela est devenu plutôt la norme.
« J’avais l’habitude de prendre deux Primus chaque soir. Maintenant, je n’en prends plus qu’une bien sûr si j’en trouve », confie Gaspard Rugaba, un fonctionnaire de 48 ans, rencontré dans un bistrot de Magarama. Il ajoute : « je ne pose même plus la question du prix. Si tu commences à discuter, le tenancier fait semblant de n’avoir rien entendu et sert celui qui vient après toi. Ou il te dit carrément qu’il ne reste que celles qui sont réservées aux clients qui en ont fait la demande avant »
A l’origine de cette flambée des prix : une pénurie des boissons Brarudi qui persiste depuis des mois. Puisqu’aucune communication officielle n’a jamais véritablement expliqué les raisons exactes, plusieurs pistes sont évoquées : rupture dans la chaine logistique, manque de matière première importée ou encore une stratégie de production réduite pour augmenter la valeur des stocks disponibles.
Dans la ville de Gitega, la loi du plus fort ou du plus rapide s’applique à merveille. Les tenanciers des bars et bistrots s’adaptent. Certains ferment temporairement lorsqu’ils n’ont plus de bière à vendre. D’autres, plus nombreux, continuent à fonctionner, mais à des prix qui frôlent la spéculation.
« On nous donne très peu de stock, et souvent nous devons nous battre pour en avoir. Parfois, c’est un client qui a ses contacts qui nous livre quelques casiers à des prix déjà gonflés. Alors évidemment, on répercute ça sur les clients », a avoué le nommé Bigirimana, gérant d’un bar au centre-ville de Gitega.
La loi du marché écrase la loi tout court
Face à cette situation d’indifférence des autorités qui surprend plus d’un, les clients s’adaptent et tissent une relation de confiance avec les vendeurs afin qu’ils puissent être servis dès que le produit est disponible.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, un communiqué conjoint de l’administration et de la Brarudi avait fixé les prix de vente officiels pour l’ensemble du pays. Les tarifs proposés devaient permettre de réguler le marché, d’éviter les abus et de garantir l’accès des consommateurs à des produits avec des prix abordables. Mais aujourd’hui, ces prix officiels sont jetés dans les oubliettes.
Même à la périphérie de la ville, dans des bistrots en paille, sans électricité ni mobilier, la bière Primus est à 4 000 FBu et plus. Il s’est ainsi instauré un marché à deux vitesses, où les prix dépendent du quartier, de l’heure, de la notoriété du bar… et même parfois, de la tête du client.
Malheureusement, aucune campagne de contrôle significative n’a été lancée. Aucun rappel à l’ordre. D’après beaucoup, ce qui frappe dans cette crise, est que la situation est devenue presque normale. Les tenanciers savent qu’ils surfent sur un vide réglementaire. Les clients savent qu’ils sont victimes d’un abus. Et, personne ne bouge.
« Il n’y a pas d’option. Je revends ce que je trouve par rapport au prix d’achat », explique la prénommée Béatrice, gérante d’un petit bar dans la zone rurale de Gitega. « Si un client se plaint, je lui tends une bouteille vide et je lui dis : va m’acheter moi aussi une bouteille là où tu les a vues »
Quant aux clients, ils n’ont plus la force pour s’indigner. « J’ai vu une Amstel blonde à 15 000 FBu, j’ai regardé le vendeur et il m’a dit : « c’est comme ça ». J’ai bu. C’est triste, mais que faire ? », confie le prénommé Jean-Claude, un chauffeur de taxi.
Selon certains buveurs invétérés, il existe aujourd’hui une forme de résignation collective. L’anormalité est devenue une nouvelle habitude où la moindre opportunité de gain est exploitée sans scrupule. Ils font savoir que tant qu’aucune action concrète ne sera entreprise, le marché noir de la bière a encore de beaux jours devant lui.
Amusez vous à convertir ces prix en USD$ en utilisant le taux du marché parallel, vous remarquerez que les prix ne sont pas si faramineux que cela!