Vendredi 09 mai 2025

Économie

Région Centre/Gitega : Après la flambée, une chute inattendue des prix soulage les ménages

Région Centre/Gitega : Après la flambée, une chute inattendue des prix soulage les ménages
Des sacs de haricots secs empilés à proximité du marché central de Gitega.

Pendant plusieurs semaines, le prix du haricot, l’un des piliers de l’alimentation burundaise, a atteint des sommets inquiétants. Les ménages, déjà fragilisés par une conjoncture économique difficile, peinaient à s’approvisionner. Pourtant, contre toute attente, une baisse soudaine des prix s’est opérée ces derniers jours, apportant soulagement dans les ménages et suscitant des soupçons dans l’opinion.

Il y a un mois à peine, se procurer un kilogramme de haricot sec relevait presque du luxe pour de nombreux foyers burundais. Face à cette situation, les autorités ont multiplié les interventions : ordonnances ministérielles exigeant la baisse des prix, contrôles accrus sur les marchés, rappels à l’ordre des commerçants. En vain. Les acteurs du commerce invoquaient unanimement les mêmes causes : lourdeur fiscale, pénurie de carburant, et surtout, une inflation galopante qui minait le pouvoir d’achat de la monnaie nationale.

Pour s’adapter, de nombreux ménages avaient réduit de moitié leurs achats tandis que d’autres privilégiaient la quantité au détriment de la qualité. Mais voilà que, sans communication officielle ni annonce d’une nouvelle mesure, les marchés sont soudainement redevenus accessibles. Les entrepôts, jusqu’ici apparemment vides ou verrouillés, ont rouvert leurs portes.

Toutes les variétés de haricots ont réapparu en grande quantité sur les étals, et les prix ont considérablement chuté : un kilo de haricots mélangés se stabilise désormais à 2 500 FBu, alors qu’il y a deux semaines, cette même variété oscillait entre 3 500 et 4000 FBu, voire plus selon les localités.

Des soupçons de spéculation

Cette baisse, bien qu’accueillie avec soulagement par les consommateurs, suscite étonnement et interrogations. Certains soupçonnent une stratégie délibérée de la part des commerçants influents, visant à créer artificiellement une pénurie pour faire grimper les prix.

« C’est du cinéma, d’où sortent-ils toute cette quantité ? » s’interroge Georges Nimbona, un consommateur perplexe. D’autres évoquent un possible réapprovisionnement discret via des importations de Tanzanie, mais beaucoup affirment qu’aucune marchandise n’est venue de l’extérieur du pays ni des provinces voisines.

Dans la ville de Gitega, rien n’explique pour l’instant cette détente du marché. S’agit-il d’une anticipation d’une récolte locale plus abondante que prévu ? Ou d’une baisse soudaine de la demande dans certaines régions voisines qui aurait réorienté les flux vers le marché intérieur ? La théorie qui semble recueillir le plus de consensus pointe vers une tactique des grossistes craignant une hausse imminente de la production lors de la prochaine récolte. Ce qui pourrait faire chuter davantage les prix.
« C’est une méthode vieille comme le monde. À chaque fois, ils raflent tout sur le marché et cachent des tonnes dans leurs entrepôts pour pouvoir spéculer quand le marché sera favorable », affirme Micheline Nduwayo, mère de famille au quartier Shatanya.

Un répit temporaire ?

Au marché central de Gitega, les vendeurs se disputent désormais les clients, et c’est souvent le plus accueillant et convaincant qui écoule le plus de marchandises. Certains lots montrent déjà des signes de détérioration due aux charançons qui prolifèrent dans des entrepôts improvisés à travers la ville.
« Aujourd’hui, ils emmagasinent tout au vu et au su de tout le monde, causent des pénuries dont ils profitent eux seuls, et demain, ils reviennent en père Noël et inondent le marché », déplore Fabien Ndikumana, enseignant du secondaire à Gitega.

Les commerçants, qui invoquaient hier des causes structurelles comme les taxes douanières élevées et la rareté du carburant, reconnaissent aujourd’hui à demi-mot qu’il s’agit simplement de la loi de l’offre et de la demande. Certains soutiennent même en coulisses qu’ils travaillent déjà à perte.

Un soulagement facile

Pour de nombreux habitants de la capitale politique du Burundi, cette baisse des prix représente une bouffée d’oxygène bienvenue. Mais elle ne résout pas le problème fondamental : l’imprévisibilité chronique du marché alimentaire burundais.

Tant que le pays ne mettra pas en place des mécanismes de régulation plus efficaces, des incitations durables pour les producteurs et commerçants ainsi qu’un filet de sécurité pour les consommateurs, ce scénario risque de se répéter au gré des spéculateurs. La paix retrouvée dans les marmites burundaises pourrait bien n’être qu’un simple sursis.

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