Le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, Fortune Gaëtan Zongo, vient d’être renouvelé à Genève lors de la 60e session du Conseil des droits de l’Homme des Nations-unies. Un camouflet pour le gouvernement burundais qui avait déployé beaucoup d’efforts pour bloquer la prolongation du mandat. Chez la société civile et les politiques, les réactions divergent.
Le 6 octobre 2025 à Genève, le mandat de Fortune Gaëtan Zongo a été prolongé d’une année avec 23 voix pour, 9 voix contre et 15 abstentions. Une grande satisfaction pour une partie des activistes des droits de l’Homme et des politiques burundais. « Un signal fort de solidarité. » ; « Signe que la situation des droits de l’Homme reste préoccupante. » ; « Le maintien de la surveillance du pays reste très pertinent. », etc. Pour les proches du pouvoir, c’est de l’injustice.
De son côté, le principal intéressé, le Burkinabé Zongo, trouve qu’il y a beaucoup de travail à faire. « La procédure de renouvellement doit interroger. Cette année, la majorité est encore plus forte. On a 23 voix pour et 9 contre. Ça veut donc dire que la communauté internationale a compris que le Burundi est toujours dans de grands défis liés au 3e mandat qui n’ont pas été purgés. C’est ainsi que je vois le renouvellement du mandat. »
Il fait savoir qu’au début du mandat, ils ont dû surmonter la non-coopération de l’Etat burundais, mais qu’avec l’expérience, ils ont acquis une certaine expertise qui fait que même sans cette coopération, le mandat peut s’exercer sans difficultés majeures.
Le Rapporteur spécial indique qu’après les dernières élections, il s’est observé un pouvoir en place qui fait tout pour capter l’ensemble de la vie publique. « Cela se ressent actuellement. Il n’y a plus aucune institution indépendante : ni l’ombudsman, ni la CNIDH, ni la CVR, ni l’Etat lui-même. Et quand on regarde la composition du Parlement, c’est totalement monocolore. Je crois que dans le monde entier, il ne dépasse pas deux ou trois Etats qui sont dans cette configuration et c’est un vrai défi. »
M. Zongo promet de suivre de près la question des réfugiés burundais qui « vivent des difficultés extraordinaires. » Selon lui, ils n’ont besoin que des conditions de sécurité pour pouvoir rentrer chez eux. « Nous allons nous attacher à trouver des solutions pour la dignité de ces personnes. »
Douche froide pour Gitega

Durant plusieurs mois, Gitega avait lutté bec et ongles pour que le mandat du Rapporteur spécial ne soit pas prolongé. Avant le vote, Elisa Nkerabirori, Représentante permanente du Burundi auprès de l’ONU à Genève, s’est opposée au renouvellement du mandat du Rapporteur spécial et a demandé à ses collègues de voter dans ce sens.
Dans la foulée, elle s’en est prise à l’Union européenne qui, l’an dernier, avait convaincu les membres du Conseil de proroger d’une année le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme au Burundi. « Selon leurs propos, les conditions propices aux violations des droits de l’Homme étaient, semble-t-il, réunies, nécessitant d’enclencher une procédure précoce de surveillance de mon pays durant la période électorale de 2025. »
Encore une fois, Elisa Nkerabirori s’est vantée que le Burundi vient de conclure avec succès les élections législatives et locales qui ont connu une forte affluence de la population dans un climat sécurisé et apaisé. « Il est dès lors aberrant, sinon insensé, d’entendre le porte-plume du projet de résolution concerné, à défaut de reconnaître avoir servi à ce Conseil des informations volontairement tronquées, s’enliser davantage, car, sans renoncer, alors que reconnaissant les élections tenues sans violence, tente encore de convaincre que mon pays reste à observer de près jusqu’ à élection présidentielle de 2027. »
Pour elle, le mandat du Rapporteur spécial est devenu un outil de division, de catégorisation des communautés burundaises, véhiculant des propos discriminatoires, des allégations aussi bien diffamatoires que dangereuses et irresponsables à relents ethniques. Et d’affirmer que le Burundi se trouve face à un mécanisme sans repère institutionnel, sérieusement compromis et qui entache la crédibilité du Conseil.
Quelques jours plus tôt, à l’occasion de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations-unies à New York, le chef de la diplomatie burundaise, Edouard Bizimana, n’y est pas allé de main morte en plaidant le non-renouvellement du mandat du Rapporteur spécial.
« Le Burundi s’inscrira toujours en faux contre toute forme d’hiérarchisation et d’instrumentalisation politique des droits de l’Homme. A cet égard, nous dénonçons les mécanismes spéciaux qui sont parfois imposés à certains pays, dont le Burundi, pour des raisons plutôt subjectives. C’est pourquoi je réitère la demande du Burundi de retirer l’initiative du mandat du fameux rapporteur spécial des droits de l’Homme dans mon pays qui, depuis dix ans, publie des rapports biaisés et tendancieux sur le Burundi comme si le Burundi et le temps sont depuis lors figés. »
D’après le ministre Bizimana, le Burundi a fourni des efforts remarquables pour renforcer l’Etat de droit, lutter contre l’impunité et promouvoir les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. « Des progrès notables ont été reconnus par plusieurs partenaires, aussi bien bilatéraux que multilatéraux, comme en témoigne notre coopération constructive avec ces derniers. Cependant, le Rapporteur spécial ne semble pas remarquer ces avancées. »
Réactions
Kefa Nibizi : « Une décision juste »
Pour Kefa Nibizi, président du parti Codebu Iragi rya Ndadaye, ce renouvellement est un signe évident que la communauté internationale constate que la violation des droits de l’Homme reste une réalité. « Cela montre aussi que la CNIDH n’est pas en mesure d’assurer son mandat de promouvoir et de protéger les droits humains.»
Avec la fermeture du bureau de droits de l’Homme, il fallait qu’il y ait un œil vigilant et continu sur le Burundi. « Cette prolongation est une mesure juste du moment que le pouvoir de Gitega sombre toujours dans les violations des droits civiques et politiques ».
Cet opposant déplore que même des cas de disparitions forcées et d’emprisonnements arbitraires, de musèlement de la presse indépendante, de violation de la liberté d’expression, … continuent à être enregistrés.
M. Nibizi demande au rapporteur de continuer son travail avec assiduité en consultant toutes les parties prenantes. « Il faut que ses prestations soient améliorées avec des informations très fouillées sur le terrain. »
Kassim Abdul : « Le gouvernement n’a pas été convaincant »
Pour Abdul Kassim, président du parti UPD-Zigamibanga, cela signifie que le Burundi reste sous surveillance des Nations-unies et que la demande du Burundi qui voudrait que les NU l’enlèvent sur la liste des cas à observer n’a pas été convaincante.« Les deux parties doivent sortir de ce langage de sourd et engager leur responsabilité chacune en ce qui la concerne. » Il rappelle que la question des droits de l’Homme n’est ni l’apanage du rapporteur spécial, ni celui du gouvernement mais de tout le peuple burundais. « Elle doit être traitée sans faux fuyant pour l’intérêt de notre chère patrie.» Il demande au rapporteur spécial de coopérer pleinement avec le gouvernement du Burundi en vue de produire des rapports consensuels.
D’après ce politicien, les Nations-unies devaient engager un dialogue franc et sincère avec le Burundi sur cette question cruciale des droits humains. Il conseille le gouvernement d’être ouvert et de démontrer à la face du monde qu’il est respectueux des droits de l’Homme tel qu’il les a ratifiés et intégrés dans la Constitution.
Venant Hamza Burikukiye : « Zongo doit cesser de salir le Burundi »
« La prolongation du mandat est injuste, complotée avec des Burundais égarés et déracinés, auteurs de mensonges et de malédiction dont Monsieur Zongo est devenu porte-parole », réagit Venant Hamza Burikukiye, représentant légal de CAPES+.
Zongo doit cesser de salir le Burundi pour gagner son salaire. « S’il veut réellement connaitre ce qui se passe au Burundi, nous le conseillons d’interroger et d’écouter tout le monde. »
Pour ce militant de la société civile, le respect des droits humains c’est surtout le respect d’un peuple et de son choix.
« Le gouvernement n’a qu’à continuer à œuvrer pour le renforcement du respect des droits de l’Homme à travers les mécanismes habilités et en actions. C’est pour garantir un État de droit dans un courant démocratique et d’union nationale, pilier du développement durable pour tous. »
Gérard Hakizimana : « Une injustice »
« Nous avons appris avec étonnement et indignation la prolongation du mandat du M. Zongo pour une année supplémentaire, sur base d’informations que nous considérons comme mensongères et contraires à la réalité », réagit Gérard Hakizimana, représentant légal de l’association Folucon-F (Force de lutte contre le Népotisme et le Favoritisme au Burundi). Il condamne fermement cette décision qu’il qualifie d’injuste. « Les rapports du rapport spécial sont mensongers. Nous l’accusons de chercher à diviser le peuple burundais et à semer la haine, notamment envers ceux qui s’engagent activement dans les initiatives de développement durable et inclusif. »
Des agissements qui vont à l’encontre des efforts considérables déployés par les citoyens et les autorités burundais pour promouvoir l’unité nationale et améliorer la situation des droits humains.
Me Gustave Niyonzima : « La situation des droits de l’Homme au Burundi n’est pas reluisante. »
Pour maître Gustave Niyonzima, défenseur des droits de l’Homme, de graves violations des droits humains (crimes contre l’Humanité) se poursuivent au Burundi. « Le gouvernement a échoué à faire en sorte que les auteurs de ces graves violations rendent des comptes ou à prendre au sérieux les inquiétudes soulevées par des acteurs burundais et internationaux en matière de la protection des droits humains. »
Il estime que c’est pour cette raison que le Conseil onusien des Droits de l’Homme n’a pas relâché son attention lors de la 60e session pour renouveler le mandat du Rapporteur spécial. « C’est un signe que la situation des droits de l’homme reste préoccupante. Et cette prolongation est une bonne chose. Car, l’impunité des auteurs de ces crimes demeure tenace alors que des milliers de victimes attendent toujours justice et réparation. »
Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.