Samedi 27 septembre 2025

Politique

Rapport au vitriol, Gitega voit rouge

Rapport au vitriol, Gitega voit rouge
Fortuné Gaetan Zongo : « Les droits civils et politiques ont constitué un véritable défi pour le Burundi durant les douze derniers mois. »

Disparitions forcées, arrestations et détentions arbitraires, processus électoral biaisé, militarisation des jeunes Imbonerakure, non-respect des libertés civiles et politiques, justice aux ordres, … le dernier rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, Fortuné Gaetan Zongo, est alarmant. Gitega parle d’un rapport mensonger qui vise à diviser les Burundais.

Dans son rapport présenté le 19 septembre 2025 à Genève lors de la 60ᵉ session du Conseil des droits de l’Homme des Nations-unies, Fortuné Gaetan Zongo a indiqué que les droits civils et politiques ont constitué un véritable défi pour le Burundi durant les douze derniers mois.

Selon lui, la situation des droits de l’Homme au Burundi reste non seulement marquée par des avancées limitées dans certains domaines mais aussi par des préoccupations persistantes concernant l’Etat de droit, l’espace démocratique, les libertés fondamentales et la protection des personnes vulnérables.
« Le processus électoral qui a commencé en 2023 a vu l’affaiblissement et la quasi-élimination des partis politiques qui pouvaient apporter une contradiction au parti au pouvoir. » De ce fait, souligne-t-il, ces scrutins qui auraient dû être des étapes de consolidation démocratique ont malheureusement été marqués par de graves irrégularités. « Exclusion des figures majeures de l’opposition, contributions forcées imposées à la population et un climat d’intimidation. Cette situation s’est soldée après les scrutins par la victoire du parti au pouvoir avec près de 96 % des voix, ce qui traduit un processus très éloigné des normes internationales relatives aux élections libres, transparentes et équitables. »

« Les violations graves des droits de l’Homme demeurent préoccupantes »

« Des cas de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de torture continuent d’être rapportés. Des témoins font état de détentions illégales dans des lieux non officiels, souvent opérées par la police, les services de renseignement ou par les Imbonerakure. L’impunité demeure la règle malgré les engagements du gouvernement. » Pour M. Zongo, ces actes s’inscrivent dans un contexte plus large de restriction des libertés publiques, marqué par 137 cas de détentions arbitraires ciblant en particulier des opposants politiques ainsi que par 11 exécutions extrajudiciaires imputées à des agents de l’État.

Le Rapporteur spécial regrette l’absence de mécanismes indépendants de recherche et de documentation sur les personnes disparues ainsi que l’impunité généralisée dont bénéficient les auteurs présumés de ces violations.

Concernant les arrestations et les détentions arbitraires, il précise que la période couverte a été marquée par une augmentation notable des arrestations arbitraires, en particulier dans le contexte de la mobilisation politique et que des membres des partis d’opposition, des jeunes militants, des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes ont été arrêtés sous des chefs d’accusation vagues tels que « trouble à l’ordre public », « propagation de fausses informations » ou encore « menace à la sûreté de l’État ». « Il est préoccupant de constater que la détention préventive est utilisée comme moyen d’intimidation. »

Un appareil judiciaire aux ordres et le droit à la propriété bafoué

« L’indépendance de la magistrature reste un vrai défi en l’absence de véritables réformes. » Selon lui, plusieurs rapports signalent la persistance de pressions politiques, notamment dans les affaires à caractère sensible, tels que les contentieux fonciers, les dossiers liés aux droits de l’Homme ou les litiges électoraux. Malgré que les autorités aient évoqué à plusieurs reprises la nécessité de renforcer l’efficacité de l’appareil judiciaire et de rapprocher la justice du citoyen, M. Zongo trouve que ces annonces s’inscrivent davantage dans une logique de communication politique que dans une logique de réforme structurelle en profondeur.

Le Rapporteur spécial est revenu sur l’affaire de la journaliste Sandra Muhoza. « Ce cas met en lumière des pratiques de judiciarisation abusive de l’expression sur les réseaux sociaux, des entraves au droit à un procès équitable ainsi qu’un usage préoccupant des qualifications pénales liées à la sécurité nationale pour sanctionner des critiques sur des sujets sensibles. »

Quant au droit à la propriété, M. Zongo note que plusieurs violations des droits à la propriété, à la sécurité foncière et à l’accès à la justice ciblaient particulièrement les membres de la communauté tutsie. « Ces pratiques, qui sont des spoliations, profitent à des personnes proches du pouvoir, aux membres du gouvernement (ou à des membres de leurs familles) et à des généraux de l’armée ou de la police. »

Plusieurs institutions indexées

Selon le Rapporteur spécial, l’Ombudsman joue un rôle marginal en raison d’un manque d’indépendance, de ressources, de volonté politique et d’engagement effectif. « L’Ombudsman est souvent perçu comme une institution alignée sur le pouvoir exécutif. La proximité de l’Ombudsman avec les autorités limite gravement sa capacité à jouer un rôle crucial ou protecteur, en particulier dans un contexte de répression politique et de fermeture de l’espace civique. »

Fortuné Gaetan Zongo est revenu sur la fuite de Sixte Vigny Nimuraba, président de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH), l’appel à candidature pour le remplacement des commissaires de cette commission et l’élection des nouveaux commissaires. « L’appel à candidatures lancé par le président de l’Assemblée nationale, sans transparence sur les motifs juridiques de remplacement anticipé des commissaires illustre l’ingérence politique dans la gouvernance de la Commission, met en question le respect du principe de non-subordination de la Commission aux pouvoirs exécutif et législatif, et entame sa crédibilité en tant que mécanisme indépendant de promotion et de protection des droits de l’Homme. »

Le Rapporteur spécial a recommandé à l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’Homme d’envisager un réexamen du statut « A » de la CNIDH.
M. Zongo se dit également préoccupé par les développements récents affectant le fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) surtout la fuite de deux commissaires Noé Clément Ninziza et Aloys Batungwanayo. Le Rapporteur spécial considère que ces incidents remettent fondamentalement en cause l’impartialité, l’indépendance et la légitimité de la CVR. « Le climat de peur instauré, notamment la perspective de représailles judiciaires à l’encontre de commissaires qui exprimeraient des désaccords avec la ligne officielle, constitue une entrave directe à l’établissement de la vérité et à la collecte de témoignages crédibles. »

D’après ce cadre onusien, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) continue d’être perçue comme inféodée au pouvoir exécutif. « L’absence de représentants crédibles de l’opposition et de la société civile dans sa composition ainsi que le manque d’accès public à ses décisions alimentent une perception d’opacité et de partialité. »

Quid de la guerre en RDC ?

Selon M. Zongo, le conflit en République démocratique du Congo a engendré des répercussions humanitaires et sécuritaires significatives au Burundi, avec des incidences sur l’exercice de plusieurs droits. Il fait savoir que le Burundi a maintenu son soutien politique et militaire à la RDC, en poursuivant le déploiement de troupes dans le Sud-Kivu. « Par ailleurs, selon des informations recueillies par le Rapporteur spécial, des Imbonerakure auraient suivi, en août 2024, une formation paramilitaire à Cibitoke en vue d’un déploiement en RDC, ce qui constitue une militarisation accrue du mouvement affilié au parti au pouvoir. »

Il rappelle que depuis février 2025, le Burundi a connu un afflux massif de réfugiés congolais fuyant les violences dans l’Est de la RDC. « Bien que les autorités aient initialement accueilli ces réfugiés, des pratiques discriminatoires ont été rapportées par la suite, notamment à l’encontre des Banyamulenge et des Tutsis, soupçonnés d’interagir avec le Rwanda ou avec le groupe M23. Des cas d’arrestations arbitraires ont été recensés, y compris parmi les étudiants congolais vivant à Bujumbura. »

Gitega monte au créneau

Elisa Nkerabirori, Représentante permanente du Burundi auprès de l’ONU à Genève, tire à boulets rouges sur le mandat du Rapporteur spécial. « Un rapport honteux. Ce mandat est-il devenu un outil de division, de catégorisation de nos communautés, véhiculant des propos discriminatoires transmis par des sources à motivation politique, composées de ceux-là même qui, 10 ans plus tôt, sous couvert d’une manifestation pacifique, l’ont muée en une insurrection sanglante. » Elle se demande si le mandat est devenu un outil de propagande qui encense d’un côté une opposition désorganisée.

Selon la Représentante permanente, le Burundi vient de conclure « avec succès les élections législatives et locales qui ont connu une forte affluence de la population dans un climat sécurisé et apaisé. »

Elle s’insurge contre les allégations faisant état de discrimination de la part des autorités burundaises, à l’encontre des Banyamulenge et des Tutsis fuyant les violences à l’Est de la RDC ainsi que le droit à la propriété bafoué. « Ces derniers vivent pourtant paisiblement au Burundi depuis une vingtaine d’années. Que plusieurs violations aux droits à la propriété, à la sécurisation foncière et à l’accès à la justice ciblent les membres de la communauté tutsie par des personnalités influentes de mon pays. Quel représentant de la communauté tutsie du Burundi vous a mandaté pour parler en leur nom ? Le Rubicon vient d’être franchi. »

D’après elle, le mandat ignore les dispositions de la Charte des Nations-unies qui impose un principe fondamental de respect de la souveraineté des États lorsqu’il s’arroge les prérogatives de remettre en cause les relations bilatérales entre deux pays, en l’occurrence l’accord de coopération de défense signé entre la RDC et le Burundi.

Elisa Nkerabirori fait savoir que le mécanisme n’est plus au service de promouvoir et de défendre les droits de l’Homme tels que supposé. Pour elle, le mandat est sérieusement compromis et vient de perdre le peu de crédibilité et de légitimité qui lui étaient encore réservées.


Réactions

Gérard Hakizimana (Folucon-F) : « C’est un rapport mensonger et honteux »


Le représentant légal de Folucon-F dénonce avec indignation les propos du rapporteur spécial. « C’est un rapport mensonger et honteux qui cache un autre agenda : il semble motivé par le désir d’obtenir un nouveau mandat, non pas pour promouvoir les droits de l’Homme, mais pour continuer à semer la division parmi les Burundais. »

Il rejette catégoriquement les allégations sur le climat de violences lors des élections du 5 juin et appelle la communauté internationale à ne pas accorder de crédit à ces « rapports biaisés ».

Kefa Nibizi (Codebu Iragi rya Ndadaye) : « Les aspects relevés reflètent la réalité du terrain »

Le président du parti d’opposition affirme que le rapport correspond à la situation actuelle. « Le pouvoir du parti CNDD-FDD a choisi d’utiliser des méthodes qui vont dans le sens de violation des droits de l’Homme pour pouvoir asseoir son régime par la force », soutient-il.

Il confirme l’existence d’arrestations arbitraires et estime que « ces élections n’étaient ni libres, ni transparentes, ni même inclusives ».

Terence Manirambona (CNL) : « Ce rapport corrobore la réalité sur le terrain »

Le porte-parole du CNL valide les conclusions du rapporteur. « Il converge avec les observations continues dans notre dernier communiqué du 9 septembre 2025 », réagit-il. Il dénonce des cas de graves violations incluant « des disparitions forcées, des enlèvements, des cas de détention arbitraires » et souligne que « la justice n’est pas indépendante et qu’il existe une impunité consacrée ».

Venant Hamza Burikukiye (CAPES+) : « M. Zongo n’a plus de matière sur le Burundi »

Le représentant de CAPES+ critique vivement le rapporteur : « Les propos de Zongo c’est devenu une chanson monotone d’un égaré déboussolé ne sachant pas où aller et comment crier au secours par ivresse de manipulations. » Il conteste les allégations en évoquant la participation record d’indépendants aux élections et l’accalmie durant la campagne électorale.

Lambert Nigarura (juriste et défenseur des droits de l’Homme) : « Les faits sont là »

Le juriste salue le travail accompli malgré les restrictions d’accès. « Son rapport parle des faits vérifiables que personne ne peut contester. Les graves violations des droits humains, l’impunité généralisée sont devenues un mode de gouvernance », affirme-t-il. Il appelle le Conseil des droits de l’Homme à prendre ses responsabilités face à cette « grave situation ».

ONU

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