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Quand il souffle le chaud et le froid !

16/08/2011 Commentaires fermés sur Quand il souffle le chaud et le froid !

Beaucoup de commentaires ont été faits sur les différentes déclarations et interview faites par le député Manassé Nzobonimpa. Parmi eux, Iwacu vous propose cette analyse d’Athanase Karayenga, journaliste burundais, qui souligne qu’au-delà des propos d’appel à une éthique politique tenus par M. Nzobonimpa, ce dernier  » propose une approche contradictoire et dangereuse « . Réagissez.

Les propos tenus par M. Manassé Nzobonimpa au cours de l’entretien publié par le journal Iwacu le 2 juillet 2011 interpellent tout citoyen burundais car il représente le Burundi au parlement de la Communauté Est-Africaine, vénérable institution que d’aucuns considèrent, avec une dose d’imagination inspirée par la science fiction politique, comme une anticipation du parlement de la future République Fédérale du Kilimanjaro dont la capitale serait Arusha.
Pour améliorer la gouvernance au Burundi, le parlementaire propose une approche contradictoire et dangereuse. Certes le parlementaire est dans son rôle quand il dénonce l’affaire des cahiers scolaires ougandais, un cas présumé de corruption dont se seraient rendus coupables, notamment, d’anciens compagnons de combat dans la rébellion et d’anciens camarades dans la formation politique dont il a été exclu. Certes il est encore dans son droit, et son courage est salué par une large opinion publique, de dénoncer le risque de verrouillage politique qui serait pratiqué, selon ses craintes, par un groupe restreint d’hommes politiques.

Pour autant, il sort de son rôle quand il insinue qu’il pourrait comprendre, tout en restant attaché à une solution politique, que la gouvernance du Burundi puisse être améliorée par une rébellion ou un coup d’Etat. Cette solution constituerait un remède pour tuer le malade au lieu de le guérir car elle fragiliserait les institutions. Et partant toute la nation.

Cependant, avant de poursuivre l’analyse des propos tenus par M. Manassé Nzobonimpa, il convient de relever, pour s’en réjouir d’ailleurs, que la liberté d’expression dont il use, constitue un acquis formidable au Burundi. Cette liberté de penser et de communiquer ses opinions permet aux hommes politiques, aux médias, à la société civile, aux formations politiques et à la population burundaise d’exprimer des points de vue divergents, des analyses contradictoires et même des propositions irritantes qui peuvent parfois hérisser le poil des pouvoirs publics. C’est un acquis démocratique considérable qu’il faut défendre et perpétuer.

En même temps, il faut dénoncer sans complaisance les menaces pour leur sécurité et les exclusions de leurs formations politiques d’origine que certains hommes politiques, dont M. Manassé Nzobonimpa précisément, subissent en raison de leurs positions et de leurs opinions dérangeantes. De la même manière, il convient de dénoncer le débat politique au Burundi quand il devient véhément et intolérant. En effet, la confrontation politique est parfois marquée par des excès de langage d’hommes politiques emportés par la passion. Au point qu’ils en oublient le respect du principe sacro-saint de la présomption d’innocence et de l’inviolabilité de la vie privée, même celle des adversaires politiques les plus résolus.
Propos contradictoires et inquiétants

Pour revenir aux propos de M. Manassé Nzobonimpa, le parlementaire indique, dans l’entretien qu’il a accordé au journal Iwacu, qu’il s’est engagé dans un combat exclusivement politique. Avec une nuance de taille cependant. Tout en privilégiant le combat politique non violent, il comprendrait, qu’une rébellion se déclare pour mettre fin à un régime qu’il ne porte plus dans son cœur.

Pourtant, le député affirme avec force que les élections de 2010 n’ont été entachées d’aucune fraude. Dont acte ! De ce fait, M. Manassé Nzobonimpa reconnaît la légitimité démocratique incontestable des institutions issues du processus électoral burundais.

De ce point de vue, il se démarque d’ailleurs radicalement des partis politiques qui ont quitté le processus électoral et se sont regroupés pour former le front du refus, l’ADC-Ikibiri. Si telle est son intime conviction, M. Manassé Nzobonimpa ne devrait faire planer aucune ambigüité sur la solution qu’il préconise pour améliorer la gouvernance du Burundi. Il devrait exclure à jamais la solution détestable des coups d’Etat et de la guerre civile déguisée en rébellions. Déclarer comprendre, l’option d’un coup d’Etat ou la formation d’une rébellion constitue une grave erreur d’analyse pour ne pas dire une grave faute politique.

Le parlementaire relaye, sans le vouloir peut-être, les propos tenus par d’autres hommes politiques qui envisagent aussi, avec un brin de cynisme et de joie sadique, la formation d’une rébellion au Burundi. Cette position n’est pas compréhensible de la part d’un homme politique responsable et respecté comme M. Manassé Nzobonimpa ; car elle prouverait qu’il serait atteint par une amnésie coupable.

En effet, quelles seraient les conséquences d’un coup d’Etat  aujourd’hui ? Qui seraient les victimes de la « petite colère » aujourd’hui ? Quel Burundais a oublié le cataclysme qui a suivi le coup d’Etat de 1993 au cours duquel le président de la République élu a été sauvagement assassiné et les institutions démocratiques décimées par des criminels irresponsables ? Quel Burundais a oublié le massacre à grande échelle d’une population innocente organisé à travers le pays pour « venger »  la mort de Melchior Ndadaye ? Quel Burundais a oublié le terrible tsunami politique qui a failli submerger et emporter définitivement la nation burundaise au cours d’une guerre civile qui a duré 16 ans, autant dire une éternité ?

Les propos de M. Manassé Nzobonimpa constituent une contradiction incompréhensible et dangereuse et retournent le couteau dans la plaie. En effet, il est très imprudent d’exprimer de la compréhension à l’égard d’un coup d’Etat qui pourrait générer un chaos institutionnel et une guerre civile généralisée dont les ravages échapperont forcément au pyromane qui aura mis le feu à la brousse. Les tragiques leçons de l’histoire du Burundi devraient inciter à plus de modération les potentiels « seigneurs de la guerre » burundais, leurs troupes et leurs adeptes.

Par ailleurs, M. Manassé Nzobonimpa pourrait-il convaincre ses pairs au Parlement de la Communauté Est-Africaine que le recours aux armes et à un coup d’Etat pourraient améliorer la gouvernance du Burundi ? En s’engageant dans le processus de l’intégration régionale, le Burundi s’est engagé aussi à préserver la stabilité de la région et la sécurité des populations des Etats membres. Or, exprimer de la complaisance à l’égard de la guerre civile, c’est fragiliser le processus d’intégration du Burundi dans la région. Autrement dit, comme le dit une expression familière, c’est pousser le Burundi à « se tirer une balle dans le pied. » Avec quels bénéfices à la clé ? A suivre.
Prochain épisode « La Nyakurisation des partis politiques »

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