Vendredi 29 mars 2024

Editorial

Pas de troupes burundaises à l’est de la RDC, vraiment ?

07/01/2022 10

Conférence de rédaction, sujet sur la présence ou non des troupes burundaises en mission en territoire d’Uvira approuvé, coup de fil au porte-parole de l’armée burundaise pour en savoir plus…

Prudence oblige, la question est incisive et directe : « Mon colonel, est-ce que des militaires burundais ont franchi la frontière congolaise pour aller combattre des groupes rebelles hostiles à Gitega qui pullulent dans les montagnes surplombant la ville d’Uvira, comme l’affirment des médias internationaux et locaux, ainsi que la société civile congolaise ?

La réponse du Colonel Floribert Biyereke, porte-parole de l’armée burundaise est sans équivoque. Des phrases courtes. Presque télégraphiques, pour éviter, je pense, toute lecture entre les lignes.
Un démenti catégorique du colonel Biyereke fuse. Il balaie d’un revers de la main toutes ces ’’allégations: « Ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de militaires burundais en RDC. L’armée burundaise n’opère pas en RDC. Elle ne couvre que le territoire national. Aucun militaire ne peut oser aller intervenir dans un autre pays sans qu’il y ait une convention entre les deux pays.»

Et je me retrouve quelques années plus tôt. Cette réponse rappelle les mots d’un autre colonel en même temps porte-parole des Forces armées burundaises (FAB). C’était du temps de la lutte armée menée par les actuels ténors du pouvoir.
Courageux, – car il en faut du courage pour dire non -, le colonel démentait, balayait tout d’un revers de la main aussi. Il niait sur tous les tons et dans toutes les langues, ‘’toute présence de troupes burundaises à l’est de la RDC.’’
Il était dans son rôle, pourrait-on dire. Mais courageux, un jour, il a avoué que l’armée burundaise avait commis une ’’erreur d’appréciation’’, le 9 septembre 2002 à Itaba dans la province de Gitega où des ‘’éléments de l’armée avaient ouvert le feu tuant plus de 183 personnes, dont des civils’’.

Une tuerie non  assumée. Jusque-là. Autre souvenir. Ces pourparlers secrets entre le régime Buyoya et les FDD sous les auspices de la Communauté Sant’ Egidio, passés sous silence pendant longtemps. C’est finalement l’ancien ministre chargé des droits de l’Homme, Eugène Nindorera, qui révélera tout.

Pour revenir sur la RDC, il a fallu attendre un vice-président de la République, Frédéric Bamvuginyumvira pour reconnaître au grand jour un secret d’Etat jusque-là gardé par le pouvoir de l’époque : la présence des FAB à l’est de la RDC pour combattre les ‘’ forces négatives’’, selon les mots de feu Cyrille Ndayirukiye, ancien ministre de la Défense.

Pourtant, ce « secret » était devenu un secret de Polichinelle. Pauvre Bamvuginyumvira, je me souviens, il avait dû faire une gymnastique linguistique, – c’est un bon littéraire -, pour finalement avouer, sans faux-fuyant, que des militaires burundais étaient bel et bien présents dans l’est de la RDC. « Ils ne sont pas très loin à l’intérieur, mais juste à la frontière pour contrer les assauts des Fdd qui ont leurs bases arrière à l’est de la RDC ».

Mais il a fallu que ces hommes envoyés au Congo se retrouvent quelquefois sans ravitaillement, voient leurs frères d’armes tomber sur un champ d’honneur loin de leur mère patrie et des leurs, soient enterrés sur place en catimini, commencent à bougonner, à désobéir aux ordres et à se révolter.

Il n’y avait pas à cette époque les smartphones pour envoyer des photos et des images et autres audios, seul le bouche-à-oreille ou le téléphone arabe fonctionnaient.

A l’heure de la communication vulgarisée, à outrance il faut le dire, il n’est pas facile, encore moins aisé de garder pendant longtemps un secret. En un simple clic, un bête selfie, la nouvelle est vite partie, partagée pour faire le tour du monde.

Être journaliste, c’est difficile, c’est vrai. Mais je n’aimerais pas être à la place d’un porte-parole de l’armée.

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Jereve

    Il faut distinguer les troupes officielles et celles officieuses. C’est un risque énorme d’envoyer les premières dans un autre pays sans accord préalable avec celui-ci. Nous savons que l’Ouganda a eu cet accord, et ses troupes ont mis leurs bottes sur la terre congolaise. Sur un autre plan, les troupes officieuses peuvent traverser les frontières de leur propre chef, ou comme des mercenaires elles peuvent être téléguidées en haut lieu. Et pour diverses raisons: il y en a deux principales 1) éloigner une rébellion qui peut prendre racine chez le voisin et 2) se faire du pognon en entrant dans l’exploitation illégale du très riche sous-sol congolais. L’Est de la RDC grouille de ces milices qui ont compris qu’une kalachnikov vous ouvre la voie à la contrebande et à l’enrichissement (surtout des réseaux qui les téléguident). Et quand ses troupes officieuses se font attraper? Pas question de dire qu’on le connaît.

  2. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez: « comme l’affirment des médias internationaux et locaux, ainsi que la société civile congolaise ? »
    2. Mon commentaire
    Quelles sont les preuves présentées à cet effet?.
    Et puis, que les Forces de Défense Nationale (FDN) soient ou pas sur le sol congolais, dans sa réponse aux questions des différentes médias, le porte-parole peut se baser sur la notion de « secret défense ».
    Ibihugu vyose vyo kw’isi birafise amabanga y’ukwivuna umwansi atabwirwa umuntu wese.
    « L’expression « secret défense » ou « secret Défense » est utilisée pour définir un niveau d’habilitation d’accès à un document gouvernemental ou militaire restreint par une loi ou un règlement à un groupe spécifique de personnes pour des raisons de Sécurité nationale (ou supra nationale éventuellement)… »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Secret_d%C3%A9fense

    • Stan Siyomana

      Même dans le cas de Prince Henry de Sussex (Prince Harry), certains médias ont pu garder le secret de sa présence sur le sol afghan.
      « Harry occupe la sixième place dans l’ordre de succession au trône britannique, derrière son père le prince Charles, son frère aîné le prince William, duc de Cambridge, et les trois enfants de ce dernier, George, Charlotte et Louis…
      Certains médias étaient déjà au courant de la présence du prince en Afghanistan, mais avaient préféré ne pas la révéler…
      En février 2008, un site internet américain révèle que le prince Harry se trouve en Afghanistan. Le ministère britannique de la Défense décide de l’en évacuer immédiatement et explique dans un communiqué : « …Jusqu’au retour au Royaume-Uni du prince Harry, nous demandons aux médias d’éviter de spéculer sur l’endroit où il se trouve, sur le calendrier de son retour et sur l’itinéraire emprunté »…
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Henry_de_Sussex

    • roger crettol

      @ Stan Siyomana

      Avec une parfaite mauvaise foi, JerryCan se pose la question : mais quelles sont les preuves concrètes que les FDN ne se trouvent PAS dans l’est de la RDC, et que l’AFP et ses sources ne sont que de fieffés menteurs qui en veulent à un Burundi qui patauge dans l’innocence ?

      Ce jeux des preuves n’est qu’un écran de fumée qui veut cacher le vrai problème – celui d’une éventuelle rébellion qui aurait ses bases hors des frontières du Burundi.

    • Gacece

      @roger crettol @Stan Siyomana
      Et comme par hasard, ces « rumeurs » tombent en même temps qu’on entend que les annonces de la fin des sanctions de l’Union Européenne contre le Burundi arrivent bientôt. Simple coïncidence? J’aimerais rappeler que les mêmes rumeurs avaient fait les manchettes avant les manifestations qui ont conduit à la tentative de coup d’État de 2015… et aux sanctions qui ont suivi… les mêmes sanctions dont il est question.
      Disons seulement que la rébellion n’est qu’un prétexte, mais les forces de l’ordre leur offriront l’accueil qu’ils méritent.

  3. Uwakera

    J’ose imaginer la parution même d’un tel article dans le journal d’un pays voisin.

    • Yan

      @Uwakera
      Shut! Surtout pas dénigrer le paradis des droits d’expression (et des hommes & femmes)

  4. PCE

    Bonjour Abbas
    Je souhaterais ajouter quelques éclaircissements sur deux choses , la première porte sur la question posée au porte parole de l’armée et l’autre sur la révélation de l’existence des pourparlers de Sant’Egidio.
    – Lorsque le colonel Biyereke affirme ceci « Ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de militaires burundais en RDC. L’armée burundaise n’opère pas en RDC. Elle ne couvre que le territoire national. Aucun militaire ne peut oser aller intervenir dans un autre pays sans qu’il y ait une convention entre les deux pays » , il a peut être raison . En fait en décortiquant la phrase surtout à sa fin il n’est pas impossible qu’il existe en ce moment une « convention entre les deux pays » (RDC et Burundi) portant sur l’intervention des forces burundaises en RDC . En gros ca peut dire : que les militaires burundais sont présents en RDC mais « sur demande » des autorités congolaises. Rappelez vous il y a quelques mois , comme vous le soulignez à juste titre , que le Président Congolais tendait la main aux pays des Grands lacs en vue de l’aider à éradiquer les « forces négatives » de l’Est de la RDC . Ce serait donc en vertu de cette entente que les Burundais soient présents . En gros il faut donc lire  » les militaires burundais sont en RDC mais ils y ont été invités ».
    Ma seconde constatation porte sur les pourparlers de sant Egidio . Je me souviens de ce moment nous étions dans une salle de conférence de l’Hotel Source du Nil , Feu Président Buyoya y avait convié les journalistes et quelques diplomates( France , Belgique, USA, Allemagne) , notre ex confrère Alexis Sinduhije lui posa la question de l’existence de ces pourpalers. A travers la question qui mentionnait plusieurs références , Buyoya fut dans l’impossibilité de nier quoique ce soit. J’ai jamais rarement vu Buyoya aussi gêné par une question. Pendant le déroulement de la question – et je me passe des mimiques de Sinduhije lorsqu’il était sur de son coup- j’ai vu un Buyoya posant le coude de son bras droit sur la table en retournant nerveusement son stylo. Je me suis dit aie aie , il va « descendre » quelqu’un au sens figuré bien entendu. Il a accepté l’existence de ces pourparlers . Entre temps je salue quand même le courage de Sinduhije car le bruit sur ces pourparlers circulait dans certains milieux bien informés de Bujumbura et certains journalistes mais personne n’avait osé poser la question aux hautes autorités.

  5. PCE

    Bonjour Abbas
    Je souhaterais quelques éclaircissements sur deux choses , la première porte sur la question posée au porte parole de l’armée et l’autre sur la révélation de l’existence des pourparlers de Sant’Egidio.
    – Lorsque le colonel Biyereke affirme ceci  » « Ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de militaires burundais en RDC. L’armée burundaise n’opère pas en RDC. Elle ne couvre que le territoire national. Aucun militaire ne peut oser aller intervenir dans un autre pays sans qu’il y ait une convention entre les deux pays » , il a peut être raison . En fait en décortiquant la phrase surtout à sa fin il n’est pas impossible qu’il existe en ce moment une « convention entre les deux pays » (RDC et Burundi) portant sur l’intervention des forces burundaises en RDC . En gros ca peut dire : que les militaires burundais sont présents en RDC mais « sur demande » des autorités congolaises. Rappelez vous il y a quelques mois , comme vous le soulignez à juste titre que le Président Congolais tendait la main aux pays des Grands lacs en vue de « pacifier » l’Est de la RDC .
    Ma seconde constatation porte sur les pourparlers de sant Egidio . Je me souviens de ce moment nous étions dans une salle de conférence de l’Hotel Source du Nil , Feu Président Buyoya y avait convié les journalistes et quelques diplomates( France , Belgique, USA, Allemagne) , notre ex confrère Alexis Sinduhije lui posa la question de l’existence de ces pourpalers. A travers la question qui mentionnait plusieurs références , Buyoya fut dans l’impossibilité de nier quoique ce soit. J’ai jamais rarement vu Buyoya aussi gêné par une question. Pendant le déroulement de la question – et je me passe des mimiques de Sinduhije lorsqu’il était sur de son coup- j’ai vu un Buyoya posant le coude de son bras droit sur la table en retournant nerveusement son stylo. Je me suis dit aie aie , il va « descendre » quelqu’un au sens figuré bien entendu. Il a accepté l’existence de ces pourparlers . Entre temps je salue quand même le courage de Sinduhije car le bruit sur ces pourparlers circulait dans certains milieux bien informés de Bujumbura et certains journalistes mais personne n’avait osé pose la question aux hautes autorités. En fait seul Sinduhije pouvait le faire.

  6. Philibert Nininahazwe

    « Être journaliste, c’est difficile, c’est vrai. Mais je n’aimerais pas être à la place d’un porte-parole de l’armée ». Aka karankuyeho

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