Lundi 12 mai 2025

Santé

L’autisme : Ignoré mais pourtant présent

L’autisme : Ignoré mais pourtant présent
Un enfant autiste qui passe tout son temps à ranger les chaussures

Des disputes, de l’adultère, des divorces, une diminution de l’économie familiale et une difficulté à éduquer tout seul les enfants sont parmi les problèmes auxquels font face les parents ayant des enfants autistes dans leurs foyers. Des gens indiquent qu’un programme de prise en charge de ce genre d’enfant est nécessaire.

Dans la ville de Bujumbura, ainsi qu’à l’intérieur du pays, des familles mettent au monde des enfants autistes et ne le savent pas d’avance, fait savoir un parent rencontré dans la zone urbaine de Rohero. « L’autisme n’est pas fréquent dans notre pays. Mais, il existe. »

M. N., âgée d’une quarantaine d’années, est mère de trois enfants dont le deuxième est autiste. Elle témoigne de son parcours difficile avec son enfant autiste. « J’ai mis au monde un enfant autiste sans le savoir. Dès sa naissance, il ne dormait pas. Il pleurait souvent pendant la nuit. Je croyais que c’était normal, car les autres enfants pleurent aussi. J’ai abandonné le travail pour m’occuper de lui. Comme il ne dormait pas la nuit, je me suis isolée pour laisser mon mari et l’autre enfant se reposer. »

Elle ajoute que souvent, elle amenait son enfant à l’hôpital. Mais elle rentrait sans aucune réponse de la part des pédiatres. « Un jour, un docteur qui venait de l’étranger l’a diagnostiqué. Il m’a dit qu’il présentait des signes de l’autisme. Je ne comprenais même pas ce que cela signifiait. Il m’a dit que ce n’était pas une maladie, que c’était la manière dont mon enfant était créé et que je devais chercher un centre qui encadre les enfants autistes. J’ai fait des recherches, car je ne savais pas comment procéder. »

L’autisme de notre garçon a greffé sur l’économie de notre famille, poursuit-elle. « Cela m’a bloquée de sortir car, j’étais attachée à mon enfant pour le surveiller. Il s’agit d’une triste réalité et cela demande d’être fort. Il y a même des couples qui divorcent ou qui tombent dans l’adultère lorsque l’un des conjoints n’arrive pas à supporter la situation. Je remercie le centre Talitha Koum qui prend en charge pour le moment les enfants autistes. »

Diane Ngenzebuhoro, une femme qui a deux enfants autistes témoigne également : « J’ai deux enfants autistes. J’avoue qu’avant je croyais que j’avais péché et que Dieu m’avait punie. Je ne comprenais pas ma vie avec deux enfants autistes. Nous avons déménagé vers un quartier où nous pouvions avoir une maison moins chère. Avant, nous habitions à Kigobe et nos conditions de vie étaient bonnes. C’est après la naissance de mon deuxième enfant autiste que la vie a changé. »

L’économie familiale a chuté d’une façon visible, poursuit-elle, car mes enfants avaient besoin d’un suivi rigoureux et régulier. Tout cela demande de l’argent. « Pour le moment, nous nous sommes habitués et je suis heureuse de voir mes enfants grandir. Ils étudient dans une école privée et nous devons payer un travailleur qui les accompagne et les garde à l’école. »

Des séparations familiales

Nadia Uwimana est une autre mère qui a une fille autiste. Elle fait savoir que la situation familiale a changé quelques mois après la naissance de leur fille. « C’est une longue histoire. Ma seule et unique fille qui venait de naître n’a pas été bien accueillie par son père après avoir été diagnostiquée d’autisme. Avant, on croyait qu’elle avait des caprices car elle suivait trois garçons. Elle n’aimait pas la lumière. J’ai dû prendre une autre chambre. Nous avons fermé les fenêtres et les claustras pour bloquer toute lumière venant de l’extérieure. »

Elle ajoute que son mari n’a pas supporté la situation.« Il a commencé à rentrer tard voire ne pas rentrer à la maison. Il me disait qu’il avait dormi au boulot. Quand j’insistais, il me répondait qu’il ne voyait même pas l’importance de rentrer car, il dormait seul. Ça a créé des disputes. Après quelques mois, il prit la décision de nous quitter. Je remercie ma famille qui a été près de moi jusqu’aujourd’hui. »

Nadia Uwimana fait savoir aussi que sa fille a été chassée de l’école parce qu’elle ne suivait pas bien les cours. « Comme mes trois garçons allaient à l’école, j’ai eu l’idée d’inscrire ma fille aussi à la maternelle. La maitresse m’a appelée pour me dire que ma fille ne veut pas entrer en classe, qu’elle passe souvent du temps à l’extérieur. Un jour, on l’a renvoyée car, elle voulait tout casser et elle avait cassé les lunettes de sa maitresse. »

Pas une maladie mais une manière d’être.

La doctoresse Mélissa Ingabire : « Il faut bien observer les enfants dans leur développement pour pouvoir détecter assez tôt s’il y a quelque chose d’anormal »

La doctoresse Mélissa Ingabire du centre Talitha Koum explique l’autisme comme étant un trouble neurodéveloppemental qui affecte la manière dont une personne communique, interagit socialement et perçoit le monde qui l’entoure. « Ce n’est pas une maladie. Par contre, c’est une condition qui se présente dès l’enfance, même si elle peut parfois être diagnostiquée plus tard. Donc, il faut bien observer les enfants dans leur développement pour pouvoir détecter assez tôt s’il y a quelque chose d’anormal. »

Les signes peuvent varier d’un enfant à l’autre, souligne Dr Ingabire. « Un enfant peut avoir des difficultés dans la communication et les interactions sociales, peu ou pas de contact visuel. Il peut avoir des difficultés à comprendre les expressions faciales, les gestes ou les émotions des autres. Il peut aussi avoir une absence ou un retard dans le langage parlé dans certains cas. »

D’autres signes de l’autisme sont, entre autres, une répétition de certains mouvements (balancement, agitation des mains, …), un attachement fort à des routines ou habitudes, une sensibilité particulière à certains sons, lumières, textures ou odeurs.

Elle ajoute qu’il n’y a pas une seule cause de l’autisme démontrée jusqu’à ce jour. Mais, des recherches ont été faites dans le domaine de l’autisme. Elles s’accordent beaucoup plus sur le facteur génétique. « Les causes exactes de l’autisme ne sont pas encore complètement connues. Mais, il s’agit probablement d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux. Il n’est pas causé par les vaccins, comme certaines fausses informations ont pu le suggérer dans le passé. »

L’autisme n’est pas une maladie. Il ne se guérit donc pas. Toutefois, des accompagnements et des thérapies peuvent aider la personne autiste à mieux vivre dans la société et à développer ses compétences.

Elle appelle le gouvernement, à travers le ministère ayant la santé publique dans ses attributions, à trouver des spécialistes pour diagnostiquer l’autisme au Burundi. « Même si le centre diagnostique l’autisme, nous avons un problème de spécialistes car, ce que nous faisons, c’est détecter les signes, mais on ne confirme pas à 100 % qu’un enfant est autiste. »

En date du 2 avril 2025, le Burundi s’est joint au monde pour célébrer la journée dédiée à la sensibilisation sur l’autisme.

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