Samedi 17 mai 2025

Editorial

Un projet maudit

02/05/2025 9

Suivre l’évolution sinueuse du projet de reconstruction du marché central de Bujumbura relève d’un véritable défi. Pour en comprendre les ressorts, il faut remonter douze ans en arrière, précisément au 27 janvier 2013, jour funeste où un incendie a ravagé l’ancien marché central, pilier de l’économie nationale. Ce sinistre a réduit en cendres plus de 3 000 stands officiels et affecté près de 7 000 commerçants. Ce fut un choc national, un tournant tragique : tout a basculé.

Peut-on encore garder espoir ? Le dossier de la reconstruction du marché central a éclipsé bien d’autres sujets, tant au sein du Conseil des ministres que dans l’opinion publique. Des promesses ont été formulées, des entreprises et organisations nationales et internationales ont présenté leurs propositions au gouvernement. Ce dernier a d’ailleurs élevé la reconstruction du marché central de la capitale économique au rang de priorité nationale.

L’histoire retiendra notamment la société chinoise Jiangxi Jianglian International Engineering, qui avait été sélectionnée pour le projet, ou encore la proposition de l’Association des banques et établissements financiers du Burundi, soumise en décembre 2020, analysée et validée par le Conseil des ministres. Comment ne pas être séduit par les promesses d’un complexe moderne réparti en cinq blocs, avec une tour de 30 étages, un centre commercial de plus de 3 000 boutiques, une salle de conférence d’environ 1 000 places, un hôtel cinq étoiles… ? Un projet si ambitieux qui avait inspiré un Conseil des ministres à exiger une maquette représentant trois tours, symbolisant les trois étoiles du drapeau national. L’inauguration était annoncée pour avril 2026. Mais les promesses ne furent pas tenues. Le projet s’est enlisé, comme tant d’autres. Les citoyens attendent toujours des explications.

L’attribution du projet à la société Ubaka Nation Group, le 16 septembre 2024, a redonné un souffle d’espoir. Les travaux préparatoires – retrait des débris, des ferrailles et des tôles – ont été menés à bien. Quatre milliards de francs burundais et 500 dollars américains ont déjà été collectés, pour un projet estimé à environ 500 milliards de francs burundais. Mais voilà : tout est à l’arrêt. Les appels à l’achat d’actions se sont tus. « Ce projet est maudit », a lancé, amer, un actionnaire.

Les zones d’ombre persistent. Où est le contrat entre Ubaka Nation Group et l’État burundais, et que stipule-t-il exactement ? Qui gère les fonds récoltés auprès des investisseurs privés ? Quel est le rôle précis du gouvernement dans ce projet ? Le matériel récupéré sur le site de l’ancien marché a-t-il été vendu ? À quel prix ? Et à qui ?

« On l’attend, on l’attend, et on l’attend. Il va peut-être arriver… » Le patron d’Ubaka Nation Group promet que le nouveau marché central sera opérationnel dans cinq ans. Accordons-lui le bénéfice du doute. Et espérons qu’au début de l’année 2030, les Burundais pourront enfin s’exclamer dans un élan de joie collective : il est là, notre marché tant attendu ! Formulons les vœux les plus ardents pour le succès de ce projet. Croisons les doigts…

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. Gacece

    2 obstacles majeurs qui empêchent les investissements d’affluer :

    – Le fait qu’on doive investir dans Ubaka Nation Group au lieu d’acheter directement des parts de Buja City Plaza.

    – L’obligation de devoir céder Buja City Plaza au gouvernement après l’expiration du délai d’exploitation.

    Les 2 obstacles sont complémentaires : l’un ne va pas sans l’autre. En investissant directement et exclusivement dans le projet Buja City market, on deviendrait propriétaire d’un « morceau » du nouveau centre commercial. Tandis qu’avec Ubaka Nation Group, on aura des fonds éparpillés dans plusieurs projets sans en être propriétaire. D’où la possibilité de céder au gouvernement les biens mobiliers et immobiliers acquis par Ubaka Nation Group tout au long du projet de Buja City Plaza, de la construction jusqu’à la fin du délai d’exploitation.

    Un propriétaire d’un « bâtiment physique » pourrait s’opposer à ce qu’on cède son bien au gouvernement.

    Ils veulent nous prendre pour des dupes!

    Vous avez le droit d’acheter ce que vous voulez et comme vous l’entendez. Soyez seulement conscients du chemin que vous empruntez et dans quoi vous vous engagez.

    N’allez pas vous plaindre si Ubaka Nation Group fait faillite et ou abandonne le projet avant, pendant ou après son achèvement, non sans avoir englouti tous vos fonds dans des dépenses introuvables et irrécupérables.

  2. Kibinakanwa

    Le ministère ayant les travaux publics devrait nous éclairer.
    Est il d’abord normal d’attribuer un marché pareil sans appel d’offre?

  3. Mwami

    Allez soyons indulgents ! Chaque projet de grande importance prend du temps dans son montage et dans la recherche du financement. Nous connaissons le professionnalisme du journal Iwacu qui acceptera volontiers le droit de réponse des promoteurs du projet quand ils liront l’article, ce qui est sûr et les commentaires.

  4. Claypton

    Méfiez vous ça sent l’arnaque !

  5. Didicov

    comment est ce qu’un journaliste se limite à des commentaires au lieu de donner des informations !
    Le projet est en cours. un peu retardé par les procédures administratives. l’État veut a tout prix proteger les investisseurs pour empêcher la fuite de fonds.

    • Jean Pierre Hakizimana

      En avez vous? Si oui, pourriez vous les poster ici? Est ce que le Burundi a des autorités des marchés capitaux réels ? Si oui, pourriez vous nous dire les noms de ces gens? Et qu’ont ils dit du dossier Kira hospital? Est ce que le Burundi n’a pas violé les droits à la propriété privée?

      Le Burundi a un taux d’inflation dans les ordres de 40% et va bientôt dévaluer sa monnaie d’ici peu. Je vois déjà certains soucis ici: Que deviennent les prix d’action dans ce projet? Surtout ceux qui ont payé en BIF car je me dis que ceux ont payé en USD, si ces $ ont été bien protégés, sont tranquilles. Que deviennent les projections budgétaires d’execution de Buja city plaza?

      Le rôle du Gouvernement du Burundi: Le « Business Model » que le jeune entrepreneur vent c’est la construction puis La location du marché pendant combien d’année ? 20 ans? 30 ans 99ans? puit remettre aux gouvernement le Buja city plaza! Pourquoi remettre les biens du Buja city Plaza au Gouvernement? Qu’a fait le gouvernement dans ce projet? Il a un terrain. Pourquoi ne pas évaluer le prix du terrain et payer le terrain en actions? Ou mieux, pourquoi le gouvernement ne vent pas le terrain car je ne pense que être un co-actionnaire avec un gouvernement qui n’a pas une bonne d’histoire de gouvernance soit une bonne idée. Oublions pour un moment que c’est en est l’un des plus corrompus sur cette planète.

      La fiscalité: Le flou total. Bon il va dire qu’on a pas encore de contrat. Mais je ne sait pas comment on peut investir un capital dans projet dont on n’a pas encore de details fiscaux! Ceci est lethal!

      Je ne rentre même pas dans la concentration dans les mains de ce jeune entrepreneur, et l’octroi automatique du marché de construction à Ubaka nation group sans appel d’offre. Souvenez vous que ceci est le devoir du comité directrice du fond d’investissement qui représente les actionnaires(Fiduciary duties, Duty of care, Duty of loyalty, etc….)

      Bref, les soucis relevés ci-haut, sont la cause du manque d’intérêt des potentiels détenteur des capitaux car ils ont mieux d’opportunités ailleurs!

      C’est facile de construire des villes par le Gen AI, dans la réalité c’est une autre histoire. Je comprend que les gens mélangent le « Gospel of prosperity » et le « Patriotisme économique » deux conceptes factionnaires qui souvent finissent par « fools get parted away with their money ».

  6. Mafero

    L’AFP (L’Australian Federal Police) devrait se saisir du cas d’un ancien resident Burundais dans l’une des villes de ce pays. Je ne pense pas que ce fuyard paie des taxes a l’ATO (l’Australian Taxation Office) pour des millions de $ qu’il soutire a des citoyens crédules, sous prétexte de bâtir un marche moderne a Bujumbura. C’est comme si il s’est substitue au gouvernement Burundais, de part le titre du projet (Ubaka Nation).

    • Rooter

      J’espère que ce n’est pas par jalousie que vous écrivez cela!

  7. arsène

    Jolie piqûre de rappel au patron d’Ubaka Nation Group qui avait promis d’informer les actionnaires et les citoyens en général de l’état d’avancement des travaux au moins une fois par mois. Pourriez-vous l’interviewer à ce propos?

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