Contrairement à l’ancienne loi qui conférait, d’office à l’administrateur communal le poste de secrétaire du conseil communal, la nouvelle loi l’écarte. Ce texte est différemment apprécié par certains politiques et les citoyens. Pour Diomède Ninteretse, expert en bonne gouvernance, la loi en elle-même ne suffit pas, il faut aussi des moyens financiers suffisants pour une bonne gestion de la commune.
Selon l’article 37 de la loi organique N°I/18 du 17 juin 2024 portant réorganisation de l’administration communale : « L’administrateur communal élu prend ses fonctions à la date de la signature du décret de nomination par le président de la République et, depuis lors, perd la qualité de membre du conseil communal et est remplacé. Il réintègre le conseil s’il perd la fonction d’administrateur communal et s’il n’est pas frappé par les articles 13, 19 et 34 de la présente loi ».
Du côté des citoyens, les avis divergent. Certains font savoir que la participation de l’administrateur dans le conseil communal était une bonne chose. Une opportunité, selon eux, de donner sa contribution dans les projets auxquels il a participé pendant leur élaboration.
« Ils mettaient en application des projets de la commune élaborés en sa présence. Il avait un rôle crucial dans l’élaboration et l’application des projets de la commune. C’était de la bonne gouvernance », apprécie Prosper Ntigacika, de la colline Muhingira en commune Gatara, de la province de Kayanza.
Même appréciation du côté de Léonidas Mayange, ancien membre du conseil communal de Gatara. « C’est bon d’évaluer quelqu’un en sa présence surtout lorsqu’il a participé dans l’élaboration d’un projet. Mais en l’absence du concerné, il peut y avoir des soupçons, des exagérations, voire des crocs-en-jambe ».
Pour lui, il faut que l’administrateur communal soit associé dans l’élaboration des projets. Cela lui permettrait une bonne application. Il faut qu’il ait la latitude de dire qu’il sera capable de mettre en application tel ou te autre projet ou s’il ne le sera pas. « Au cas contraire, il peut se retrouver coincer ou piéger par le conseil communal », fait-il observer.
Pour d’autres citoyens, les défis ne manquent pas. « Il est difficile de critiquer quelqu’un avec qui on s’assoit. S’il y a une lacune à relever, il est difficile de le révéler en sa présence », épingle Athanase Barakamfitiye, médiateur sur la colline Musave en commune Kayanza.
Pour lui, la nouvelle loi sur l’administration communale va renforcer la gouvernance locale et la liberté d’expression. Cependant, tient-il à nuancer, l’autorité communale aura du pain sur la planche. « L’administrateur communal n’aura pas le cœur tranquille parce qu’il va exécuter des projets élaborés en son absence ».
Une innovation saluée, mais…
« C’est l’administrateur communal qui exécutait les projets et il revenait au conseil communal de l’évaluer. Mais, il était difficile de l’évaluer, de le contrôler parce qu’il était parmi les concepteurs. Bref, il était juge et partie », critique, Patrice Saboguheba, politicien et membre du conseil communal de Mukaza.
L’important ce n’est pas la loi, fait observer Diomède Ninteretse, expert en bonne gouvernance, mais ce sont les moyens mis à la disposition de l’administrateur pour pouvoir exécuter les projets.
Il considère les plans communaux pour le développement communal comme des trompes-œil. Pour lui, il faut une décentralisation, une gouvernance de proximité.
« Que l’administrateur communal soit membre du conseil communal ne dérange pas. L’important c’est lui donner des moyens financiers suffisants pour exécuter les projets. L’important c’est la transparence dans la gestion de la chose publique. C’est aussi et surtout sa redevabilité envers les citoyens », martèle l’expert en bonne gouvernance.
Pour cet expert, il faut des conseillers dotés de compétences intellectuelles et techniques. Il recommande d’élire l’administrateur communal en tenant compte de son leadership.
Et de renchérir : « Le conseil communal est un organe d’orientation stratégique, tandis que l’administrateur communal est un organe d’orientation opérationnelle », tout en ajoutant : « Il était difficile que l’administrateur communal exécute et en même temps se contrôle ».
Pour lui, la problématique est liée au manque de fonds. « L’Etat n’a pas débloqué les fonds nécessaires pour l’exécution des projets dans les communes », insiste-t-il.
De son côté, Jean-Baptiste Hacimana, membre du comité exécutif de l’Association des communes du Burundi (ACOBU), salue l’innovation contenue dans la nouvelle loi communale.
Avec l’ancienne loi, fait-il constater, il y avait une confusion et une certaine incompatibilité. Il explique que le rôle du conseil communal est de donner des orientations, superviser et contrôler. Bref, il n’est pas l’exécutif.
Par ailleurs, ajoute-t-il, l’administrateur communal planifie, administre, dirige et exécute. « C’est une bonne innovation que l’administrateur communal exécute et que le conseil communal supervise », apprécie le président du conseil communal de Mabayi.
Bien plus, poursuit-il, l’administrateur communal va se soucier de bien exécuter les projets parce qu’il y a un organe qui le suit, le supervise et le contrôle.
Quid d’autres organes consultatifs ?
Patrice Saboguheba salue la décentralisation des services. Mise à part les ministères régaliens, fait-il savoir, la commune sera dotée de 11 départements jusque même au niveau des zones. Pour lui, l’autorité communale aura la latitude de connaître la situation qui prévaut dans chaque secteur.
Pour lui, il faut que les conseils communaux soient dotés de gens instruits, faisant preuve de force d’esprit.
Même satisfecit du côté de Diomède Ninteretse. Il précise que l’administrateur communal aura du pouvoir sur tous les départements communaux.
Jean Baptiste Hacimana salue la décentralisation des services. Pour lui, l’autorité communale devrait superviser ces services, donner des orientations et dresser un rapport y relatif.
Et de préciser que la loi est explicite selon l’article 42 qui stipule que : « L’administrateur communal exerce un pouvoir hiérarchique sur l’ensemble des employés œuvrant dans sa circonscription territoriale. A ce titre, il exerce un pouvoir de surveillance, de coordination et d’orientation de tous les services œuvrant dans sa commune ».
Des recommandations

« Il faudra élire des conseillers ayant des compétences intellectuelles et techniques, mettre en avant le leadership. La liste bloquée risque de bloquer le choix des compétences », recommande Patrice Saboguheba.
Pour lui, il faut un administrateur communal compétent, un véritable leader. Il suggère de lui donner les moyens suffisants tout en tenant compte des spécificités de chaque commune.
Pour Diomède Ninteretse, le défi majeur reste la disponibilité des fonds pour exécuter les projets. Et il faut que l’Etat en contrôle l’utilisation.
« Que l’autorité politique ait décidé de diminuer les communes pour plus d’efficacité, il faudra y affecter les moyens financiers, matériels et humains suffisants pour que la commune devienne un véritable pôle de développement ».
Il recommande aux conseillers communaux d’enlever la casquette politique et de jouer véritablement le rôle de gouvernement local en cherchant à trouver une solution aux préoccupations de la population.
Jean Baptiste Hacimana, quant à lui, estime que la loi se suffit en elle-même. Le reste étant d’affecter dans chaque commune des ressources humaines suffisantes et compétentes. « Que les conseillers communaux élisent un administrateur communal qui incarne le leadership », insiste-t-il.
Réactions
Gaspard Kobako : « Il y aura un meilleur contrôle de l’action communale »
« Il s’agit d’un changement assez important. L’administrateur communal pesait de tout son poids sur le conseil communal et pouvait l’influencer négativement ou positivement, mais surtout négativement », indique Gaspard Kobako, président du parti Alliance nationale pour le changement, AND/Intadohoka.
De par le passé, tient-il à rappeler, la voix de l’administrateur communal était prépondérante par rapport aux autres membres du conseil. Pour lui, c’était comme l’œil du cyclone. Des fois, déplorer-t-il, les administrateurs se comportaient comme de véritables roitelets.
Cependant, nuance le président de l’AND/Intadohoka, il se pourrait que le conseil communal et l’administrateur se regardent en chiens de faïences en termes d’intérêt qu’ils pourraient enclencher au sein de leurs intérêts. « Est-ce qu’il ne pourra pas y avoir de lutte d’influence ou de lutte d’intérêt entre le conseil et l’administrateur ? », s’interroge M. Kobako.
Si le conseil communal travaille en toute indépendance et qu’il respecte les règles du jeu du fonctionnement, fait-il observer, il se pourrait qu’il y ait un équilibre, de la transparence au niveau de la gestion et un meilleur contrôle de l’action communale.
Aloys Baricako : « L’administrateur ne constituera pas un obstacle »
« L’administrateur ne constituera pas un obstacle. Il sera un fonctionnaire de la commune qui va exécuter les décisions du conseil communal », Aloys Baricako, président du Rassemblement national pour le changement (RANAC).
Cependant, épingle M. Baricako, le défi est que l’administrateur ne va pas participer dans les réunions du conseil communal. Et ce dernier peut décider à son insu. « Ce sont des mesures qui vont lui tomber dessus sans qu’il ait eu l’opportunité de donner son avis ».
Par ailleurs, rappelle le président du RANAC, la commune est une entité décentralisée, dotée d’une personnalité juridique et qui a une autonomie de gestion. Il fait savoir qu’il y aura des communes plus vastes qui nécessiteront du personnel qualifié, compétent et déterminé à conduire ces communes vers un développement intégral.
Bref, recommande-t-il, il faudra un administrateur compétent qui incarne le leadership.
Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.