Vendredi 29 mars 2024

Politique

Muyinga : Butihinda, la belle triste

BRANDING_COLOREn 2010, des candidats ont sillonné Villes et collines pour se faire élire comme représentants du peuple. Ils ont fait des promesses à la population. Cinq ans après, qu’est-ce qui a changé ? Iwacu entame une série de descentes dans le Burundi profond pour recueillir les sentiments et les attentes de la population en 2015. Cette semaine, Iwacu s’est rendu à Muyinga.

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Muyinga, du côté de Btihinda, on se croirait à Gasekebuye ©Iwacu
Muyinga, du côté de Btihinda, on se croirait à Gasekebuye ©Iwacu

Sur la route de Muyinga, un petit crochet sur Butihinda. On se croirait à Kiriri ou Gasekebuye, ces quartiers huppés de Bujumbura. Pourtant, nous sommes à Muyinga, même pas au chef-lieu de la province, mais plus loin, en commune Butihinda, tout près de la frontière burundo-tanzanienne. De belles bâtisses frappent les regards. Ici, pendant quelques années, l’exploitation de l’or a boosté la petite cité.

Mais les choses ont changé. Butihinda est triste aujourd’hui. La rancœur est là, tenace. A Butihinda, on ne mâche pas ses mots : « Nous sommes tombés en faillite à cause de la nouvelle législation de l’OBR. Nous avons arrêté le business au profit de grands hommes d’affaires. » On sent un ras-le-bol général, la misère, se lit sur les visages. On poursuit notre route.

En moins d’une demi-heure, Muyinga, le chef-lieu de la province Muyinga. Là, des nouvelles constructions attirent les regards des visiteurs, comme Kinyota, ce nouveau quartier. Un passant souffle : « Ce sont les orpailleurs de Butihinda qui ont construit tout cela. Un simple fonctionnaire ne peut pas s’offrir ce luxe. »

Les drapeaux des partis politiques (Cndd-Fdd, Uprona, Frodebu et Frodebu Nyakuri au premier coup) ondulent sur quelques rues de la ville.

Soudeurs, mécaniciens, vendeurs ambulants, commerçants, voyageurs, Muyinga semble vivre normalement.

Repères
• Muyinga ce sont sept communes: Buhinyuza, Butihinda, Gashoho, Gasorwe, Giteranyi, Mwakiro et Muyinga.
• En 2010, la population électorale est estimée à 274915 répartis dans 207 centres et 531 bureaux de vote.
• Aux élections communales, 12 partis politiques sont actifs dans les campagnes électorales : CNDD-FDD, le Sahwanya Frodebu, le FNL, l’UPD, l’Uprona, Sahwanya Frodebu Nyakuri Iragi rya Ndadaye, CNDD, PIT, ADR, MRC, Palipe Agakiza.
• Sur 105 sièges des conseillers communaux, le parti présidentiel occupe 82 sièges, suivi du FNL 15 sièges et de l’Uprona 4 sièges.
• Après le retrait des partis regroupés au sein de la coalition ADC Ikibiri, l’Uprona et le CNDD-FDD poursuivent la compétition.
• Huit députés dont sept du CNDD-FDD (trois femmes et hommes) et un de l’Uprona vont représenter le peuple de Muyinga à Kigobe.

Promesses envers la population

Il y a dix ans que la population de la commune de Mwakiro à Muyinga demandent à ses élus la réhabilitation de cette route ©Iwacu
Il y a dix ans que la population de la commune de Mwakiro à Muyinga demandent à ses élus la réhabilitation de cette route ©Iwacu

Pour Sébastien Misago, député de l’Uprona, le seul, en 2010, il y avait trois priorités : la construction des infrastructures sociales, les emplois pour les chômeurs et une formation de qualité.

Selon lui, il préconisait la construction d’un marché moderne à Rugari, la réhabilitation de la route Kobero-Giteranyi-Ruzo, l’adduction d’eau potable au Centre Rugari ainsi que l’installation de l’électricité au centre Rugari.

Du côté du parti CNDD-FDD, la sécurité pour la population de Muyinga était sa priorité, suivie de la promotion de l’habitat, la réhabilitation des infrastructures, etc.

>>> Réalisations

Le parti Uprona indique que sa voix n’a pas porté loin

Cébastien Misago, député Uprona Muyinga ©Iwacu
Cébastien Misago, député Uprona Muyinga ©Iwacu

Pour la construction d’un marché moderne à Rugari et la réhabilitation de la route Kobero-Giteranyi-Ruzo, le député de l’Uprona indique qu’il a proposé le projet à la population : « 120 commerçants ont accepté de contribuer. »
Il a approché le PTPGU (Projet des Travaux Publiques et de Gestion Urbain). Ce dernier a accepté de débloquer un milliard de nos francs. « Mais tout a foiré », dit-il.

Le député Misago indique qu’il a négocié avec le directeur des routes, mais celui-ci a évoqué un problème de moyens : « Pas de budget et le projet a été ajourné pour 2015. »

L’adduction d’eau potable au Centre Rugari, en commune Muyinga, et ses environs était aussi envisageable. Selon toujours M. Misago, l’administration s’y est opposée arguant que « la réalisation allait à l’actif de son parti, l’Uprona. »

« Notre élu n’a pas communiqué »

Kobero,  ces citoyens indiquent qu'ils étaient de grands exportateurs. Aujourd'hui, ils sont contraints à l'exportation des avocats ©Iwacu
Kobero, ces citoyens indiquent qu’ils étaient de grands exportateurs. Aujourd’hui, ils sont contraints à l’exportation des avocats ©Iwacu

Les natifs de Rugari reconnaissent que l’honorable Misago est un élu proche de ses électeurs, sensibles à leurs besoins. Toutefois, ils ne comprennent pas pourquoi cet élu du peuple ne se démarque pas par ses œuvres.

Célestin Kijwi, originaire de Kinazi à Rugari, accuse ce représentant du peuple de n’avoir pas bien communiqué : « La population est souveraine, on lui aurait manifesté notre soutien. »

Même son de cloche chez Guido Kaboneye, qui estime qu’il faut à un certain moment mettre les autorités devant leur responsabilité.

L e « mensonge » des élus

« En 2010, les candidats députés du CNDD-FDD m’ont trouvé chez moi. Ils m’ont promis de réhabiliter ma maison et me donner le capital pour commencer le business », témoigne Halidi Irutingabo, 32 ans. Selon lui, il ne les a plus revus. Quand il les appelle, affirme-t-il, ils ne répondent pas au téléphone. D’après le jeune Irutingabo, ce comportement n’est pas digne d’un représentant du peuple. Même son de cloche chez d’autres jeunes démobilisés : « Nous sommes déçus de nos représentants. »

Toutefois, de l’avis de la conseillère sociale du gouverneur, originaire de Butihinda, le président du conseil communal est un député qui est à l’écoute de tout le monde.

Joseph Karenzo, habitant de Kinazi II, fustige le projet de la promotion de l’habitat : « Les députés du parti au pouvoir s’étaient engagés à nous construire des logements décents et des tôles en vain. »
Pourtant, assure-t-il, tout Muyinga était confiant en ses représentants : « Qu’est-ce qui leur a manqué pour défendre un si petit projet comme celui des tôles ? »

Bernard Bahaminyakamwe fait savoir qu’il attend des tôles depuis 1997, année de son retour de l’exil. Finalement, se dit-il, tous les politiques sont les mêmes : « Chaque fois qu’ils ouvrent leur bouche, c’est pour mentir. Mais jusque quand ? » Et de conseiller aux futurs candidats députés d’être francs avec la population.

Y. P. est un agent des forces de sécurité en vacances à Kinazi : « Nos enfants doivent faire 4 km pour aller à l’école. C’est un calvaire quotidien. » D’après lui, les élus devraient faires les leurs toutes ces questions.

Lors d’une réunion entre la direction de l’école primaire Kinazi II et les parents, raconte-t-il, il a été décidé de cotiser 500 francs pour le paiement du salaire des enseignants alors que c’est le rôle de l’Etat : « Cela est passé parce que nos représentants ne sont pas là pour défendre les intérêts de la population. »

Abdallah Nshimirimana, natif de Kavumu dans Butihinda, estime que la non réhabilitation de la route Kavumu est un échec pour les élus du peuple : « Un civière, un véhicule ou un vélo ne peuvent pas passer. » Il s’inquiète : « Au cas où un citoyen tomberait gravement malade, comment arriverait-on à le conduire à l’hôpital de Rabiro ou de Mugaruro ? » La question, lâche-t-il, elle a toujours été exposée aux élus provinciaux sans suite.

Certains projets réalisés non pas par les élus

Au centre commercial Muyange-Gashoho. Pascal Ndikumana, natif, reconnaît que des écoles ont été construites notamment à Muvumu et Muyange. Toutefois, il ne veut pas que des députés s’approprient ces réalisations : « C’est l’œuvre de la population. Nous avons cotisé entre 500 et 1000 Francs par ménage. » L’extension de l’hôpital de Gashoho, souligne-t-il, a été l’initiative de l’ONG Pathfinder et non des députés.

Gérard Simbarakiye, 45 ans, père de neuf enfants salue la mesure présidentielle de la gratuité des soins de santé pour les enfants et les mères qui accouchent. Du même coup, il déplore que ses initiatives s’arrêtent là : « La route que vous voyez là, elle l’a été goudronnée du temps du président Bagaza. »
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Que des attentes pour 2015

Les habitants de Kinazi, en commune Muyinga, attendent beaucoup des futurs candidats députés : la réhabilitation des bornes fontaines, l’implication des élus du peuple dans les projets de développement, l’amélioration de la qualité de l’enseignement ainsi que la promotion de la politique de l’emploi pour la plupart des personnes qualifiées ou pas qui se trouvent dans la rue.

Dans la commune Gasorwe, la priorité est accordée à la réhabilitation du pont Gasorwe-Gashoho, aujourd’hui impraticable.

A Mwakiro, commune réputée également riche, la population compte beaucoup sur la prochaine législature en ce qui est de la construction du centre de santé sur la colline Mukunguza. Selon la population locale, un hôpital a été érigé à Mukungu et la chaîne de montagne rocheuse qui sépare les deux localités ne facilite pas le déplacement des malades.
A côté, dans la commune de Buhinyuza, la population nous a confié dès le départ que tout le monde est du CNDD-FDD : « Nous avons élu à presque 100%. » Elle avoue que tout va bien sauf la route qui mène au chef-lieu de la commune qui n’a pas été réaménagée. Les habitants souhaitent en plus la construction d’autres écoles surtout secondaires. Ils se disent satisfaits du travail accompli par la députée Anna Maria, leur ancien administrateur communal siégeant aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Abi

    ‘Lors d’une réunion entre la direction de l’école primaire Kinazi II et les parents, raconte-t-il, il a été décidé de cotiser 500 francs pour le paiement du salaire des enseignants alors que c’est le rôle de l’Etat’

    Mes felicitations a vous pour cette prise en charge. En attendant l’appui des elus, ca risque de prendre trop de temps…

  2. roza kamikazi

    muzobatora nyene none ko babahenda mukemera nico gituma bavuga bati igiti ntikigukora mujisho kabiri.

    • Kaneza Jema

       » Elle avoue que tout va bien sauf la route qui mène au chef-lieu de la commune qui n’a pas été réaménagée. Les habitants souhaitent en plus la construction d’autres écoles surtout secondaires. Ils se disent satisfaits du travail accompli par la députée Anna Maria, leur ancien administrateur communal siégeant aujourd’hui à l’Assemblée nationale. »
      Cette député a travaillé très bien dans la commune de Buhinyuza. On est très satisfait. Mais nous manquons les écoles secondaires, et les routes, et l’électricité. Mais il faut apprendre à nos députés de lire nos commentaire pour amélioré de plus. Il nous faut aussi la construction d’un grand marché pour trouver où on peut vendre nos produits alimentaire parce que c’est une commune qui peuvent nourrir pas mal de la population burundaise. Et c’est une commune aussi qui a besoin des agronomes, des vétérinaires qui peuvent aider dans l’amélioration de production agricole et élevages ; mais il ne faut pas donner les anglais chimiques je déteste les anglais chimiques parce que ces derniers habiment le sol. Au contraire il faut apprendre au agriculteur de pratiquer la mise en jachère de leur propriété et l’élevage qui va servir pour le fumier.

      • Kinyamazuru

        @ Kaneza Jema
        Uti « Je déteste les anglais chimiques » ? Attention à ce que vous écrivez! Vous voulez dire les « engrais chimiques » peut-être ? Passons! Je crois que vous faites partie de la minorité qui a assez de terres pour pratiquer la mise en jachère! Si vous parliez de la rotation de cultures, je comprendrais. Alors, cet endroit où tout va bien, qu’on m’en donne quelques indicateurs: l’espérance de vie (homme vs femme), mortalité infantile, PIB/habitant, taux d’alphabétisation, taux de chômage pour ne citer ceux-là.

        • kinyabinwa

          « Kinyabizuru » urazi kwigisha ngirango uri umugoronome

        • Nabinonko

           » kinyamuzuru » merci de me corriger. Au fait je ne suis pas née en france. Je ne suis pas français. Ici on a prend bien le français . Au fait je peut te dire oui oui parce que dans notre commune on apprend à la population ceci : la pratique de la limitation de naissance. Comme ça toute les famille de la commune buhinyuza trouve où il peuvent cultiver et mettre en jachère leurs champs. notre commune n’ a pas besoin des engrais chimiques. il faut pas faire du gaspillage en achetant du n’importe quoi. Avec cet argent l’agriculteur de buhinyuza peut acheter une vache qui va lui donner du fumier. Mais murantunga je ne dit pas pour tout le monde.
          Alors c’est mieu de donner dans les commune ou dans les province où il y a une aglomélation des personnes. chez nous chacun est satisfait de ses propriétés. Le planning familial est nécessaire si non c’est la catastrophe.

           » Je crois que vous faites partie de la minorité qui a assez de terres pour pratiquer la mise en jachère! Si vous parliez de la rotation de cultures, je comprendrais. Alors, cet endroit où tout va bien, qu’on m’en donne quelques indicateurs » ici justement les gents qui viennent d’ailleurs commencent à nous étouffer on sera comme vous dans le future. c à d on aura besoin des engrais chimique. Mais il faut que les administrations communales soient prudentes pour que les gents de l’éxterieures ne prennent pas tous si non on sera comme les autres. il faut la loi qui dit que : sauf les bagwizatunga. à ce propos il ne faut pas qu’il y ait beaucoup des gens dans la commune buhinyuza parce que c’est à côté de la parc national si non les animaux vont fuir. D e toute façon on espère agrandir le parc même pour tout ceux qui sont venu y habitaient plus tard n »auront pas ce qu’on appelle umuzibukiro. Nakazi kabo baje babona. Aho muri iyo commune si ugupfa kuhagenda ni ukubanza kubaza.

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