Vendredi 29 mars 2024

Editorial

L’opposition s’est éloignée de sa mission

19/05/2023 8

« Le parti CNL trouve indécent que quelques anciens membres du bureau politique cherchent à mettre les bâtons dans les roues du nouveau bureau politique approuvé, pour le seul motif qu’ils ne se retrouvent pas là-dedans… Le parti leur demande de se raviser, de cesser cette campagne d’intoxication et de se joindre aux autres pour se préparer aux échéances politiques en vue ». Iwacu n’a jamais reçu autant de correspondances de ce parti. Deux camps semblent engagés dans un duel sans gants. Plusieurs observateurs estiment que ce déchirement n’est basé que sur des intérêts égoïstes et un positionnement, deux ans avant les élections parlementaires.

Une situation qui suscite aussi un débat sur le rôle des partis d’opposition au Burundi. Sont-ils condamnés à ne servir que de « faire-valoir » ou à devenir de simples véhicules pour accéder à des postes ministériels ou administratifs ? Au-delà des raisons électoralistes, les opposants s’intéressent-ils réellement aux enjeux du moment ou au vécu quotidien du citoyen ?

Sur une courte période, le pays vient de vivre des situations difficiles. On peut citer notamment la Covid-19, la pénurie récurrente surtout du carburant, le manque des devises, la dépréciation du franc burundais pour ne pas dire la dévaluation, la flambée des prix des produits de première nécessité qui conduit à la cherté de la vie, la dette publique, les inondations.

En moins de deux ans, le gouvernement a organisé deux fora nationaux sur le développement pour remédier à certains de ces défis qui hantent la population et se projeter dans l’avenir. En l’occurrence, la deuxième édition qui s’est tenue du 20 au 21 avril sous le thème : « Vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ».

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Certes, les résultats sont mitigés. Mais, ils ont eu le mérite de mettre ensemble les intellectuels burundais, en vue de proposer des voies et moyens de sortir le pays d’une économie exsangue. Au même moment, les Burundais attendaient impatiemment les propositions des formations politiques, surtout de l’opposition.

Rares sont les voix de l’opposition à se prononcer sur ces cas et proposer des projets de société, animer le débat. Pour un professeur d’université, lecteur d’Iwacu, il est par exemple incompréhensible, voire suicidaire, qu’un vote du budget général de l’Etat ne suscite aucun débat dans la classe politique burundaise.

Dénoncer ou critiquer ce que le gouvernement fait mal, ou ne fait pas, s’attaquer au bilan du pouvoir – en particulier dans des domaines sur lesquels les attentes de la population sont immenses, s’en prendre à l’impunité des dirigeants accusés de corruption ou de malversations, proposer des solutions, visiter et encadrer les citoyens, devraient être la préoccupation quotidienne de l’opposition.

L’idée selon laquelle le peuple se comporte comme un grand enfant au Burundi devrait disparaître du jargon des politiciens. Les leaders politiques doivent se sentir responsables et redevables envers la population. Ce n’est pas à la veille des rendez-vous électoraux qu’ils sont appelés à sortir de leur silence pour se positionner.

Il ne doit pas y avoir de rupture entre eux et la population, quelle qu’en soit la raison. Leurs politiques doivent plutôt être alignées sur les besoins quotidiens des citoyens burundais et la responsabilité individuelle et collective de chacun à s’engager auprès d’eux. C’est, à mon humble avis, le choix qui devrait guider nos politiques, surtout l’opposition, plutôt que de montrer ses muscles qui n’impressionnent pas….

Forum des lecteurs d'Iwacu

8 réactions
  1. Jean Pierre Hakizimana

    @Rududura Claver & @ Kanda
    Pour appuyiez vos points de vue, je serais pas surpris d’apprendre que, dans les pays pauvres en général et au Burundi en Particulier, la politique est l’une des industries qui emploient plus de parasites que l’on a tendance à prendre pour des employées. Je serais ravis de voir les chiffres statistiques pour ceux qui sont directement et indirectement(les membres de familles & amis) au second degré. Ex. Mr le prédisent et sa fille.

    Merci à Iwacu pour cette video dans lequel un papa explique , là ou je suis est qualifié comme réseau de criminalité contre l’humanité , observe combien de grosses têtes présentes! Ce pauvre papa rend mon coeur lourd, ne pas pouvoir protéger ses enfants, je ne sais pas s’il y a pire pour n’importe quel parent!

    @Gaceci, « Kabuki court in session: Judge sets fake hearing » La video ci haut en est un exemple. J’ai remarqué que ce format est couramment utilisé au Burundi On fait sembler de faire quelque chose mais, « business as usual » continue. J’ai, par exemple, remarqué que parmi la liste d’accusations dans dossier de Mr Alain G Bunyoni, une est identique à ce que l’on accuse la pauvre journaliste qui est en prison(10 ans)! Je ne suis pas juriste mais je j’ai du mal à croire que Mme Florianne devrait se trouver dans la meme situation que Mr Bunyoni.

    Qu’a fait Aganton pour le Burundais moyen depuis qu’il est sorti du maquis? Rien. Je dirai qu’il est comme ses amis de l’autre cote( le parti naturel au pouvoir), il est la pour légitimer le pouvoir car leurs employeurs (les bailleurs de fonds) exige une opposition quand ils vont mendier des miettes de $. Il le sait tres bien.

    Ce weekend Mr Kaburahe a ecrit un papier qui me rappelle ce qu’avais lu il y a quelques jours dans
    le monde: « Tandis que les pays riches siphonnent les médecins africains, ils envoient en Afrique leurs praticiens via l’ONU et les ONG »

    Donc le Burundi n’a plus d’education, plus de médecins, deux secteurs importants pour qu’une population soit résiliente!

    La solution est simple: Le plus petit le gouvernement deviendra, le mieux pour le peuple. Starve the beast! Ils sont tous des $arasites!

  2. Rududura Claver

    Les motivations qui guident les gens à faire de la politique dans les pays développés et les moins développés différent. Pour le premier cas, on fait la politique pour changer les choses, améliorer les conditions de vie des citoyens, mais aussi les honneurs. Raison pour laquelle, ceux qui entrent en politique ont une base financière solide, une expérience reconnue. Tandis que dans nos pays, le Burundi en particulier, on entre en politique pour avoir une voiture, une parcelle, une maison. Ses préoccupations sont orientées dans des biens matériels et non l’intérêt de la population. C’est la pulsion matérielle qui motive, malheureusement.

    • Stan Siyomana

      @Rududura Claver
      Je suis tout a fait d’accord avec vous et ce sont les memes politiciens qui reviennent pour precher le patriotisme a la diaspora burundaise.
      La meme propulsion materielle se manifeste dans les organisations non-gouvernementales (ONG) et les nouvelles eglises.
      Mu myaka ya 1980 hari umunyeshuri yaturuka Uganda yanteye blague ati: « Aba banyamerika banyihereye amadolari nanje noja gutanguza isengero hariya iwacu. Kandi ntiyaja no mumisa yo kuwa Mungu. Ubu arakomeye Makerere University.

  3. Kanda

    La pauvreté matérielle empire la pauvreté d’esprit. Beaucoup de politiciens n’y vont pas pour changer les choses, mais juste pour satisfaire leurs besoins de survie. Ceux qui sont allés en politique notamment via le maquis et les armes avec une vision de changement n’avaient en tête que la survie physique, s battre pour se protéger. Ils n’avaient pas et n’ont pas encore les compétences de gestion du Pays. C’est la raison pour laquelle, beaucoup, si pas tous, se sont lancés dans les affaires avec pour commissionnaires les anciens des régimes anciens. Et ces derniers n’ont en tête que l’enrichissement illicite parce que le gâteau qu’offre le pouvoir n’était plus le leur, et, politiquement et légalement, ils ne sont pas responsables de l’échec des nouveaux.

    Malheureusement, quand bien même le sursaut de conscience revient chez certains et que le pouvoir appelle les ‘sachants’ comme disait un commentaire sur les FNDB, les recommendations sont dites mais leur mise en pratique se heurte sur les pratiques négatifs dont se sont rendus coupables la plupart des membres de la classe politique, notamment l’acaparement des richesses du Pays, l’enrichissement illicite soit pour eux-mêmes, et/ou soit pour financer leurs partis dans une certaine mesures. Et ceux qui financent les partis politiques les considèrent comme des entreprises qui doivent leur rendre au centuple, des vaches laitières qu’on entretient juste parce qu’on s’attend qu’elles donnent du lait en abondance et régulièrement. Ces pratiques repréhensibles se trouvent quasiment partout et à tous les échelons, pour preuve, même le plus haut sommet de l’Etat ne veut déclarer ses avoirs. De quoi ont-tils peur s’ils ont vraiment gagné honnêtement leurs biens? Peut-être qu’ils le feront un jour comme ils se sont donnés le temps de dissimuler certains sous des faux noms, comme ces salaires qui continuaient à sortir sous les noms même des morts.

    Nous avons une classe politique qui n’en est pas une, juste des équipes qui se battent pour leur survie et enrichissement illicite individuels et de leurs familles, dans le parti au pouvoir comme dans l’opposition, ils sont tous pareils, leurs yeux sont braqués sur les postes et ceux que ces postes leur donnent comme avantages légitimes et illégitimes. Ce qu’ils peuvent faire de ces postes pour la Nation et le Peuple est le cadet de leurs soucis. Nombreux sont juste des Voleurs de la Res Publica.

    A propos du Peuple et du Budget National, le Peuple n’est pas encore exigeant, il le sera plus tard. Mais pour le moment, la masse dit: au moins il nous ont déchargé des régimes sanguinaires. La vérité est que depuis 2005, il n’y a plus des tueries de masse comme avant où des Burundais mourraient en dizaines de milliers. Les faits sont tétus.

    La Paix d’abord, le pain viendra…mais quand?

  4. Tharcisse

    Normalement, au moins une fois par mois, le CNL devrait animer une conférence de presse pour se prononcer et proposer sa vision sur l’actualité du moment. Je trouve que Agathon rwasa n’est pas à la hauteur. Son parti a du mal à faire émerger des nouvelles têtes. Il n’ ya que Rwasa qui est visible.
    La colère populaire est là, mais on manque une opposition pour canaliser cette colère .

  5. hakizimana

     »Monsieur Leandre, merci d’abord pour cet le fond, la forme et le style de rédaction de ton éditorial. votre article évoque les lacunes d’une opposition politique qui ne joue pas son rôle dans un Burundi sous plusieurs problèmes.

     » il est incompréhensible, voir suicidaires que le vote du budget général ne suscite aucun débat dans la classe politique » voici mon commentaire.
    je suis d’accord avec cette analyse mais j’ai une nuance de taille. Bien que la constitution du Burundi reconnaisse le droit d’initiative aux parlementaires aucune proposition de lois d’émanation parlementaire ne se retrouve pas dans les annales du parlement burundais. le seul arme qu’il utilisent c’est le droit d’amendement. Ailleur, les parlementaires initient des propositions de lois pour corriger ou contrecarrer les lacunes de l’exécutifs. Pourquoi cela n’est pas fais chez nous? C’est parce que la préparation d’un projet de loi demandes des compétences techniques que la plupart de nos chers parlementaires ne maîtrisent pas. Dans le même ordre d’idée, il ne faut pas s » attendre a ce que les discussions sur le votes du budget général soient chaudes car le budget général de l »Etat comporte des spécificités qui peuvent passer inaperçus ou ne pas attirer l’attention de nos chers parlementaires. Par ailleurs, ce n’est pas seulement l’opposition qui devrait s’activer pour cela mais tous les parlementaires car ils sont sensés représenter les intérêts du peuple. Pour changer la donne, il faut changer la manière dont les parlementaires sont élus. Le parlementaire doit avoir de très hautes connaissances et compétences kandi imigambwe yose irabafise nibapange. et puis, ils faut des parlementaires libres de l’exécutif et quand je dit un parlement libre de l’exécutif, cela n’exclut pas la collaboration pour une bonne gouvernance.

    • Jereve

      Pour un parlementaire, une personnalité politique, un membre d’un parti qu’il soit au pouvoir ou à l’opposition, ou un simple citoyen, l’on peut admettre qu’il ne comprend pas ou ne maîtrise pas grand chose la première fois où il voit un budget. Mais après avoir manipulé ces documents des années successives, et après avoir fait des comparaisons et des évaluations, on finit par en comprendre les rudiments: oui, on apprend beaucoup de choses avec le temps et l’expérience. Je pense qu’il faut chercher ailleurs les raisons de cette carence de débats sur une question si primordiale.

    • Gacece

      @hakizimana
      C’est de la discrimination que vous proposez. Rien n’empêche que les députés se fassent conseiller et assister par des juristes qui comprennent les lois. Je vous soutiendrais si vous demandez qu’on alloue un budget de fonctionnement incluant des frais de consultation juridique à tous les députés, à condition que lesdites consultations aboutissent à une proposition d’une nouvelle loi ou d’un amendement d’une loi existante.
      Pour se faire élire député, on a juste à remplir les conditions de base : citoyen Burundais, âgé de 18 ans et plus, résidant au Burundi, etc. Et je ne pense pas que le diplôme, le domaine et le niveau d’études fassent partie. Sinon il faudre exclure toute personne qui n’a pas un niveau jugé suffisant de formation en « droit ».

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