Jeudi 10 juillet 2025

Santé

Les pharmacies dans le viseur du ministère de tutelle

08/07/2025 1
Les pharmacies dans le viseur du ministère de tutelle
Pour certains pharmaciens, toutes les pharmacies sont en règle

Le ministère de la Santé publique et de la lutte contre le sida menace de fermer certaines pharmacies et plusieurs autres sont sous analyse et risqueraient le même sort. Les pharmaciens ne comprennent pas cette mesure et veulent des éclaircissements.

Dans la capitale économique Bujumbura, les pharmacies s’ouvrent telles des boutiques. A chaque coin de rue, il y’a une pharmacie. Aussi nombreuses soient elles, chaque pharmacie a son propre nom. Tantôt « Pharmacie du coin », « Pharmacie irakoze » ou encore « Pharmacie la permanence ». Chaque propriétaire trouve un nom qui lui convient.

Dans la séance plénière du 26 juin 2025, Lydwine Baradahana, ministre ayant la santé dans ses attributions a fait savoir que 2 700 pharmacies vont être fermées et 4 300 autres sont sous analyse en avançant que le pays n’a besoin que de seulement 1 400 pharmacies : « Les petites pharmacies implantées dans les quartiers gênent le système pharmaceutique. »

Une pharmacienne au nord de la capitale économique ne cache pas son indignation. « Ils veulent nous envoyer dans la rue, je ne trouve pas d’autres explications. Nous n’avons pas pu avoir du travail dans les hôpitaux, et voilà qu’ils veulent nous sortir d’ici. »

Dans sa pharmacie, une note attestant son autorisation de travailler, signée par l’ancien ministre Thadée Ndikumana, est accrochée sur une étagère. La note date de 2011.

En brandissant les factures qui attestent la provenance des médicaments qu’elle amène dans sa pharmacie, elle explique qu’aucune pharmacie n’ouvre sans autorisation parce que les contrôles se font régulièrement.

En plus des contrôles réguliers faits par la police qui surveille les médicaments, surtout leurs états ou leurs dates d’utilisation, la mairie aussi ne manque jamais au rendez-vous. « Nous payons 60 000 BIF par an et la mairie ne s’improvise pas quand elle vient parce qu’elle nous reconnait, Les retardataires dans le paiement paient 100 000 BIF », explique-t-elle.

La fraude est faite par des pharmacies en ordre

Dans les quartiers périphériques de la capitale économique, plusieurs pharmaciens témoignent de l’existence des médicaments qui ne proviennent pas des maisons d’approvisionnement reconnues. Ils disent que la plupart de ces médicaments sont principalement des médicaments souvent introuvables sur le territoire national.

« Moi, je connais par exemple un médicament qui ne se trouve dans aucune pharmacie locale, mais qui peut être disponible par arrangement », témoigne un pharmacien. Il fait aussi savoir qu’il y’a des pharmaciens qui savent comment trouver des médicaments non disponibles localement. « Ces pharmaciens sont contactés par téléphone. Il suffit d’appeler le propriétaire et de lui dire le médicament. Des fois, il l’a ou il va le chercher. Reste à savoir comment il trouve des médicaments qui n’existent pas dans les pharmacies de gros. »

Pour ce pharmacien, il n’y a pas grand-chose dans la vente des médicaments. Il explique qu’il peut terminer la journée avec seulement la vente d’une seule boîte de paracétamol qui ne coûte que 500 BIF. « Avec un revenu pareil, il y a lieu de tremper dans la fraude, surtout avec ces médicaments qui ne sont pas disponibles ou ceux qui exigent une ordonnance. »

Il fait savoir que les médicaments qui sont consommés sous forme de drogue par des jeunes font partie des opportunités qui génèrent des revenus pour certaines pharmacies. « Ces médicaments par exemple ne sont pas délivrés à un client que sous présentation d’une ordonnance médicale. Mais, les jeunes connaissent les pharmacies qui n’exigent pas de document. »

L’ordre des pharmaciens mis à l’écart

Serge Harindogo qui représente l’Ordre des pharmaciens du Burundi affirme que tout ce qui se fait concernant les autorisations de fonctionnement des pharmacies se fait au dos de son organe contrairement à ce qui se fait dans la sous-région. « En Tanzanie par exemple, l’ordre des pharmaciens joue un rôle très important dans l’ouverture et la régulation des pharmacies », fait-il savoir.

Il souligne qu’au Burundi, les autorisations d’ouverture des pharmacies sont régulées par le ministère ayant la santé publique dans ses attributions et que l’ordre des pharmaciens n’est jamais consulté.

Par contre, il trouve judicieux la fermeture des pharmacies qui ne remplissent pas les normes. « Si une pharmacie devient une boutique comme les autres, il est évident que les normes de qualité des médicaments ne peuvent pas être respectées. Imaginez un médicament qui devrait être conservé à 25⁰ C et qui se retrouve sous 40⁰ dans un conteneur ou dans un local sans fenêtre d’aération ? »

Il souligne qu’il y’a eu une période où les pharmacies ouvraient en grand nombre. « Pour des raisons que j’ignore, il y a eu beaucoup d’ouverture de ces boutiques à médicaments sans textes réglementaires. Peut-être que la demande était forte. Le risque que la loi n’a pas été respectée est aussi grand. »

Les entrées illicites gangrènent le secteur

Selon Serge Harindogo, seules la Camebu et les pharmacies de gros reconnues importent les médicaments pour ravitailler les pharmacies, tandis que l’Abrema est chargé du contrôle de la qualité. Mais, malgré tous ces organes, les entrées illicites ne manquent pas. Elles représentent une entrave à la santé.

Serge Harindogo estime que nul ne peut exercer la profession de pharmacien s’il n’est pas en règle

Un ressortissant de la province de Cibitoke témoigne que des trafiquants de sa province font des navettes entre la RDC et le Burundi. S’ils ne ramènent pas des pagnes, ils ramènent des médicaments. « Chaque trafiquant a toute une liste de médicaments qui sont recherchés sur le marché local », précise-t-il.

Pour lui, ce n’est pas un secret de Polichinelle. La plupart des pharmacies des communes Rugombo et Buganda vendent des médicaments en provenance de la République démocratique du Congo. « Même si la crise à l’Est de ce pays semble changer la situation, il y a des commerçants, propriétaires ou pas des pharmacies dans ces localités, qui se rendent régulièrement en RDC. Ce sont notamment les commerçants des vaches, des chèvres, des poules ou coqs et des poissons appelés Ndagala ».

Une fois arrivés en RDC et après avoir vendu leurs produits, ils rentrent au pays avec soit des médicaments, soit d’autres produits électroménagers ou encore des pagnes.

Pour ceux qui rentrent avec des médicaments, poursuit-il, les pharmacies de ces localités constituent un marché d’écoulement par excellence. « Pour ceux qui ont des pharmacies parmi ces commerçants, c’est une occasion de bien vendre ces médicaments achetés en RDC. Il y a d’autres, enfin, qui sont bien connus dans les localités où les pharmaciens s’approvisionnent », conclut-il.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Theo Musabanzira

    Le gouvernement s’en prend aux pharmacies aujourd’hui ? Savez vous qui est le prochain? Ce sera le tour des stations d’essence . Mais je sais que cela ne se passera pas car les grands distributeurs de carburants sont des amis du système . Uwapfuye ntaco yabonye pe.

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