Vendredi 26 avril 2024

Société

Les inondations de Gatumba : Ce calvaire qui n’en finit pas

19/04/2023 Commentaires fermés sur Les inondations de Gatumba : Ce calvaire qui n’en finit pas
Les inondations de Gatumba : Ce calvaire qui n’en finit pas
Des maisonnettes submergées d’eau dans le quartier de Mushasha I

Les sinistrés des récentes crues de la Rusizi se disent consternés. Ils sont remontés contre les promesses du gouvernement qui ne sont pas encore concrétisées, dont la construction d’une digue de protection des berges de la Rusizi et/ou la délocalisation. La direction de la protection civile tranquillise.

C’est en 2016 que les inondations ont commencé à s’amplifier dans la zone de Gatumba. Depuis lors, les inondations sont récurrentes. Dès lundi 3 avril, et pour la 3e fois consécutive en 4 ans, de nouvelles crues ont submergé les localités de Mushasha, Kinyinya de la zone Gatumba, commune Mutimbuzi, en province de Bujumbura.

Les habitants qui, à peine venaient de se réinstaller après plus d’une année dans des sites de déplacés, se retrouvent de nouveau sans abris, dépouillés de leurs biens.

Le bilan des dégâts et le décompte exact des sinistrés ne sont pas encore connus. Mais le spectacle reste désolant. Des familles ont été déplacées. Elles sont rassemblées dans des sites de transit à la périphérie de la zone inondée.

Les sinistrés s’interrogent à quand les actions concrètes pour protéger les zones inondées. Selon eux, d’autres crues pointent à l’horizon.

Ils sont dans le désarroi. « Nous sommes des oubliés, des laissés-pour-compte. L’an 2021, nous avons tout laissé derrière nous suite à la montée des eaux du lac Tanganyika et des crues la Rusizi. Et voilà, la rivière Rusizi est encore sortie de son lit. Les inondations ont emporté tous nos biens. Les maisons se sont effondrées. Nous sommes démunis », se désolent les habitants des quartiers Mushasha I et II qui avaient reconstruits des maisonnettes.

Ils sont remontés contre les autorités. Dans la foulée des inondations de 2021, précisent-ils, des solutions avaient été proposées, notamment la construction d’une digue ou la délocalisation. Et de les interpeller : « Nous sommes fatigués de fuir. Nos enfants sont constamment déscolarisés. Le calvaire n’en finit pas. Qu’une solution durable soit trouvée. »

Des promesses non encore honorées

Damascène est un habitant du quartier Mushasha II. Il a déjà fui trois fois : « C’est la 3e fois que ma maison est démolie par les inondations. Aujourd’hui, je ne suis pas en mesure de me reconstruire une autre. »

Certains sinistrés rencontrés plaident pour une délocalisation ou, à tout le moins, la réinstallation dans une autre zone plus ou moins viable. D’autres ne l’entendent pas de cette oreille.

« Plusieurs autorités du pays sont toujours venues nous voir dans les différents sites d’hébergement. Elles ont promis de canaliser la Rusizi et de construire une digue de protection de ses berges. Où en est-on avec les travaux ? Que nos autorités honorent les promesses exprimées ». Nous sommes des natifs d’ici. Que nous soyons protégés », se lamentent les sinistrés trouvés au bord de la RN3 (Route nationale Bujumbura-Gatumba).

Ils déplorent que les activités de protection aient tardé à démarrer : « On nous a pourtant dit que les moyens ont été collectés. Si on avait déjà érigé ces digues ou fait le curage de la Rusizi, les dégâts auraient été très minimes voire insignifiants. C’est déplorable que nous nous trouvions encore une fois dans une telle situation de détresse. »

A titre de rappel, une somme de 350 mille dollars avait déjà été collectée pour la construction d’une digue, mais jusqu‘à présent, rien n‘a encore était fait.

Ces habitants demandent que la délocalisation soit effectuée dans les meilleurs délais, sinon, préviennent-ils, le spectre des inondations plane toujours.

Lors de sa visite du 4 juin 2021 au site Sobel, le président Ndayishimiye avait annoncé un plan de déménagement des sinistrés de Gatumba.

Le chef de l’Etat avait indiqué que le ministère de l’Intérieur était en train d’envisager le déménagement des sinistrés. Et de renchérir. « Chaque citoyen a le droit d’avoir un logement. »

Les avis ne sont pas partagés. Certains disent qu’ils sont des natifs. Et par conséquent, réclament-ils, une réinstallation et une protection dans les zones d’origine.
« Une délocalisation nous forcerait à abandonner nos propriétés foncières », s’est indigné L.M., la quarantaine, un habitant du quartier Kinyinya I.

A quand les actions concrètes pour protéger Gatumba ?

Lundi 17 mai 2021, accompagné par trois autres membres du gouvernement, le ministre de l’Intérieur d’alors, Gervais Ndirakobuca, avait visité la commune Mutimbuzi victime des débordements de la rivière Rusizi. L’objectif principal était de constater l’ampleur de la situation et ainsi arrêter les mesures les plus urgentes pour minimiser l’impact négatif causé par cette catastrophe.

Et de faire le constat selon lequel ces zones inondées étaient jadis inhabitées. Selon lui, ces zones ont été occupées de façon anarchique par des personnes ayant fui la crise surtout en 1995.

Il avait demandé à l’administration de dresser des listes de tous les locataires d’un côté et des propriétaires des maisons en zone inondée de l’autre.

Il avait aussi appelé les locataires à chercher d’autres maisons de location dans les zones sécurisées et les propriétaires à accepter en âme et conscience la solution du gouvernement, même si ce serait de les délocaliser pour l’intérêt général.

« Soyez prêts pour des mesures que le gouvernement va prendre et qui peuvent aboutir à un déménagement vers d’autres zones sûres. Il y en a qui disent qu’ils ne peuvent pas quitter la plaine et les poissons du lac Tanganyika. Oubliez ça ! Préparez vos cœurs car le gouvernement peut être amené à vous délocaliser. Il est responsable de votre sécurité et bien-être » avait martelé Gervais Ndirakobuca, l’actuel Premier ministre.

La direction de la protection civile tranquillise

Anicet Nibaruta : « Nous pensons que dans les trois mois, les digues seront déjà construites »

Anicet Nibaruta, directeur général de la protection civile et président de la plateforme nationale pour la gestion des catastrophes, se veut rassurant.

Il fait savoir que le gouvernement, en collaboration avec ses partenaires, compte construire des digues de protection sur les rives de la rivière Rusizi.
« Avec le début de la saison sèche, le niveau d’eau aura déjà diminué. Nous pensons que dans les trois mois, les digues seront déjà construites », promet-il.

Et d’annoncer que l’OIM s’est déjà préparée pour octroyer les moyens financiers à 380 ménages pour qu’ils aillent louer des maisons ailleurs. Ceux qui sont concernés, tient-il à préciser, ce sont ces sinistrés des nouvelles inondations.

Cette autorité informe que chaque ménage recevra 525 mille BIF pour louer une maison pendant trois mois. Et tout le montant sera versé à chaque ménage.

Il espère que les travaux de construction de la digue seront terminés pendant la saison sèche : « Les trois mois nous seront d’une grande utilité et cela coïncidera avec la fin de la saison sèche. Les déplacés pourront retourner dans leurs habitations. »

Par ailleurs, ajoute-t-il, le PNUD est déjà en contact avec ceux qui vont fournir les matériaux de construction. Il fait savoir que la digue sera construite sur un linéaire de 2km de part et d’autre des berges de la rivière Rusizi. Elle aura aussi 2m de hauteur et 6m de largeur.
« Cela permettra de protéger ceux qui vivent au centre de Gatumba, à Kigaramango et surtout ceux qui vivent à Kinyinya », rassure-t-il.

En outre, fait-t-il savoir, le problème subsiste pour les habitants des quartiers Mushasha I et II qui restent inondés par la montée les eaux du lac Tanganyika. Le gouvernement compte les délocaliser vers d’autres sites.

S’il s’avère qu’il est impossible que les habitants y retournent, souligne-t-il, nous allons les garder dans les sites, tout en espérant qu’on aura un nombre réduit de ménages à réinstaller. « Nous allons recourir aux propriétés que le gouvernement nous a octroyées en leur construisant des maisons d’habitation », a-t-il précisé.

Il fait remarquer qu’il est quasiment impossible de construire des maisons, même pour la seule zone de Gatumba qui compte déjà 2855 ménages.

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