18 mois après le début du deuxième mandat de Pierre Nkurunziza, les FNL (camp Emmanuel Miburo), revendiquent des postes conformément à leurs résultats des communales de mai 2010. Toutefois, la Présidence de la République ne se sent pas obligée à exécuter cette demande.
Trop de promesses et l’attente a fini par être longue. « Les réclamations ne datent pas d’aujourd’hui, les contacts ont commencé avant la formation du gouvernement, juste après les élections de 2010 mais en vain », lance Jacques Bigirimana, secrétaire général du parti Forces nationales de libération(FNL). Il explique ainsi la lettre de son parti au Président Pierre Nkurunziza, le 28 janvier 2012: « (…) Nous déplorons que le pouvoir actuel ignore la place qui devrait revenir de droit au parti FNL en tant que deuxième formation politique du pays, dans les nominations tant dans l’administration tant publique que territoriale, les missions diplomatiques, les différents établissements publics et paraétatiques et dans les différentes commissions nationales. » Dans ses revendications, le camp d’Emmanuel Miburo invoque l’article 135 de la constitution. Mais il apporte une nuance: « Ce que nous réclamons aujourd’hui n’a rien à avoir avec les 33 postes que nous avions sollicités avant le processus électoral pour nous préparer aux élections de 2010. Nous ne quémandons pas, c’est notre droit le plus absolu.» Outre les postes, les FNL demandent la libération de leurs membres incarcérés : ceux arrêtés pour des raisons politiques avant la signature du cessez-le-feu (en 2008, ndlr), ceux qui ont déjà purgé le quart de leurs peines et ceux qui l’ont été récemment. Ils souhaitent que l’instruction de leurs dossiers se fasse de manière diligente.
« Les FNL n’ont qu’à lire la Constitution »
Willy Nyamitwe, porte-parole adjoint du Président de la République, salue la réaction des FNL: « Ce parti qui balayait du revers de la main les résultats des élections communales de 2010 au point de dire qu’il n’y a pratiquement pas eu d’élections reconnaît quand même que le peuple lui a octroyé 15%. » Selon lui, les revendications des FNL sont fondées parce que même des personnalités n’appartenant à aucune formation politique ont le droit d’occuper des postes de responsabilités. Néanmoins, il considère que l’article 135 de la Constitution invoquée par Miburo et son groupe ne précise pas les quotas. Idem pour l’article 143 qui le complète. Et de jeter le tort aux FNL. «Ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. S’ils avaient poursuivi le processus électoral, peut-être qu’ils seraient au Sénat ou à l’Assemblée nationale ou occuperait d’autres postes de responsabilité », déclare Willy Nyamitwe tout en tranquillisant. «Ils n’ont pas à s’inquiéter, le Chef de l’Etat continuera à faire tout ce que la loi autorise. Il ne peut user de son pouvoir de nomination comme un pouvoir de patronat en distribuant d’une façon alternative la grâce et la disgrâce. » Concrètement, M. Nyamitwe estime que le N°1 burundais ne peut pas commencer à chasser de l’administration tous les membres du Frodebu ou d’autres formations qui n’ont pas eu de score satisfaisant pour les remplacer avec les FNL.
Alors que Jacques Bigirimana accuse Agathon Rwasa d’avoir boycotté les scrutins, Willy Nyamitwe parle de cuisine interne aux FNL : « La Présidence de la République ne s’ingère pas dans la gestion des partis politiques. S’ils avaient poursuivi la course électorale, nous n’en serions pas là. C’est une leçon pour eux.»
Quid de la libération des FNL détenus ?
D’après Willy Nyamitwe, cette demande ne se trouve pas dans la correspondance au Chef de l’Etat. « Elle a été faite à la représentante spéciale des Nations Unies au Burundi», souligne-t-il en faisant remarquer qu’il n’y a pas de prisonniers d’opinion dans ce pays. « S’il y a des FNL qui sont emprisonnés, c’est pour des délits qu’ils ont commis. Comme c’est le cas pour ceux des partis CNDD-FDD, Frodebu, MSD ou Uprona, etc. S’il y a l’un ou l’autre FNL détenu pour son appartenance politique, qu’ils fournissent des preuves.»
Recevra, recevra pas ?
A lire entre les lignes, on sent que le porte-parole du Président de la République ne promet rien au parti FNL d’Emmanuel Miburo. D’abord parce que les dispositions 135 et 143 ne sont pas explicites en ce qui est des quotas dans la représentation administrative. Ensuite, pour n’avoir pas participé à tous les scrutins, cela sanctionne le parti FNL même si Jacques Bigirimana estime que c’est leur droit le plus absolu par référence aux partis Uprona et Frodebu Nyakuri qui ont « boudé » les Présidentielles. Apparemment, le fait de reconnaître les institutions élues en 2010 ne semble pas convaincre la Présidence de la République. Le parti FNL doit trouver d’autres arguments,… surtout que le score de 15% qu’il avance est partagé entre les camps Rwasa et Miburo.