Jeudi 25 avril 2024

Editorial

Le citoyen invisible

09/12/2022 3
Le citoyen invisible
Par Guibert Mbonimpa, Secrétaire des Rédactions

« Au Burundi, le temps de bâtir une nation définitivement réconciliée est arrivé », a annoncé Albert Shingiro, ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération au Développement, lors du briefing au corps diplomatique accrédité à Bujumbura, mardi 6 décembre. « Ce que la bouche s’accoutume à dire, le cœur s’accoutume à le croire », assène Baudelaire. Depuis l’éclatement de la crise politico-sécuritaire d’avril 2015, aucun jalon, aucune fondation du comment bâtir une paix positive n’a été posé. 34 personnalités qualifiées d’opposants (parmi elles des journalistes) ne peuvent pas rentrer au bercail, le mandat d’arrêt émis à leur encontre court toujours. Lors même qu’il a été déclaré nul et de nul effet par le jugement de la Chambre d’appel de la Cour de justice de l’EAC, rendu le 25 novembre 2021, invalidant le 3e mandat de feu président Pierre Nkurunziza.

Le temps est à la destruction de la pluralité – pas de dialogue sans confrontation avec une altérité – pour construire une pensée unique qui écrase et dévore tout ce qui croise son chemin. Samedi 7 mai 2022, lors d’un discours prononcé dans la commune Nyabiraba en province Bujumbura, le secrétaire général du Cndd-Fdd, Révérien Ndikuriyo, a harmonisé le dire et le faire : «Chers membres du parti Cndd-Fdd, ce parti, nous pouvons même ne pas l’appeler un parti. Nous pouvons le considérer comme un pays. Le Cndd-Fdd, c’est le Burundi.»

Asseoir sa légitimité non pas sur le crédit qu’il inspire mais sur la peur qu’il nourrit. La coexistence entre le Cndd-Fdd et le citoyen est comparable à celle d’un aigle et des oisillons tentant de se cacher derrière lui. Ne surtout pas attirer son attention pour mener une vie paisible. « Pour vivre heureux vivons cachés » : le mantra de nombreux citoyens. Encore moins irriter l’aigle en affichant une ambition d’alternance. Considérer qu’il n’y a pas d’autre alternative au « parti qui a mis Dieu en avant » revient à prononcer l’acte de décès de l’idée de politique.

Rompre ce « contrat social  » tacite, c’est encourir la nyakurisation de son parti… chaque fois que de besoin. A fortiori d’ici 2025, année des prochaines législatives et de la célébration des 20 ans au pouvoir du Cndd-Fdd.

A la faveur de la tentative de putsch du 13 mai 2015, une répression pêle-mêle de la presse indépendante, activistes anti-troisième mandat et des opposants a échaudé le citoyen lambda. Désormais, pour lui, la seule stratégie qui vaille consiste à faire semblant d’être invisible. Ne pas faire de vague. A tout le moins pour celui qui ne se laisse pas entraîner par le seul mouvement de masse que les Burundais se sentent capables de faire : fuir le désespoir.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Kibinakanwa

    N empeche, depuis 2005, nous descendons et sommes devenus le pays le plus corrompu et le plus pauvre au monde. Il y a des responsables, pardon je voulais des dire des coupables.
    Nous sommes bon dernier, meme dans l EAC. C est dire

  2. Bellum

    Formidable éditorial dans une plume superbe. On ne peut rien construire sur le mensonge. Le mensonge électoral de 2020, le mensonge du 3ème mandat invalidé par l’opinion publique interne et par la cour d’appel de l’EAC. Sans oublier le sacrifice de milliers d’innocents massacrés, torturés, mutilés, castrés, emprisonnés et exilés qui invalide toute légitimité. A tout cela s’ajoute l’invalidation par la faillite économique. Le ministre Shingiro imbu de ses prestigieuses fonctions et de la puissance qui va avec est incapable de voir que le roi est nu.

  3. Stan Siyomana

    1. Vous écrivez:« Le CNDD-FDD, c’est le Burundi ».
    2. Mon commentaire
    a. Alors que la démocratie essaie tant bien que mal de se répandre à travers le monde, je ne vois pas pourquoi c’est le citoyen burundais lambda/munyagihugu nyarucari qui accepterait le retour au régime de parti unique.
    b. Uno musi birababaza/biratangaza umunyagihugu nyarucari kumva nyakubahwa umukuru w’igihugu Varisito Ndayishimiye avuga ati:
    « Ku macontrat yose yasinywe na Reta ngira nibere avocat, ndayasubiremwo. Reta ndababwire, Reta imeze nk’umwana mineur. Iyo umureprésentant w’umumineur yabaye ikigaba, umwana arafise droit yo kuvuga ati:«  Iyi contrat ndayanse ». Ubu rero Reta ikuze yaje, itegerezwa kuraba représentant bayo ivyo basinye… »
    https://www.youtube.com/watch?v=S0gco1BVnIc&t=208s

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