Samedi 08 novembre 2025

Économie

Interview exclusive avec Léonidas Nzigiyimpa : « Pour booster le tourisme, nous devons créer une marque burundaise ».

08/11/2025 0
Interview exclusive avec Léonidas Nzigiyimpa : « Pour booster le tourisme, nous devons créer une marque burundaise ».

Au Burundi, le tourisme peine à être rentable. Néanmoins, des potentialités sont là. Léonidas Nzigiyimpa, expert en la matière revient sur ce secteur. Il donne des pistes pour son développement.

De façon générale, comment trouvez-vous le tourisme au Burundi ?

C’est un secteur porteur de croissance mais qui rencontre beaucoup de défis.

Quelles sont ses forces ? 

Le Burundi regorge de beaucoup de sites touristiques et de produits touristiques.

Lesquels ?

Avec ses plages, ses eaux douces, ses espèces endémiques, le lac Tanganyika est un joyau. Il abrite plus de 600 espèces endémiques.  Nous avons un pays montagneux.  Pour les touristes  qui aiment marcher, faire des randonnées pédestres, c’est un terrain idéal.  Nous avons des aires protégées avec les chutes de Karera, les failles de Nyakazu, etc.  On a des  chimpanzés, des buffles, des hippopotames, des crocodiles, des oiseaux migrateurs et d’autres catégories, des eaux thermales, etc.

Carrément à 100 % biologique, la nourriture burundaise fait partie des produits touristiques. Ajoutons les danses traditionnelles dont le tambour, qui est un patrimoine mondial de l’Unesco, les Intore aussi, etc.

Le Burundi est également l’un des pays où il est facile d’avoir un visa.  Il n’y a pas de tracasserie.  Après l’arrivée à l’aéroport,  le visa est vite octroyé. Ce qui est une preuve de grande ouverture et de volonté politique pour attirer les visiteurs.

 

Mais, souvent, les visiteurs pointent du doigt certains agents de l’ordre comme quoi ils demanderaient des pots-de-vin aux visiteurs. Est-ce que cela ne démotive pas les touristes ? 

Exactement. Tout n’est pas blanc. Mais, c’est facile à corriger. Il suffit que cela soit dénoncé et que l’autorité habilitée agisse.

Toutes ces potentialités sont-elles valorisées ?

Le Burundi est localisé géographiquement entre la Tanzanie, le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Il fait partie de l’East African Community (EAC). Dans cette région, le tourisme y est très développé à un niveau très compétitif.  Le monde entier afflue vers la Tanzanie pour contempler les grands mammifères, pour escalader le mont Kilimandjaro et découvrir d’autres paysages fantastiques. Le Kenya est  également une très importante destination touristique. L’Ouganda n’est pas moindre et très récemment,  le Rwanda est entré dans la danse.

En tourisme, quelle est notre place  dans cet ensemble régional?

Le Burundi est le maillon  faible.

Quelles sont ses faiblesses en la matière ?

Le tourisme requiert beaucoup d’interventions sectorielles parallèles. Il ne suffit pas de développer un produit touristique, il y a d’autres actions à mener.

Entre autres ?

Il faut que les touristes soient informés sur toutes les opportunités ainsi qu’une forte communication. Malheureusement, celle-ci  est faible et insuffisante.  Même  les Burundais ne connaissent pas leurs  richesses touristiques.  Le tourisme requiert d’autres facilités.

Comme quoi ?

Nous pouvons citer l’accommodation, l’hébergement, la restauration. Quel est ce touriste qui visitera les chimpanzés de Bururi s’il n’est pas informé qu’il aura un hôtel, un restaurant ; que toutes les conditions de sécurité sont réunies ? Oui, la sécurité est là. Mais, l’information touristique manque.  Pour les chutes de Karera,  est-ce que les hôtels et les restaurants environnants sont  sur Internet, sur google ? Non, aucune information.

Pourriez-vous être précis ?

Quand vous cherchez sur  google pour voir  la qualité, le standard d’hôtels proches de la réserve naturelle forestière de Bururi, seul MoonLight apparaît sur la toile. Malheureusement, avec très peu d’informations. Et pourtant, il y a plus d’une dizaine d’hôtels.

Aucun touriste lointain ne s’aventurera dans ce site. Parce qu’il n’y a pas suffisamment d’informations.  Même les hôpitaux de la localité devaient  apparaître sur la toile.

Pourquoi ?

Parce qu’en cas d’accident, il faut que le touriste trouve où se faire soigner.  S’il se casse une jambe, comment est-ce qu’il sera évacué et vers où ?

Or, dans ces pays de la région, il y a les safaris, des tours opérateurs qui sont bien organisés.  Il  suffit de cliquer et vous voyez différentes sociétés, entreprises,  compagnies, organisations qui travaillent dans le secteur.  Ce sont elles qui accueillent les visiteurs à l’aéroport, leur proposent des hôtels, des moyens de  déplacement, etc. Mais, ce n’est pas le cas dans notre pays.  Nos bus qui déchirent les habits des passagers, nos taxi-voitures en piteux état, … ne sont pas de nature à emballer les touristes.

La qualité des services dans certains hôtels de Bururi n’est pas bonne. Est-ce que cela n’est pas un frein au développement du tourisme dans cette région ?

Bien sûr. Dans les hôtels, la qualité des services laisse à désirer.  Leurs services sur le plan logement : accommodation, qualité des chambres, qualité des matelas, qualité des draps, des essuie-mains, etc. méritent d’être améliorés.  Il faut qu’il y ait de l’eau permanente, des générateurs de secours en cas de coupure d’électricité et une connexion internet. Si un touriste ne peut pas communiquer, rester en contact avec sa famille, avec le monde entier, et bien, ce site-là n’est pas une destination touristique pour lui.

Quand un visiteur arrive dans un restaurant, il ne faut pas qu’il soit servi  trois  heures après la commande. Cela chasse les visiteurs. Malheureusement, c’est le cas.    Il y a des serveurs qui reviennent une heure après pour annoncer qu’il n’y a pas telle ou telle autre chose. La  qualité de la restauration, de la nourriture compte beaucoup. Au Burundi, il faut miser sur notre nourriture traditionnelle, burundaise.

Est-elle  vraiment vendable au point de vue touristique ?

Bien sûr.  En fait, si vous proposez des frites aux visiteurs, il n’y a rien de nouveau. Ils le font  chez eux, peut-être,  même de meilleure qualité. C’est important qu’ils puissent avoir une certaine unicité et spécificité.

Quel est votre commentaire sur  le travail des guides touristiques, les pisteurs

Ce n’est pas une critique mais ils se cherchent encore. Ils devraient améliorer les techniques de guidage, être recyclés.

Concrètement ….

Ils doivent être capables de s’exprimer en français, en anglais et en kiswahili. Quand vous regardez leur  niveau, ils n’ont pas suffisamment de capacités. Bref, leur expérience et leur niveau méritent d’être fortement améliorés.

Comment trouvez-vous leurs conditions de travail ?

Bon, ils sont dans la même situation que d’autres fonctionnaires burundais. Et je m’arrête là.

Mais que faire pour développer ce secteur ?

En plus des services, des hôtels, … il est important de concevoir une route touristique burundaise.

C’est-à-dire ?

A chaque  touriste,  on devrait proposer une route touristique.  Bien conçue, ficelée, structurée, celle-ci  lui montre les hôtels, leurs standards, … les voies à suivre.

Par exemple, elle lui indique que d’ici à Rumonge, c’est 70 km et qu’après, il peut aller à Bururi. Ce document  lui décrit les sites à visiter. Tout  doit  être bien défini. A ma connaissance, cette route n’existe pas au Burundi.  D’où la question : qu’est-ce que nos opérateurs du secteur proposent aux visiteurs?

Pour booster ce secteur, nous devons créer une marque touristique burundaise. Normalement, notre tourisme ne devrait pas se baser sur l’observation des mammifères.

Pourquoi ?

Parce que s’il est question des mammifères, les pays voisins sont en avance. Ils ont ce qu’on appelle les ‘’big five’’ dont les lions, les girafes, les rhinocéros et les éléphants.

Mais, le Burundi peut développer un tourisme des paysages. En effet, ces touristes, ces longs voyageurs ont déjà visité la Tanzanie, le Kenya plus de cinq ou dix fois. Maintenant, ils voudraient découvrir autre chose.

Vous avez parlé d’investissement. Les investisseurs burundais privés sont-ils vraiment impliqués dans le développement du tourisme ?

Il y a des pas déjà franchis.  Le fait de construire des hôtels, je pense que c’est un pas très important. Mais, après leur construction, il faut une autre étape.

Laquelle ?

Il faut réfléchir sur la manière d’attirer les visiteurs.  S’il n’y a pas de touristes, c’est une perte.  Imaginez-vous que vous avez investi 500 millions BIF ou même plus dans la construction d’un hôtel et qu’on reçoit 2-3 visiteurs par semaine, ou même moins.  Combien d’hôtels ont élaboré des dépliants pour les diffuser largement ? Combien d’hôtels ont pu déposer un petit document, une petite brochure à l’Aéroport international Melchior Ndadaye ?  Je n’en ai jamais vu personnellement.

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