Samedi 27 avril 2024

Société

Interview exclusive avec le président de l’UNIPROBA :« Imaginez-vous être discriminé par la Loi fondamentale »

20/12/2018 Commentaires fermés sur Interview exclusive avec le président de l’UNIPROBA :« Imaginez-vous être discriminé par la Loi fondamentale »
Interview exclusive avec le président de l’UNIPROBA :« Imaginez-vous être discriminé par la Loi fondamentale »
Emmanuel Nengo, président de l’UNIPROBA

Emmanuel Nengo, président de l’UNIPROBA, nous livre ses éclairages sur les lamentations des Batwa liées entre autres à la non représentation de cette communauté au gouvernement et autres institutions.

Dans certaines localités, les Batwa vivent dans des conditions précaires liées au manque de terres cultivables, d’habitations décentes, d’accès difficile à l’éducation et aux soins de santé. Qu’en dites-vous ?

Les conditions de vie des Batwa du Burundi, par rapport aux autres composantes de la société burundaise, sont précaires. Comme vous le dites, l’accès aux terres cultivables, l’accès à l’habitat décent, l’accès à l’école et aux soins de santé sont des conditions très déplorables. L’enquête que l’association Unissons-nous pour la promotion des Batwa (UNIPROBA) a menée, depuis 2008, a révélé que ces conditions sont très déplorables. Par rapport à l’accès à la terre, nous savons qu’un Burundais a besoin d’un demi-hectare pour vivre décemment. Et la plupart de nos compatriotes sont des agriculteurs.

D’après la même enquête, les Batwa ont de petits lopins de terres de 20 m sur 20 m. Il y a même ceux qui en ont moins. Ceux qui ont plus d’un hectare se comptent sur les bouts des doigts. Certains Batwa vivent encore dans des huttes.

Quelle serait la solution ?

Nous avons toujours plaidé pour que l’Etat leur octroie des terres mais notre appel est resté sans réponse. Le gouvernement devrait prendre cette question dans ses mains afin que les Batwa puissent vivre comme d’autres burundais.

Il faut qu’ils aient l’accès à l’argile pour pratiquer de la poterie. Métier qui les faisait vivre. Aujourd’hui, ils sont battus parce qu’ils sont allés extraire de l’argile.

Vous encouragez donc le retour à la poterie ?

Bien sûr. Partout où nous passons, les Batwa le réclament. Cela réduirait leur pauvreté.

Est-ce que cela ne serait pas un retour en arrière au moment où nous tendons vers la modernité ?

Loin de là. En attendant d’autres activités, il faut qu’ils aient une occupation. Par ailleurs, c’est un métier qui a sa valeur. Et celui qui abandonne son métier s’expose à plusieurs problèmes. C’est un métier comme tant d’autres, à l’instar du métier d’agriculteur, d’éleveur. Il suffit maintenant de la moderniser.

Dans certaines localités, certains Batwa sont attrapés dans le banditisme. Pourquoi ? Et comment y remédier ?

Je le disais tantôt. Les Batwa vivent dans une pauvreté. C’est suite à cette pauvreté qui est causée par le manque de terres, de moyens financiers ou d’autres opportunités qui les plonge dans le banditisme. Avant, ils avaient de quoi manger. Les activités qui les faisaient vivre (poterie, forge, etc) ont perdu de la valeur. Maintenant, ils sont obligés d’aller voler, qui dans les champs, et qui d’autres dans les ménages. Parfois, ils y perdent la vie. C’est un constat amer.

Il faut des activités génératrices de revenus pour les Batwa. Cela les aidera à combattre l’insécurité alimentaire. Au niveau de l’UNIPROBA, nous avons déjà approché nos partenaires pour qu’ils appuient certaines activités génératrices de revenus pour améliorer les conditions de vie des Batwa.

Autant de défis, autant de problèmes. A qui la faute ? Au gouvernement ? A l’UNIPROBA ?

L’UNIPROBA est une association sans but lucratif. Son rôle est de contribuer à la protection et la promotion des droits des Batwa. Le rôle principal revient au gouvernement burundais qui est le garant des droits de tous les citoyens. Il a adhéré aux différents textes légaux régionaux et internationaux de protection et de promotion des droits humains. Et tous ces textes ratifiés par le Burundi font partie intégrante de la Constitution.

L’UNIPROBA été créée dans le but de contribuer aux revendications des droits des Batwa. Pour nous, ce n’est pas un échec de l’UNIPROBA, mais plutôt nous nous réjouissons de son existence car depuis sa création jusqu’aujourd’hui beaucoup de choses ont changé surtout au niveau de la marginalisation des Batwa. Ce qui nous réjouit le plus, c’est qu’il y a eu un changement de mentalités dans la communauté Batwa.

Cette communauté se lamente comme quoi elle n’est pas représentée dans les instances politiques. Quelle est votre appréciation ?

Je partage la même observation. Au niveau des textes légaux, les Batwa sont discriminés. L’ancienne Constitution nous discriminait. Et la nouvelle aussi. L’article 128 de la Constitution en vigueur qui parle de la composition du gouvernement (60% de Hutu, 40% de Tutsi, 30% de femmes) nous discrimine. Ainsi, un membre de la communauté Batwa ne peut pas faire partie du gouvernement. Même discrimination au niveau du pouvoir judiciaire. L’article 213 écarte les Batwa: 60% de Hutu, 40% de Tutsi et30% de femmes. Imaginez-vous être discriminé par la Loi fondamentale. Nous sommes dans une situation qui ne nous plaît pas.

Les Batwa se disent être exclus du dialogue inter-burundais d’Arusha…

C’est évident. Nous devrions être représentés dans ces assises comme d’autres burundais. On a seulement participé dans le lancement du dialogue à Kampala. L’UNIPROBA n’a jamais été invitée à Arusha. Plusieurs correspondances ont été adressées au médiateur et au facilitateur mais nous n’avons pas eu de réaction. Ce silence témoigne encore une fois une discrimination de la part des organisateurs de ce dialogue envers la communauté Batwa. Pourtant ils savent que nous sommes une troisième composante de la société burundaise. Ils devraient nous faire participer.

Nous assistons impuissamment à cette situation. Nous sommes frustrés. Mais qu’à cela ne tienne, cette situation nous fait réfléchir au niveau de l’UNIPROBA sur les nouvelles stratégies à prendre.

Quelles sont ces stratégies ?

Nous allons faire des lobbyings, du plaidoyer auprès de nos différents partenaires, des bailleurs de ces négociations, notamment l’UE et l’UA, les ambassades pour qu’ils plaident à notre faveur.

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