Le traumatisme du rachis fait des victimes dans le pays. Malheureusement, certains en souffrent sans le savoir. Dr Oscar Niyonzima, médecin spécialiste en neurochirurgie et professeur à l’Université du Burundi dans la Faculté de médecine éclaire. Ce diplômé de l’Université Catholique de Louvain, en Belgique plaide pour les malades de cette pathologie.
Qu’est-ce que le traumatisme du rachis ?
C’est une pathologie qui est aujourd’hui fréquente au Burundi. C’est une atteinte osteodiscoligamentaire et/ou médullaire d’origine traumatique. C’est un impact de la colonne vertébrale qui est dû à plusieurs causes.
Lesquelles ?
Trois causes sont les plus fréquentes. Il y a les accidents de la circulation, les chutes du niveau le plus élevé et les accidents domestiques ou du travail. Ce qui entraîne une souffrance ostéo disco ligamentaire avec parfois une atteinte de la moelle qui peut causer une paralysie.
Plus concrètement ?
Parfois, il y a des chauffeurs qui violent le code de la route. Ce qui cause beaucoup d’accidents. S’il y a une chute ou bien un impact au niveau de la colonne vertébrale, il peut y avoir une fracture de l’os vertébral qui va entrainer une atteinte des structures de voisinage : les ligaments, les disques et surtout la moelle et les nerfs.
Les gens qui grimpent sur les arbres ou les techniciens de la Regideso qui escaladent les poteaux tombent parfois. Quand ils atterrissent sur le dos ou sur le rachis, cela peut causer une fracture directe de la colonne vertébrale. Il en est de même aux chantiers de construction.
Pour les accidents domestiques, imaginez quelqu’un qui porte un sac de plusieurs kilogrammes sur sa tête. S’il glisse et que le sac tombe sur son dos, cela peut entraîner la paralysie.
Vous travaillez depuis deux ans dans ce domaine ici. Peut-on affirmer que le traumatisme du rachis est une réalité dans le pays ?
Oui. Depuis mon arrivée, j’ai vu que cette pathologie est fréquente. Avant, les gens ne le savaient pas peut-être. Quelqu’un qui fait un traumatisme du rachis, on le mettait sur un plan dur. On lui disait : allonges-toi pendant deux ou trois mois. Les opérations n’étaient pas très connues. C’était l’apanage des riches capables de se déplacer vers l’étranger.
Avez-vous des chiffres ?
Une étude que j’ai faite sur six mois a montré qu’à Tanganyika Hospital, nous avons eu 31 cas. Ils ont été opérés du rachis soit cervical ou dorsolombaire. Parmi eux, il y avait 16 cas du rachis cervical et 15 pour le rachis dorsolombaire.
Ce chiffre n’est pas exhaustif. Car, il y en a qui n’ont pas été opérés par manque de moyens ou d’autres qui ne nous sont pas parvenus.
Quelle est la différence entre le traumatisme du rachis dorsolombaire et celui du rachis cervical ?
C’est une question anatomique. En fait, au niveau de la colonne vertébrale, il y a trois niveaux normalement.
Lesquels ?
Il y a le niveau du cou. C’est pourquoi on dit ‘’ cervical’’. A partir de la tête, les sept premières vertèbres entrent dans ce qu’on appelle le rachis cervical. Il y a le niveau du milieu qu’on appelle le niveau dorsal ou thoracique. Ce sont les 12 vertèbres. Après, vient le niveau inférieur qu’on appelle lombaire. Ce sont les cinq vertèbres. Alors, en fonction du niveau atteint, on aura des signes spécifiques.
Quels sont les symptômes ?
La colonne rachidienne protège la moelle qui est l’organe assurant la conduction des influx nerveux, surtout la motricité et la sensibilité. S’il y a une interruption ou une atteinte des nerfs ou bien de la moelle, ce qui va se passer en premier, ce sont les atteintes neurologiques.
C’est d’abord la paralysie du niveau inférieur. C’est comme s’il y a eu une coupure du courant ou bien des influx. C’est comme si la moelle était sectionnée.
Ce qui signifie ?
Les informations nerveuses qui proviennent du cerveau n’atteignent plus les extrémités. Si c’est au niveau du rachis dorsolombaire, le patient va faire une paralysie des deux membres inférieurs. S’il y a une atteinte du rachis cervical, il y aura une paralysie des quatre membres.
En plus, il y a une atteinte sensitive de telle sorte que même si tu le pinces, il ne sent plus rien. Il y a également des troubles génitaux sphinctériens.
C’est-à-dire ?
Le patient ne contrôle plus son sphincter anal ou vésical urétral. S’il veut uriner, il ne sait plus contrôler sa vessie. Bref, il ne sait plus faire sa commande nerveuse.
Et les conséquences ?
Ce sont surtout les complications de décubitus prolongé. Ce qui se manifeste par la thrombose, les infections, les psychoses, un déficit neurologique irréversible. Cela peut même conduire à la mort si la victime n’est pas rapidement traitée.
Malheureusement, les patients sont souvent référés très tardivement alors que l’opération devait intervenir dans les 4 à 8 heures ou au plus tard dans les 24 heures.
Y’a-t-il une catégorie d’âge qui est plus touchée ?
Notons que ce traumatisme concerne souvent les jeunes adultes dont l’âge est compris entre 25 et 40 ans.
Pourquoi ?
Ce sont eux qui sont en âge d’activités, qui voyagent beaucoup, qu’on trouve dans les chantiers de construction, qui sont des motards. C’est vraiment une main d’œuvre que nous perdons.
Ce qui affecte également la vie conjugale, …
Effectivement. S’il y a une coupure des influx nerveux, il est impossible d’effectuer les rapports sexuels. Le réflexe d’érection n’y est plus.
Est-ce que le traumatisme du rachis est soigné au Burundi ?
Avant, ce n’était pas possible. Les patients devaient se rendre soit en Inde, au Kenya ou ailleurs pour subir un traitement efficace. Cela était lié à beaucoup de choses.
Par exemple ?
Le manque de matériel adéquat et du personnel qualifié. Mais, depuis que Tanganyika Hospital a amené du matériel adéquat, nous traitons maintenant ce genre de pathologie correctement.
Qu’en est-il du coût ? Est-ce accessible ?
Ça reste en tout petit peu cher suite à beaucoup de facteurs.
Lesquels ?
Il y a les implants qui sont chers. Il y a parfois des gens qui n’ont pas de couvertures sociales sanitaires.
C’est peut-être un plaidoyer que je ferais auprès de la communauté, de l’administration ou même du ministère de la Solidarité pour qu’ils nous aident, si possible à couvrir socialement ce genre de patients comme on le fait pour les patients cancéreux.
Imaginez par exemple qu’on a un jeune de 25 ans, 30 ans qui fait brusquement un traumatisme du rachis et qu’on doit lui faire une ostéosynthèse : la fixation, la mise en place des implants et une opération peuvent coûter plus de dix millions de BIF. Or, ce ne sont pas beaucoup de familles qui peuvent avoir cette somme en moins de 24 heures. Mais, je dois signaler que ce ne sont pas tous les cas que nous opérons. Car, il y a trois indications pour subir une opération.
Lesquelles ?
Soit, il y a un déficit neurologique donc une paralysie, soit il y a une déformation rachidienne ou il y a une instabilité rachidienne.
Sinon, si un patient est tombé, qu’il y a une fracture mais qui n’entraine pas l’une de ces trois conséquences, c’est possible qu’on le traite médicalement.
On peut le faire avec des médicaments ou avec une ceinture corset qu’il peut porter pendant deux à trois mois. Nous évaluons au cas par cas ainsi que l’aspect clinique.
Cette pathologie est-elle traitée dans les hôpitaux publics ?
Jusqu’à cette heure-ci, aucun autre hôpital ne dispose de ce genre de matériel. Il est en peu cher. Mais j’incite les autres hôpitaux à s’en procurer. Car, peut-être, bientôt, on aura d’autres neurochirurgiens.
Les techniciens en la matière sont-ils suffisants ?
A mon arrivée, on n’avait pas des techniciens qui maitrisaient bien ce genre de matériel. On a dû leur faire une formation. Actuellement, j’ai une équipe qui maitrise ce genre de chirurgie. Globalement, ça se passe bien.
Y-a-t-il moyen de prévenir ce genre de pathologie ?
Oui. C’est possible. C’est juste une attention dans les activités de la vie courante, prêter attention dans la circulation routière, respecter le code de la route, les signaux routiers, etc.
Dans les activités domestiques, il faut arrêter de porter des charges très lourdes. C’est très risquant. Les cueilleurs dans les palmiers à huile doivent faire attention. Que les ouvriers des chantiers de construction portent des protections du dos et de la tête.
Votre message
Pour la colonne, il faut que les gens apprennent à consulter les médecins à temps avant d’atteindre le niveau grave. Quelqu’un qui a des douleurs dans le dos, que ça soit au niveau du cou, dorsal ou lombaire, doit consulter les médecins pour connaître la cause.
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