Jeudi 19 juin 2025

Société

Des travailleurs domestiques toujours en détresse

Des travailleurs domestiques toujours en détresse
Un travailleur domestique en train de préparer un repas

Des travailleurs domestiques continuent à subir des violences malgré la régulation de leur travail par le Code du travail burundais de novembre 2020. Les employeurs leur privent de salaire ou les frappent sans aucun motif valable. De jeunes filles sont sexuellement abusées.

« Mon ancien patron m’a sévèrement frappé. Il m’accusait d’avoir comploté contre lui et cherché à le tuer à petit feu avec du poison communément appelé ishano. Il a fait des tests et sauté sur cette conclusion sans aucune preuve supplémentaire », déplore Frédéric Niyomwungere, un travailleur domestique. Il raconte que les travailleurs domestiques subissent plusieurs maltraitances et qu’il en est lui-même victime.

Après cet incident, il a en effet été expulsé de la maison alors qu’il faisait nuit et sans salaire. « Un ami m’a logé ce soir, heureusement. J’ai soumis ma préoccupation auprès des notables collinaires. J’ai dû arrêter la démarche car, mon patron m’a beaucoup menacé. Il m’ordonnait d’arrêter de ternir sa réputation. »

La victime fait savoir que son ex- patron a un petit frère commissaire de police à qui il avait demandé de le mettre en prison. « C’est à ce moment que j’ai eu peur et que j’ai abandonné l’affaire. Je suis passé à autre chose loin de ce quartier, loin de ces gens ». M Niyomwungere a même essayé de passer par des associations qui luttent pour les droits des travailleurs domestiques mais en vain. Pour lui, beaucoup de ces associations n’ont pas la voix qui porte loin.

Des victimes refusent de dénoncer leurs agresseurs

Richard Manirambona, le représentant légal de la Fédération nationale des syndicats des travailleurs domestiques sise à Carama, explique qu’il est souvent difficile de défendre leurs bénéficiaires. « Ces violences domestiques se passent dans des propriétés privées. Il est difficile de les prouver, d’avoir des témoins. C’est souvent parole contre parole. Ce qui complique les procès juridiques ». Il souligne aussi que ces affaires se règlent à l’amiable la plupart du temps ou qu’elles restent inconnues car, plusieurs de ces domestiques ignorent leurs droits et voient leurs patrons en position de force.

Il indique également que les travailleurs subissent plusieurs types de violences, à savoir des violences physiques, économiques et mentales. « Cette année, nous avons enregistré 19 cas de violences sexuelles et 20 cas de violences économiques. Les patrons refusent de les payer. Les filles sont les plus touchées par les violences sexuelles ». M Manirambona raconte que les filles agressées sexuellement ont immédiatement été amenées à l’hôpital avant les 72 heures pour être protégées contre des grossesses non désirées et des infections sexuellement transmissibles (IST). Malheureusement, il y a cinq autres cas qui ont été dénoncés tardivement.
« Le grand défi est que plusieurs préfèrent demeurer dans le silence après ces agressions. Surtout lorsqu’elles ont été commises par leurs patrons ou d’autres membres directs de cette famille », se désole-t-il.

Heureusement, certaines victimes parlent et engagent des procès. Même si, selon lui, ces patrons s’en sortent facilement bien car, ils peuvent manipuler ces domestiques en leur offrant des sommes d’argent pour qu’ils abandonnent les dossiers.

Adélaïde Uwineza, la cheffe de quartier Kavumu de la zone urbaine de Kamenge, commune urbaine de Ntahangwa en mairie de Bujumbura se lamente du même phénomène. « Ces violences existent mais les victimes ne les dénoncent pas. L’an dernier, il y a eu cinq plaintes des domestiques privés de leurs salaires sans motifs valables et un cas de violence sexuelle ». Elle fait savoir qu’un patron a violé sa domestique à plusieurs reprises.

Celle-ci ne l’a dénoncé qu’après avoir constaté qu’elle était enceinte. Cette fille dormait au salon et son patron se réveillait la nuit pour aller la trouver. « Ce genre de cas est compliqué car, les femmes défendent en premier lieu leurs maris par peur d’être embarrassées dans le voisinage. Les violences sexuelles sont même souvent difficiles à prouver », confie-t-elle avec amertume.

Régler les affaires à l’amiable

Concernant le cas de la domestique violée, le patron avait fini par reconnaitre cette grossesse mais quelques jours après, on a plus revu la victime. Selon la cheffe de quartier, ils auraient trouvé un accord et elle serait retournée chez elle, à l’intérieur du pays.

La fédération appelle à la considération des travailleurs domestiques

Une autre femme qui travaille dans une association militant pour les droits des travailleurs domestiques signale que certaines patronnes connaissent les mauvais comportements de leurs époux mais elles ne préviennent pas les filles domestiques qu’elles engagent.
« Il y a deux mois, une femme est venue pour me demander une domestique. Je lui ai recommandé celle en qui j’avais le plus de confiance pour accomplir les tâches énumérées. Quand je la lui ai présentée, elle a refusé. Elle m’a demandé si je n’avais pas une plus moche. Je n’ai pas considéré ses propos. J’ai insisté et elle a fini par l’accepter ».

Elle raconte que la domestique est revenue pour se plaindre du patron qui glissait dans sa chambre la nuit. Il n’avait pas encore commencé à lui faire des approches mais, il quittait le lit conjugal pour venir dormir auprès de la domestique et lui demandait de se taire quand elle le remarquait.
« A la troisième reprise, la fille a craqué. Elle est revenue au bureau pour mettre un terme à son contrat. Sa chambre ne fermait pas à clé. Nous avons convoqué cette dame et elle a à son tour éclaté en sanglots expliquant qu’elle cherchait une domestique très moche pour qu’elle ne puisse pas attirer son mari ».

Pour Frédéric Niyomwungere, aussi victime de ces mauvais traitements, l’Etat devrait appuyer ces associations qui luttent pour les droits des travailleurs domestiques. « Comme il y’a une loi qui nous régit, nous demandons aux instances concernées en charge de l’appliquer et de sensibiliser les travailleurs domestiques sur leurs droits et devoirs. De les soutenir pour qu’ils sachent où se diriger en cas de violation de leurs droits ». Il réclame aussi les textes de mise en application qui doivent accompagner ce code révisé par la loi n 1/11 du 24 novembre 2020.

Richard Manirambona appelle quant à lui les employeurs à traiter leurs travailleurs domestiques avec dignité car ce sont des personnes comme les autres. Cela prévient d’autres désastres. « Certains travailleurs peuvent succomber à la colère et chercher à se venger. En principe, nous devrions respecter une personne qui garde nos enfants, prépare notre nourriture, organise et gère notre maison. Car, si elle cherche à nous faire du mal en retour, cela est très facile pour elle ». Il incite aussi les instances habilitées à punir ces auteurs infractions de tout en conseillant les travailleurs domestiques à bien se conduire pour ne pas attiser la colère de leurs employeurs.

Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu

Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.

Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.

Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.