Mercredi 28 mai 2025

Économie

Coopérative Sangwe : des impayées à Kirundo et à Ruyigi affectant l’économie du pays

Coopérative Sangwe : des impayées à Kirundo et à Ruyigi affectant l’économie du pays
Selon Alexis Nimubona, une sensibilisation sur l'importance des coopératives Sangwe dans le développement de l'économie nationale est nécessaire

Plus de 5 milliards de BIF de crédits accordés aux coopératives Sangwe de Kirundo et de Ruyigi sont impayés, comme l’indique le rapport provisoire du ministère des Finances. Selon Faustin Ndikumana de l’organisation Parcem, cette dette a des conséquences néfastes sur la situation économique.

Depuis 2019, le gouvernement a pris une initiative de financer les coopératives collinaires avec l’objectif du développement des communes et du pays.

Lors de cette année budgétaire, le gouvernement avait alloué aux Coopératives Sangwe un montant de 29,1 milliards de BIF dans la rubrique « appui aux projets de développement des coopératives collinaires ». De l’année budgétaire 2020-2021 jusqu’à aujourd’hui, le montant réservé à cette rubrique a monté à une somme allant jusqu’à 87. 830. 000.000 BIF.

Néanmoins, le rapport provisoire sur la situation d’endettement des entreprises publiques et des collectivités locales au 31 décembre 2024 du ministère des Finances montre que plus de 5 milliards de crédits accordés aux coopératives Sangwe de Kirundo et de Ruyigi sont impayés.

L’ordonnance ministérielle conjointe (ministère de l’intérieur et ministère des Finances) du 28 septembre 2019 sur les modalités pratiques de répartition, de transfert, d’utilisation et de remboursement des fonds alloués aux projets de développement des collines stipulait que les prêts accordés aux coopératives sont sans intérêt et sont remboursables endéans deux ans.

Alexis Nimubona, chargé de la communication de l’Olucome, l’observatoire de lutte contre la corruption et les malversations, indique qu’il y a un manque de transparence dans les coopératives bénéficiaires du prêt octroyé par le gouvernement. L’incapacité de gestion du capital, un manque de suivi, un détournement de fond sont les causes de ce manque de remboursement des dettes.

« Au début de la création des Coopératives Sangwe, certains citoyens pensaient que cette initiative concernait les coopératives dont les membres font partie des membres du parti au pouvoir. Et donc, il y a une grande partie de la population qui n’a pas adhéré à cette initiative de l’État. L’Olucome avait alerté à cette époque, en demandant qu’il y ait un suivi de près, qu’il y ait une restructuration de la manière dont les coopératives accèdent à ce financement ».

Le renforcement de la capacité des coopératives Sangwe

Alexis Nimubona estime que le renforcement des capacités des coopératives Sangwe est nécessaire pour pouvoir bien gérer les prêts de financement. Est-ce que l’Anacoop, l’agence nationale de promotion et de régulation des sociétés coopératives, dispose des compétences pour renforcer les capacités des coopératives bénéficiaires du financement ? s’interroge-t-il en appelant le gouvernement à revoir la capacité de cette agence.

« Les capacités des coopératives bénéficiaires devaient être renforcées, pour assurer une bonne gestion du prêt remboursable. Le gouvernement doit également faire un audit sur la gestion du montant déjà donné aux coopératives ».
Les projets ne sont pas bien étudiés, ajoute-il, en partant du fait que, pour financer les coopératives, il n’y a pas d’appel à projets innovants. « Par exemple, au sein du Paeej, on lance l’appel à projets. Les jeunes proposent des projets. Le Paeej utilise ces projets et sélectionne les meilleurs projets pour les financer. Je pense qu’au niveau du financement des coopératives, le gouvernement devait procéder ainsi ».

Pour lui, le gouvernement devait avoir certains critères de base pour financer les coopératives collinaires afin d’éviter les non-remboursements des prêts.
Selon lui, il faut qu’il y ait une étude des projets pour voir si le projet est réalisable dans tel ou tel autre endroit. « Renforcer les capacités des bénéficiaires, faire des sensibilisations sur l’importance des coopératives dans le développement et enfin faire le suivi et l’audit régulier pour vérifier si réellement l’argent a été reçu par les bénéficiaires ».

Et de s’interroger : « Peut-être que ces financements se trouvent dans les poches de certains responsables administratifs véreux au niveau des communes ou des collines ».

Une augmentation de la masse monétaire

Faustin Ndikumana, le président de l’association Parcem (Parole et actions pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités), considère que 5 milliards de BIF pour une dette coopérative est un montant colossal. « Cela a des conséquences sur la situation économique. Lorsque cette dette reste impayée, elle joue immédiatement sur l’augmentation de la masse monétaire. C’est une masse monétaire qui augmente, alors qu’il n’y a pas de contrepartie de valeur réelle qui est créée au niveau de l’économie réelle ».

Faustin Ndikumana : « Ces Coopératives devraient avoir des assurances, une personnalité, une idée économique, pour qu’elles soient responsables de leurs actes »

Dans les rapports de la Banque centrale, poursuit-il, on a constaté que parmi les causes de l’inflation actuelle, il y a l’augmentation excessive de la masse monétaire. « Ce sont des fonds publics. C’est l’argent du contribuable qui devrait financer, par exemple, la construction des infrastructures, surtout en milieu rural. Si la dette reste impayée, c’est déjà une perte ».

Faustin Ndikumana estime que le remboursement de la dette pour ces coopératives sera difficile parce qu’elles ont été créées pour des mobiles politiques. « Ce sont des coopératives largement encadrées par des hommes politiques, des hauts cadres de l’État. Le parti au pouvoir qui a initié la création de ces coopératives encadre ces dernières au lieu que ce soit l’administration locale. Dans ce cas-là, même la personnalité juridique de ces communes est mise en cause. Elle est presque inexistante. Il n’y a pas de gestion professionnelle des coopératives ».

Pour lui, dans ces coopératives, la tenue de comptabilité, la gestion financière et professionnelle pour enregistrer des profits, pour savoir comment différencier le profit, les dettes, le remboursement des dettes, les charges à couvrir ne sont pas bien effectuées. « Les crédits qui ont été accordés ne sont pas accordés de façon professionnelle, parce qu’ils ne tiennent pas compte de la rentabilité de l’activité financée. »
« Normalement, le remboursement surgit quand on prévoit les conséquences fâcheuses, c’est-à-dire qu’on ne rembourse pas la dette d’une dette contractée. Mais actuellement, comme ce sont des coopératives créées avec des mobilités politiques, il est même difficile de s’engager au remboursement. »

M. Ndikumana appelle enfin le gouvernement à changer de direction dans ce sens pour laisser les coopératives travailler d’abord et être contrôlées par les coopérateurs, les membres des coopératives, avec un objectif précis, bien identifié, et accéder au crédit à travers les institutions financières classiques.
« Le gouvernement peut intervenir par l’intermédiaire des fonds déposés comme garantie dans ces institutions donatrices de crédit de façon classique, pour donc parvenir à financer ces coopératives. Et les coopératives devraient avoir des assurances, elles devraient avoir une personnalité, une idée économique, pour qu’elles soient responsables de leurs actes. »

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