Ils sont qualifiés de semeurs de troubles par l’ancien ministre ayant la sécurité publique dans ses attributions. Suite à son annonce du 24 juillet 2025, Martin Niteretse a condamné les commissionnaires et les rabatteurs à un emprisonnement qui ne se réfère à aucune loi en vigueur.
Depuis la mesure annoncée à partir du chef-lieu de l’ancienne province de Muyinga lors d’une réunion de sécurité, des commissionnaires et des rabatteurs n’osent plus pointer leur nez dehors, du moins, ceux qui ont pu échapper à la rafle. Certains ne répondent plus aux appels téléphoniques.
Lors de la réunion du 24 juillet, l’ancien ministre Niteretse ne voulait plus entendre parler des commissionnaires ou des rabatteurs. Il a donné l’ordre de les coffrer sans pitié et d’une manière exemplaire : « Ceux de Muyinga, amenez-les à Nyanza », ordonne-t-il. Avec effet presqu’immédiat, certains se sont vu arrêtés et conduits loin de chez eux.
Parmi ceux qui ont été amenés au Nord du pays à Bwambarangwe, parler pourrait leur causer des ennuis. « Parlez d’abord avec les autres et vous me reviendrez après. Nous avons été relâchés et je n’ai rien d’autre à dire. »
Ces autres, ils restent injoignables à partir de leurs téléphones ou ils n’en ont plus. Ils ont été libérés et ils se sont dispersés.
« Je n’ose plus sortir. Je reste dans la maison et j’ai même dit à ma famille de ne plus parler de ma présence à la maison », témoigne un commissionnaire. Il fait savoir qu’il ne sait pas comment il va nourrir sa femme et ses enfants.
Il souligne qu’il offre ses services de commission depuis plus de vingt ans. « Une raison de plus de me cacher parce que tout le monde me connaît et j’ai éteint mon téléphone, je ne veux pas d’ennui. »
Assis dans son salon, le rideau de la porte principale fermé, il témoigne que ses collègues sont emprisonnés et qu’il a peur que son tour n’arrive. « Dire que nous causons du désordre, le ministre a un peu exagéré. »
Un rabatteur qui a passé toute une journée dans le cachot de l’ancienne zone de Buyenzi quant à lui regrette son téléphone confisqué. « La police nous a surpris à la permanence. Nous étions nombreux. Certains ont été amenés à la BSR et moi je me suis retrouvé à la zone Buyenzi avant d’être dépouillé par le garde-cachot de tout ce que j’avais, y compris mon téléphone. »
Il souligne que « C’est un magistrat qui a un bureau au parquet qui nous a libérés après une nuit parce que nous n’avions pas de dossier. Je me demande comment je vais retrouver le garde cachot pour me remettre mon petit téléphone ».
Une perception qui diverge
Un habitant du sud de la ville de Bujumbura estime que les services des rabatteurs sont souvent utiles. « En rentrant du travail vers la fin de l’après-midi, comme il n’y a pas de bus, je suis passé à côté d’un taxi collectif sans savoir qu’il prenait des clients qui allaient vers mon quartier. C’est là où j’ai constaté l’importance de ces personnes. »
Il trouve que leur présence permanente sur les arrêts-bus lui permet souvent de les différencier des voleurs. En plus, ils ne demandent rien aux clients des bus ou des taxis si ce n’est que les guider. « Leur plus grand défaut, ils se droguent beaucoup. »
Pour ce qui est des commissionnaires, il trouve aussi qu’ils sont utiles surtout en faveur des gens qui sont trop occupés par le travail. Certains, arrivent à avoir ce dont ils ont besoin grâce au travail des commissionnaires. « Pour trouver une maison par exemple, je ne pourrais jamais avoir le temps de passer de parcelle en parcelle. On recourt tous à leurs services. Ils s’arrangent pour connaître les maisons à louer, les voitures et les parcelles à acheter et bien d’autres services. »
A.N. n’est pas du même avis. Il trouve qu’ils ne font rien à part semer la pagaille. « Ce sont des fainéants qui ne veulent pas travailler. Je suis un peu du côté du ministre, mais je n’irai pas aussi loin que lui ».
Pour lui, les rabatteurs sont des délinquants qui n’ont jamais travaillé et qui veulent la vie facile. Quant aux commissionnaires, il trouve que ce sont des opportunistes. « A chaque fois que les demandes en maisons de location augmentent, ils font monter les loyers en promettant aux bailleurs des clients à forts revenus. »
Avec l’afflux des Congolais à Bujumbura par exemple, il affirme que les commissionnaires ont fait monter les loyers d’une manière exagérée.
Quid du respect de la loi ?
Me Fabien Segatwa trouve que l’ordre de mettre sous les verrous les commissionnaires et les rabatteurs n’est pas conforme à la loi en vigueur au Burundi. « Je pense que l’ancien ministre a agi en politicien et non en juriste. »

Selon la loi, le commissionnaire est celui qui a reçu le mandat de faire quelque chose pour le compte de celui qui l’a commissionné, que l’on appelle en droit le mandant. L’article 256 du Code civil stipule que le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le contrat ne se forme que par l’acceptation du mandataire.
Et l’article 527 dit que le mandat peut être donné, ou par acte authentique, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement. L’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire.
La loi nᵒ 1/01 du 16 janvier 2015 portant révision de la loi nᵒ 1/07 du 26 avril 2010 portant code de commerce, section 2 des droits du commissionnaire, article 242, le commissionnaire acquiert les droits résultant du contrat et demeure personnellement obligé envers ceux avec lesquels il a contracté. Les tiers peuvent opposer au commissionnaire tous les moyens de défense résultant de leurs rapports personnels. Ils n’ont aucune action directe contre le commettant.
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