Tous les vendredis, Iwacu vous propose la chronique de Thérence Niyongere, poète, économiste de rue, chroniqueur de l’informel et conteur d’une économie qui marche autrement.
Chronique 1
Bienvenue dans la Survivons Valley
Imaginez un instant : un jour, dans un ascenseur capricieux d’un vieil immeuble de Bujumbura, un trio improbable se retrouve coincé : Aristote, un banquier du FMI et une maman burundaise, avec un panier de beignets et un bébé sur le dos.
On dirait le début d’une blague. C’est pourtant le condensé d’un système économique à la fois absurde et brillant.
Aristote, fidèle à lui-même malgré les siècles, déclare gravement :
— L’homme est un animal politique. Un agent rationnel visant la maximisation de son utilité dans un marché libre.
Le banquier, concentré, pense déjà aux taux d’intérêt, aux ajustements structurels et à la productivité marginale.
Mais la maman, fatiguée des théories et attentive aux réalités, sort calmement un beignet de son panier et le brandit comme une arme douce :
— Moi, l’homme, c’est mon fils. Et si cet ascenseur ne redescend pas, ce beignet-là, c’est 3 000 BIF. Inflation oblige.
Le banquier, surpris mais séduit, paie sans discuter. La maman lui vend trois beignets, lance une tontine dans le coin de l’ascenseur, convertit deux abonnés WhatsApp en futurs clients, et propose même un pack « animation + pâtisserie » pour un mariage.
L’économie informelle vient de prendre l’ascenseur vers le sommet de la créativité.
Un peu tirée par les cheveux, cette histoire ? Pas vraiment.
Bienvenue au Burundi, où l’économie se construit à la cuillère en bois, la politique se débat dans les bus surchargés, et la philosophie s’improvise sur les marchés, entre une botte d’amarantes et une prière du matin.
Ici, cher lecteur, point de Silicon Valley.
Mais nous avons la Survivons Valley : une zone économique à très haut potentiel de miracle quotidien, alimentée par le haricot, la débrouillardise et un Wi-Fi qui lâche toujours au mauvais moment.
Alors, installez-vous confortablement, détendez l’esprit et plongez dans une chronique hebdomadaire qui parlera de chiffres, oui, mais surtout de gens.
De rires qui font office de monnaie.
De solidarités plus solides que bien des politiques publiques.
Et d’une résilience qui ne demande pas la charité, mais qu’on l’écoute tambour battant.
Le Burundi, ce petit pays niché au cœur de l’Afrique, avance avec une résilience joyeusement obstinée.
Malgré les défis économiques, les Burundais gardent le sourire, la foi, et une capacité d’adaptation qui force le respect.
C’est cette force tranquille, cette ingéniosité du quotidien, que nous allons explorer ensemble.
Inflation galopante, dévaluation monétaire, pénurie de devises, chômage structurel…
Depuis des décennies, le Burundi encaisse choc après choc.
Pourtant, l’économie, vacillante mais vivace, continue d’avancer, portée par l’informel, la débrouille et une solidarité à toute épreuve.
Zoom sur une résilience « à la burundaise » : invisible aux radars macroéconomiques, mais bien réelle sur le terrain.
Entre la dévaluation du franc, les prix du riz qui dansent le tango, l’inflation qui grimpe comme un singe sur le dos des ménages, et des réformes qui arrivent à dos de tortue… le Burundi tient bon.
Debout, parfois bancal, parfois boiteux, mais debout.
Pas par magie. Par résilience.
Grâce à la foi, à l’humour, à l’économie informelle, au haricot… et à un sourire désarmant.
Et moi, Thérence, poète économique à propulsion manuelle, je vous raconte comment un peuple tout entier apprend à jongler avec les orages économiques… sans jamais lâcher sa casserole.
Comment un pays peut-il survivre avec un panier vide et un cœur plein ?
Peut-on vraiment parler d’échec économique dans un pays où l’humour, la foi et l’entraide nourrissent plus sûrement que le salaire ?
Et si la vraie richesse ne se trouvait pas dans les coffres des banques, mais dans l’ingéniosité des pauvres ?
Dans leur art de transformer la galère en stratégie ?
Ce Burundi, souvent regardé à travers les vitres froides des indicateurs internationaux, ne serait-il pas, en réalité, un géant silencieux, marchant sur des béquilles tressées de dignité ?
Qu’est-ce qui fait tenir debout une économie qu’on dit boiteuse, sinon les jambes invisibles de la solidarité et les rêves obstinés d’un peuple qui refuse de tomber ?
Peut-on mesurer la résilience ?
Comptabiliser l’espérance ?
Modéliser un chant communautaire ?
Le Burundi est-il en crise… ou en mutation invisible ?
Quand les indicateurs économiques s’effondrent, que reste-t-il ?
Peut-être l’essentiel : la vie, la chaleur humaine, et cette volonté têtue de ne jamais lâcher sa casserole.
À vendredi prochain !
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