Par Thérence Niyongere
Poète économique à propulsion manuelle.
Chronique N°3 : La Tontine ou la Banque Centrale de la Résilience
Au Burundi, quand tu n’as pas de compte bancaire, tu as la confiance.
Et quand tu n’as pas de chéquier, tu as les tontines.
Ici, l’économie ne dort pas dans des coffres en acier trempé, mais dans les cœurs bien ficelés d’un groupe WhatsApp nommé “Abizigirwa Finance”.
La tontine, c’est cette banque sans directeur, sans plafond, mais avec beaucoup de toit.
C’est une institution de rue, de ruelle, de ruche, qui prête, épargne, et sauve les jours difficiles sans le moindre costume-cravate.
On n’y dépose non pas un salaire, mais une promesse.
On n’y retire pas un billet, mais un espoir.
On y entre avec un sourire timide, et on en sort avec une marmite pleine.
L’art de l’épargne en mode tambour
Une fois par semaine, autour d’une table bancale ou d’un banc d’église, les membres déposent chacun leur mise : 5000 BIF, parfois 1000, parfois juste un « je paierai la semaine prochaine ». Et on note. Dans un vieux cahier. Avec un stylo partagé. Et beaucoup de foi partagée aussi.
Ici, pas besoin d’algorithmes pour calculer la solvabilité. On sait déjà qui rembourse et qui traverse une saison difficile. On ne fait pas de due diligence, on fait de la prudence affective. Et quand l’une tombe malade, les autres cotisent. Quand l’autre veut démarrer un petit commerce de beignets, les autres investissent. On ne parle pas de capital-risque. On parle de capital-dignité.
Plus fiable qu’un crédit bancaire ? Oui.
Car la tontine, c’est aussi une école de discipline.
Tu y apprends l’économie du quotidien, l’art d’honorer ses engagements même en temps de galère, la beauté du collectif dans un monde individualiste. Tu y apprends à dire : “Pas encore, mais bientôt.” Et surtout, à ne pas oublier l’essentiel : on ne s’en sort pas seul.
Alors pendant que les grandes banques ferment leurs portes à 16h, la tontine, elle, reste ouverte jusqu’au soir, dans les cœurs et les conversations. Elle accorde des crédits sans garantie, sauf la parole donnée. Elle finance des rêves qui n’auraient jamais franchi la porte d’un guichet.
Une question de confiance, une affaire de femmes
Car il faut le dire, la tontine est féminine.
Ce sont les femmes qui, bien souvent, l’ont portée sur leurs têtes comme elles portent les bassines : avec grâce, rigueur et régularité. Elles savent que l’économie commence par le haricot qu’on peut acheter ce soir, pas par les cours du pétrole à New York.
Ce sont elles qui transforment une mise de 1000 BIF par semaine en projet de couture, en scolarité payée, en champ loué. Ce sont elles, banquières du quotidien, qui ont compris avant tout le monde que l’avenir ne se construit pas avec des millions… mais avec des petits montants, versés sans faute, et une solidarité sans limite.
Et si c’était ça, la vraie Banque Centrale du Burundi ?
Pas celle des taux directeurs, mais celle des décisions dirigées par l’intuition.
Pas celle qui imprime les billets, mais celle qui imprime la résilience dans les vies.
Pas celle qui suit le dollar, mais celle qui suit le courage.
Alors oui, nos grandes institutions financières peuvent s’inspirer de cette sagesse populaire. Car la vraie stabilité financière, ici, ne vient pas des réserves en devises, mais des réseaux humains. Pas des taux d’intérêt, mais de l’intérêt qu’on porte à l’autre.
Et si demain, au lieu de créer un nouveau plan d’ajustement, on ajustait nos politiques à la réalité des tontines ?
Rendez-vous vendredi prochain, pour une autre leçon d’économie populaire, là où l’argent circule… sans jamais faire de bruit
Les tontines ont aussi leurs défauts. Il ne faudrait pas les glorifier à outrance : l’efficacité de la tontine dépend du nombre de participants. Plus il y a de participants, plus le temps d’attente est élevé pour certains.
Plus élevé encore, c’est le risque qu’il y ait défection (ou incapacité de payer d’un participant) avant que la dernière personne ait reçu sa part. Il n’y a donc aucune garantie, ni aucune protection (assurance) contre la perte de tout ce qu’on a donné en attendant.
La tontine dépend aussi de la confiance entre les partenaires/associés. La nature humaine étant ce qu’elle est, la convoitise et la cupidité (sans oublié les difficultés financières) peuvent avoir raison de la personne la plus honnête qui soit. Et bonjour les conflits!.. qui peuvent aboutir à des comportements et des règlements imprévisibles de compte, parce qu’il n’y a aucune loi qui encadre ce type d’investissement.
Résilience ou pas, tout est éphémère et soumis aux contraintes de la vie et aux lois de la nature.
Eminent poete economique!
Vos textes sont succulents de poesie et des pepites economiques et social. Recevez ma contribution a ta chroniques.
Mefiez-vous de la femme burundaise. Elle porte sur ses frêles epaules, a 80 %, l’economie familiale, agricole, sociale et sanitaire. C’est elle qui fait absolument tout: labour des champs, soins des enfants et des maris, corvee d’eau et de bois de chauffe. Les hommes leur font les enfants et c’est deja ca, tout le reste revient aux femmes. Sans jamais se plaindre.
Est-ce uniquement de l’oppression de la femme ou c’est aussi sa capaticite particuliere comme leur don intrinseque de multi-tasking? A un grand artiste-sculpteur sur bois on lui demanda pourquoi il ne represente que des femmes.
– Ce sont les seules que je vois au travail.
Dans les Eglises elles constituent 60% des fideles mais le pouvoir revient entierement aux hommes.
Les soeurs catholiques sont les chevilles ouvrieres de la charite christique: recueil de bebes abandonnes, orphelinats, soins aux personnes agees dont l’Etat se fiche eperdument, soins aux personnes handicapes. Une goutte dans un ocean de besoins mais Gandhi dit qu’une goutte dans l’ocean participe a l’immensite de l’ensemble.
Je suis fascine par l’extraordinaire etre feminin burundais depuis mon jeune age. Aragon disait que la femme est l’avenir de l’homme mais au Burundi la femme est tout, le present et l’avenir.
merci pour vos informations.
C’est beau !