Certaines personnes adultes embauchent les enfants pour aller mendier. D’autres louent des enfants vivant avec un handicap à cette même fin. Telles sont quelques sortes de traite des humains qui se remarquent dans l’ancienne mairie de Bujumbura. Delphine Ndacayisaba, psychologue clinicienne, suggère les mesures à entreprendre pour changer la situation.
Au moment où le Burundi se joint au reste du monde le 30 juillet pour célébrer la Journée mondiale de lutte contre la traite des humains, cette dernière reste un phénomène préoccupant et d’actualité dans le pays.
Il est 12 h sur le boulevard de l’Uprona, dans l’ancienne mairie de Bujumbura. Sous un soleil accablant, un groupe de cinq jeunes garçons dont l’âge varie entre 8 et 12 ans s’organise. « Tu vas rester devant la porte du T2000. Toi, tu restes ici. » Ces instructions sont données par le plus grand parmi eux.
Approché, l’un d’eux témoigne sous anonymat qu’il a été embauché par une dame de la même localité que lui. « J’habite à Gatunguru. Tous les jours, je dois venir ici en ville. Nous travaillons en équipe, chacun a son endroit où il va se pointer. Vers 19 h, nous nous rencontrons dans un endroit secret avec cette dame pour lui donner le rapport de la journée. »
À l’âge de 12 ans, il contribue à la satisfaction des besoins de sa famille avec l’argent perçu dans ce qu’il a appelé un job. « Nous formons une famille de sept enfants. Mon père nous a laissés pour aller en Tanzanie. Il n’est pas revenu il y a 2 ans. J’ai abandonné l’école lorsqu’on a commencé à manquer la nourriture. Je ne pouvais pas tenir en classe. Cette dame m’a donné ce job et j’aide ma mère qui vend du maïs cuit pour satisfaire les besoins de notre famille. »
Un montant estimé à entre 10 000 et 15 000 BIF est récolté chaque jour par chaque enfant. Agé de 9 ans, Tony Butoyi de la même bande, indique qu’avec le montant perçu, il perçoit 50 % du montant récolté. « Des fois, je rentre avec 7 500 BIF ou plus. Tout dépend de l’argent que j’ai eu pendant toute la journée. Il y a des fois qu’on obtient un petit montant. Là, on retranche seulement la ration et on rentre poche vide. »
Susciter de la pitié
Une augmentation du nombre de femmes portant des enfants vivant avec un handicap se remarque également. La vérité qui se cache derrière est que certaines femmes louent des enfants pour que les gens qui passent aient pitié pour elles.
Derrière l’ex-marché central de Bujumbura, Claudine Nahimana, d’une trentaine d’années, est assise sur des cartons portant un enfant vivant avec un handicap. Avec une voix triste, elle demande de l’aide pour avoir à manger.
Interrogée sur la maladie de son enfant, elle ne répond pas grand-chose. Elle vous demande plutôt de l’argent pour acheter la nourriture. « Je ne veux pas autre chose que l’argent. Mon enfant a besoin de la nourriture », lâche-t-elle.
Jeanne d’Arc Nduwayezu, commerçante d’habits dans la galerie « Village Market », témoigne que l’échange ou la location des enfants vivants avec handicap se fait souvent avec une clause fixant le montant que la locatrice va verser à la mère biologique de l’enfant.
« Les personnes qui travaillent ici peuvent en témoigner également. On peut voir une personne amener un enfant pendant deux jours ici. La semaine qui suit, on voit la même personne avec un autre enfant. Avant, je me demandais comment une personne pouvait avoir plusieurs enfants vivant avec handicap presque du même âge. »
Mme Nduwayezu appelle le gouvernement à voir comment regrouper toutes les catégories de mendiants dans des groupements de solidarité. « Il faut que le gouvernement prenne en main cette question à travers le ministère ayant la solidarité dans ses attributions. Il peut même leur donner des emplois afin que tous les mendiants aient des occupations. Pour ceux qui embauchent les enfants pour mendier, le gouvernement devrait agir afin de protéger ces derniers puisqu’ils constituent l’avenir du pays. »
Une cause de troubles graves

Delphine Ndacayisaba, psychologue clinicienne, explique que les enfants utilisés dans la mendicité peuvent souffrir de plusieurs troubles graves, entre autres le manque d’estime de soi, le retard affectif et émotionnel, le trouble du comportement ainsi que le risque de dépression ou de traumatisme.
« Sans soutien psychologique, ces troubles peuvent continuer à l’âge adulte. L’enfant aura des difficultés à aimer, à travailler ou à vivre en société. Le traumatisme dû à la violence ou à l’abandon dès son bas âge peut le poursuivre. Il sent de l’anxiété, ça veut dire qu’il sera toujours inquiet pour sa sécurité ou sa survie, ainsi qu’un isolement émotionnel, donc une difficulté à faire confiance à quelqu’un ou à créer des liens. »
Pour aider ces enfants et éviter des problèmes psychologiques futurs, la psychologue Ndacayisaba suggère au gouvernement de retirer ces enfants de la mendicité afin de les protéger des dangers de la rue et de l’exploitation.
« Ces enfants ont besoin d’un accompagnement psychologique, un suivi de la part des professionnels du domaine pour soigner leurs traumatismes. Ils ont également besoin d’un environnement stable et aimant : famille, foyer d’accueil ou centre de réinsertion. »
Ces mesures peuvent changer la vie de ces enfants et leur permettre d’avoir un avenir meilleur. Il ne faut pas oublier de « sensibiliser les parents et la communauté sur les dangers de la mendicité et l’importance de la protection des enfants pour leurs futurs meilleurs. Enfin, il faut encourager les activités sociales pour leur développement personnel et social. »
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