Incapacité pour satisfaire les besoins familiaux, famine, incapacité physique et mentale, maladies, morts… telles sont notamment les conséquences néfastes de la prise excessive des boissons très alcoolisées comme kick. Des gens appellent à agir pour arrêter les casses.
Sous un soleil accablant, des hommes ivres sont assis devant une boutique, à la 11ᵉ Avenue de la zone Kamenge de la commune Ntahangwa. Ils partagent la boisson appelée kick. De l’autre côté de la route, Jean Nkengurutse, âgé de 39 ans, est assis devant une « Alimentation ». Ivre lui aussi, il demande à son frère de l’argent pour acheter un autre godet de kick.
Sous anonymat, N. N., le frère de Nkengurutse, témoigne. « La situation que traverse mon frère résulte de la consommation excessive des boissons très alcoolisées. Il était plus riche que moi mais, regarde comment il est devenu incapable ! »
Pour lui, la consommation abusive des boissons très alcoolisées est l’un des facteurs occasionnant la famine dans les foyers ainsi que la baisse de l’économie nationale en général et celle familiale en particulier.
« Mon petit frère avait quatre enfants et une femme. Lorsqu’il a commencé à prendre ces boissons, notamment les liqueurs, il était tout le temps ivre. À un moment donné, il est devenu incapable de satisfaire les besoins de sa famille. Sa femme l’a quitté tout en lui laissant trois enfants. Elle est partie avec la plus petite fille. J’ai dû prendre en charge ses enfants en plus des miens. »
Il appelle le gouvernement, à travers la police, à arrêter toutes les personnes qui boivent de l’alcool pendant les heures de travail. Il faut qu’il y ait une modération dans la consommation et la vente des boissons très alcoolisées.
Des pots-de-vin
Un montant qui varie entre 7 000 et 8 000 BIF par semaine est déposé à l’administration locale par ceux qui vendent la boisson kick, témoignent certains boutiquiers de la zone Cibitoke. Ce qui leur permet de détailler la boisson dans des godets au vu et au su de tous.
Sous anonymat, N. X fait savoir qu’après avoir donné ce montant au chef de quartier, il a le droit de détailler la boisson kick. Il souligne qu’il récupère facilement l’argent qu’il verse comme pot-de-vin parce que la boisson rapporte beaucoup.
« Nous nous sommes arrangés avec les chefs de quartiers ainsi que les agents de sécurité pour qu’ils nous laissent détailler le kick dans les godets. Je peux facilement avoir un bénéfice de 30 000 BIF par semaine sur la vente de 5 cartons de kick seulement. »
Réactions
Espoir Uwase : « Les consommateurs devraient arrêter pour leur bien-être. »
Espoir Uwase, psychologue clinicien, souligne que la consommation des boissons très alcoolisées crée un phénomène de dépendance chez les consommateurs. Elle est caractérisée par des signes de manque sur les plans physique et psychique.
« C’est un phénomène où le consommateur se trouve dans un état complexe caractérisé par une recherche compulsive, parfois un besoin incontrôlable et un usage qui persiste même face à des conséquences extrêmement néfastes pour la santé. Cette situation génère des conséquences multiples, que ce soit au niveau de la vie sociale ou au niveau de la santé physique et mentale. »
Physiquement, les conséquences sont multiples, entre autres une perte de poids très importante, la cirrhose du foie, l’insuffisance rénale, un risque élevé d’être contaminé par une ou plusieurs maladies infectieuses comme le sida, les hépatites B et C, une vulnérabilité aux autres troubles somatiques du fait de la faiblesse de la défense immunitaire.
Pour lutter contre cette consommation excessive d’alcool, il faudra mener des interventions de prévention en sensibilisant sur ses méfaits ainsi que la prise en charge des victimes.
« Il faut également interpeller les décideurs et le gouvernement à redoubler d’efforts pour éradiquer la fabrication et la vente de ces boissons très alcoolisées sur tout le territoire national. Il faut revoir également la loi régissant la fabrication et la commercialisation des boissons très alcoolisées au Burundi. »
Selon M. Uwase les consommateurs doivent savoir qu’ils prennent des substances qui sont nocives à leur santé physique et mentale. Cela peut entrainer des perturbations sur leur vécu en particulier et sur le vécu de leurs familles en général.
« En ayant conscience des méfaits liés à la consommation de ces boissons, les gens réalisent que mieux vaut arrêter et prévenir pour le bien-être de leur santé physique et mentale ainsi que le développement de leurs familles et du pays. »
Albert Mbonerane : « Le gouvernement devrait lutter contre tous les produits qui nuisent à la santé de la population. »
Albert Mbonerane, représentant légal de l’association Action de lutte contre la malaria et la promotion de la santé mentale, Aluma, indique que la consommation de boissons alcoolisées de façon exagérée est un grand problème pour la santé humaine ainsi que pour l’économie familiale.
« On trouve des jeunes qui se sont perdus dans la consommation de ces boissons alcoolisées. Ils n’ont pas de travail, ils sont au chômage, ils passent tout le temps à circuler dans les quartiers. Quel sera l’avenir de ces jeunes ? Ils n’apportent rien comme plus-value. Par contre, ils vont chercher à voler, en commençant par la famille. Alors, quand l’économie est frappée dans la famille, cela affecte aussi le pays. »
Pour M. Mbonerane, la première responsabilité incombe au gouvernement. Il faut vraiment des politiques et des stratégies pour la création des emplois en faveur de ces jeunes. « Normalement, on a un service de l’État qui doit voir si réellement les normes sont bonnes par rapport à ces boissons. La santé est primordiale. Si le gouvernement ne prend pas des mesures strictes, les jeunes vont se perdre. Si on ne prépare pas ces jeunes, ça sera difficile d’atteindre le Burundi émergeant en 2040. »
Il trouve que le gouvernement devrait lutter contre tous les produits qui nuisent à la santé de la population afin d’atteindre l’objectif visé dans la vision du Burundi. « Des mesures strictes sont à prendre rapidement pour éviter le pire surtout chez la jeunesse. Cette dernière est composée par de futurs cadres qui vont diriger le Burundi dans la vision 2040-2060. »
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