Mercredi 24 avril 2024

Culture

Au Coin du feu avec Martin Ntirandekura

23/01/2021 Commentaires fermés sur Au Coin du feu avec Martin Ntirandekura
Au Coin du feu avec Martin Ntirandekura

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Martin Ntirandekura.

Votre qualité principale ?

Le silence tourné vers l’écoute d’autrui. Souvent, ces bribes de vérité de l’autre sont édifiantes.

Votre défaut principal ?

L’exigence sur le travail à accomplir et dans le temps imparti. Donner la priorité au temps.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

Le respect du temps, la ponctualité. Parce que le retard rend impatient et nerveux.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

Le refus de la vérité et l’hypocrisie

La femme que vous admirez le plus ?

La femme burundaise. Voyez-la avec un fagot de bois sur la tête, un enfant au dos, trainant avec elle deux chèvres qui tirent sur leur rallonge .Un tas de sacrifices qu’elle endure pour le bien des siens.

L’homme que vous admirez le plus ?

Le mushingantahe qui réconcilie les voisins et qui montre les valeurs de la communauté et a le souci de l’harmonie.

Votre plus beau souvenir ?

Ma réussite à l’examen diocésain. Il donnait accès à la classe de 6ème année. Je l’ai fait loin de chez moi, chez les frères Bene Yozefu à Giheta.

Votre plus triste souvenir ?

La mort de mon père. Il avait été à la fois un père et une mère.

En plus de 80 ans de vie ici sur terre, quel est votre regret ?

C’est que je me sens encore appeler à devenir plus homme devant les contraintes de la vie.

Marier à la même femme depuis plus de 50 ans. S’il vous était permis de choisir de nouveau, feriez-vous le même choix ?

Sans aucune hésitation ! Elle m’a donné la joie d’être père. Elle est toujours à mes côtés, soucieuse de mon bien-être et de mon bonheur. Grâce à elle, je suis devenu père et grand-père.

Quel serait votre plus grand malheur ?

Ne plus croire à la vie, perdre le goût de la vie, ne plus vivre la vie comme une grâce.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

Le recouvrement de la souveraineté nationale. Au cours de l’Umuganuro, nous chantions : « Burundi hangama ntiwigeze ugwa mw’isanganya. Urikombe ry’i Burundi. »

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

Le 1er juillet 1962, nous chantions Burundi Bwacu. Et je peux dire comme les soldats de Napoléon : « J’étais là.»

La plus terrible ?

Les différentes tragédies qui ont endeuillé le pays, et es corollaires qui ont engendré le régionalisme, l’ethnisme…

Le métier que vous auriez aimé exercer ?

Celui que j’ai exercé pendant plus de trente ans : former la jeunesse à travers plusieurs institutions scolaires, ouvrir l’esprit des jeunes.

Votre passe-temps préféré ?

La lecture et la correction de bien d’ouvrages écrits par les Burundais.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Lorsque j’étais enfant, je menais paître les vaches sur les plateaux de Cene. De là, on pouvait voir tout le pays en suivant les quatre horizons.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

Le Burundi

Le voyage que vous aimeriez faire?

Faire le tour du Burundi et admirer les transformations apportées par le réseau routier et le drainage des marais.

Votre rêve de bonheur ?

Ne pas manquer à ceux qui m’aiment. Leur offrir une présence lumineuse.

Votre plat préféré ?

Banane-haricot-légumes

Votre chanson préférée ?

« Rorate caeli de super et nubes pluant justum » (Priez le ciel pour qu’il fasse pleuvoir le juste)

Quelle radio écoutez-vous ?

RFI et KTO (télévision catholique)

Avez-vous une devise ?

Hais le mal, fais le bien.

Votre souvenir du 1er juin 1993(le jour où le président Ndadaye a été élu) ?

C’était le moment de l’alternance. Malheureusement, la tournure que les évènements ont prise est une catastrophe. Sur fond de l’ethnisme et de régionalisme, le pays a sombré dans un deuil sans nom.

Vous avez dispensé des cours à l’Université du Burundi, que faire pour redorer le blason de cette institution ?

Je pense qu’il faut commencer par la base. Voyez-vous, quel enseignement primaire, avons-nous ? Et le secondaire sur quoi le bâtir ? Une refonte s’impose.

Plus de 11 ans en tant que prêtre, qu’est ce qui a fait que vous changiez de carrière ?

Une dispute avec un de mes supérieurs hiérarchiques. En 1974, alors enseignant/éducateur au Collège Notre Dame, je fais part à ce dernier de ma désapprobation totale en rapport avec la façon dont certains cours étaient dispensés. Par après, une incompréhension s’en suit. Aussi, dois-je ajouter que je n’étais pas du tout d’accord avec la gestion des évènements de 1972.

Un conseil pour vivre heureux et épanoui ?

Sois satisfait de ce que tu es et de ce que tu as.

Votre définition de l’indépendance ?

Garder sa liberté d’opinion. Tenir compte du voisin et entrer en collaboration.

Votre définition de la démocratie ?

Les philosophes grecs la définissaient comme « le gouvernement du peuple pour le peuple par le peuple ». Pourtant, ils ont estimé que l’aristocratie devait conduire le peuple, le gouvernement des meilleurs.

Votre définition de la justice ?

Etre reconnu sujet des droits, dans l’équité et le respect de la dignité de toute personne.

Si vous étiez ministre de l’Education nationale, quelles seraient vos premières mesures ?

-Rassembler tous les acteurs de l’éducation nationale pour réfléchir sur les orientations qui guideront les enseignants
-Former les enseignants à leur vocation
-Respecter les normes sur l’effectif d’une classe
-Fournir le matériel pédagogique adéquat dans un environnement scolaire agréable

Croyez-vous à la bonté humaine ?

Oui ! Dieu ne s’est-il pas émerveillé par l’oeuvre de son amour.

Pensez-vous à la mort ?

La mort est la compagne de la vie. N’a-t-on pas appris que vivre, c’est apprendre à mourir.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

« Je te rends grâce pour la merveille que je suis devant ton regard »

Propos recueillis par Hervé Mugisha

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Bio-express

Né en 1938 à Makebuko où, il fait le cycle primaire jusqu’à la 5ème (à l’époque la 6e n’était pas organisée à toutes les paroisses, NDLR), Martin Ntirandekura fera la 6ème année à Giheta. Par après, il entre au Séminaire de Mugera en 1953.Le Grand Séminaire de Burasira l’accueillit en 1959 pour la philosophie, avant d’intégrer le grand Séminaire de Bujumbura pour la théologie jusqu’en 1965. Il entre à l’Université Officielle du Burundi en octobre 1965. Deux ans plus tard, il en sort avec le diplôme de candidature en Philosophie Romane. En octobre 1967, il part parfaire ses études à l’Université catholique de Louvain. Un cursus académique qui lui permet de décrocher une licence en Philologie et une agrégation à l’enseignement secondaire. Son parcours professionnel va du Petit séminaire de Mugera, au collège Notre Dame, à l’Athénée Mwami Mwambutsa IV, à l’Institut des techniques administratives, au Département de l’Enseignement supérieur et des Bourses d’études, à l’Ecole supérieure de commerce, au Bureau d’études des programmes de l’enseignement secondaire à l’Athénée de Bujumbura, au lycée SOS Hermann Gmeiner. Marié, il est père de 3 enfants (deux filles biologiques et un fils adoptif) et sept petits-enfants.

Editorial de la semaine

Une responsabilité de trop

« Les décisions prises par la CVR ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels. » C’est la disposition de l’article 11 du projet de loi portant réorganisation et fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation analysée par l’Assemblée nationale et le Sénat (…)

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