Mercredi 09 octobre 2024

Culture

Au coin du feu avec Agathonique Barakukuza

22/02/2020 Commentaires fermés sur Au coin du feu avec Agathonique Barakukuza
Au coin du feu avec Agathonique Barakukuza

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Agathonique Barakukuza.

Votre qualité principale ?

Il n’est pas facile de se juger. Si je suis obligée de le faire, je crois que c’est l’humilité.

Votre défaut principal ?

C’est toujours difficile de se juger soi-même. C’est sans doute la lenteur. Souvent quand je marche, quand je travaille, mon entourage me reproche de ne pas être rapide.

La qualité que vous aimez chez les autres ?

La franchise.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

La malhonnêteté.

La femme que vous admirez le plus ?

Chiara Lubich (22 janvier 1920- 14 mars 2008), la militante catholique italienne, fondatrice du mouvement des Focolari. C’est une femme qui prônait l’unité de la famille humaine. Un monde uni, où la règle est d’aimer son prochain comme soi-même. Elle a consacré sa vie à cet idéal, en posant des actes concrets.

L’homme que vous admirez le plus ?

Mahatma Gandhi. J’aime sa sagesse et sa philosophie de non-violence.

Votre plus beau souvenir ?

Le jour où j’ai appris que j’ai réussi au concours national. Je devais chaque matin faire plusieurs kilomètres à pied pour me rendre à l’école, et il faisait souvent très froid. J’avais donc tant souhaité cette réussite, qui devait marquer la fin de ces longs parcours matinaux.

Votre plus triste souvenir ?

La mort de mon père. J’avais des projets pour lui. Un jour, j’apprends qu’il est décédé avant que je ne puisse les réaliser. C’était dur de l’accepter !

Quel serait votre plus grand malheur ?

Ne pas pouvoir accompagner mes enfants jusqu’à l’âge adulte.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

La signature de l’Accord d’Arusha, le 28 août 2000. Après tant d’années de guerre fratricide, signer un accord constituait un espoir pour un avenir paisible du pays.

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

Le 1er juillet 1962, la date de l’indépendance. Etre libéré de la « chicotte » et bien d’autres contraintes qui étaient exercées par les colonisateurs sur les Burundais, c’est le rêve de tout Burundais qui est devenu réalité ce jour-là.

La plus terrible ?

Le 13 octobre 1961, date de l’assassinat du Prince Louis Rwagasore. Voir le leader qui a tant lutté pour l’indépendance mourir juste au moment où il venait de gagner, c’est comme une mère qui décède juste après l’accouchement. Un évènement terrible pour le nouveau-né qu’était le Burundi indépendant !

Le métier que vous auriez aimé faire ?

Quand j’étais encore jeune, je voulais exercer le métier d’avocat. Défendre les gens qui n’ont pas la possibilité de se défendre devant la justice. Parce qu’il arrive qu’une personne perde un procès ou des biens auxquels il devait avoir droit, à cause de l’ignorance des lois et des procédures. Un désagrément qui peut être évité ou atténué avec l’aide d’un avocat.

Votre passe-temps préféré ?

Regarder un film policier genre Derrick. Je suis particulièrement intéressée par le processus d’interrogatoire pour la recherche de la vérité. L’analyse des faits et gestes. Comment remonter, à partir de l’entourage d’une victime ou d’un autre point x, jusqu’à découvrir la vérité.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Ijenda. Un climat frais pour travailler ou se reposer. En plus ce n’est pas loin de la ville de Bujumbura pour s’approvisionner en denrées de diverses sortes.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

Le Burundi. Il y a du soleil et de la pluie sur toute l’année. Il ne fait jamais trop froid, jamais trop chaud, si l’on compare avec d’autres pays. En plus, les gens que vous croisez sur le chemin vous saluent, acceptent de temps en temps de causer avec vous et de rire.

Le voyage que vous aimeriez faire?

Un voyage vers la terre sainte. Visiter le pays de Jésus Christ. Les endroits où il a vécu, les lieux où il a accompli des miracles.

Votre rêve de bonheur ?

Voir tout Burundais disposer d’un revenu qui lui permet de couvrir ses besoins de première nécessité. Marcher dans les rues de Bujumbura et les autres villes et campagnes du Burundi, sans devoir me soucier des mains tendues pour mendier.

Votre plat préféré ?

Le «  Mukeke » accompagné de légumes.

Votre chanson préférée ?

La chanson intitulée « En chantant » de Michel Sardou. C’est une chanson qui invite à envisager la vie avec humour. Et c’est effectivement « plus marrant et moins désespérant », comme le dit l’auteur de cette chanson, quand on fait ce que l’on doit faire « en chantant », en essayant de se décontracter.

Quelle radio écoutez-vous ?

Je n’ai pas vraiment de préférence particulière. Mais comme je n’ai pas le temps d’en écouter beaucoup, je fais un tri. Pour celles qui émettent à partir du Burundi, j’écoute la radio nationale, la radio Isanganiro ou la radio Rema FM. Pour les radios étrangères, j’écoute la RFI ou la BBC. Cela me permet d’avoir plus ou moins le topo de l’actualité internationale.

Avez-vous une devise ?

Oui. Ne pas faire aux autres ce que je n’aimerais pas qu’ils me fassent. Cela permet d’éviter de faire du mal aux personnes que nous côtoyons.

Votre définition de l’indépendance ?

Pour moi, l’indépendance rime avec autonomie, la liberté de décider et d’agir, mais aussi la responsabilité.

Votre définition de la démocratie ?

Un système de gouvernance basé sur la délégation des pouvoirs du peuple aux élus, à travers les élections, et sur la redevabilité des élus envers ceux qui les ont élus. Cela suppose notamment le respect des droits de la personne humaine, la tolérance, la liberté d’expression et de mouvement.

Votre définition de la justice ?

Des lois équitables, réalistes et bien respectées.

Si vous étiez ministre de la Communication, quelles seraient vos deux premières mesures ?

L’opérationnalisation du fonds des médias. Ensuite prévoir des renforcements de capacité obligatoires pour les journalistes qui commencent la carrière, quitte à leur permettre d’exercer effectivement après une évaluation qui atteste qu’ils ont les compétences requises.

Si vous étiez ministre du Genre, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Consentir plus de moyens à la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG). Car à mon avis quand elles se produisent en famille, elles engendrent toutes sortes de violences dans la communauté. Et cela constitue une grosse entrave au développement.

Ensuite, j’orienterais beaucoup plus les actions de prévention des VSBG dans les familles directement. Car la justification profonde du comportement d’un individu, c’est sa famille nucléaire. Là où il a passé ses dix premières années.

Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ?

Absolument. L’homme naît naturellement bon comme disait Albert Camus. Et cela peut se constater si l’on observe les enfants. Quelqu’un qui a toujours vécu dans un endroit où l’on fait du bien ne fera que du bien. Quant à celui qui évolue avec des personnes qui font du mal, il finira par apprendre à faire du mal à son tour.

Pensez-vous à la mort ?

Oui, naturellement. Chaque fois que j’accompagne un parent ou un ami décédé, cela me rappelle que mon tour viendra un jour.

Si vous comparaissiez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Merci de m’avoir donné la vie et de m’avoir gardée jusqu’à ce jour. Ensuite je lui demanderais pardon pour toutes les fois où je n’ai pas agi suivant sa volonté.

Propos recueillis par Clarisse Shaka

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Bio-express

Née dans la province Bujumbura rural en 1968, Agathonique Barakukuza est une femme engagée dans la promotion du genre. Journaliste à l’Agence Burundaise de Presse (ABP) depuis 25 ans, cette mère de 5 enfants est titulaire d’un diplôme de Licence en Sciences de l’Education et d’un Master Complémentaire en Genre, Institutions et Sociétés (GIS). Cette consultante en genre a été présidente de l’Association burundaise des femmes journalistes (octobre 2015- février 2017)  et Présidente du Réseau des Femmes des médias d’Afrique des Grands lacs (RFMGL), de 2011 à 2015.

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