La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a organisé ce jeudi 13 novembre 2025, une réunion à l’intention des rescapés et des ressortissants des communes de Ntega et Marangara, afin de recueillir un maximum d’éléments en vue de bien préparer les enquêtes, les auditions et les excavations des fosses communes liées aux massacres perpétrés dans ces localités en 1988.
Selon le président de la CVR, Pierre-Claver Ndayicariye, la réunion avait pour objectif de recueillir des idées, des informations et des observations en lien avec les massacres et les différentes théories entourant les événements de Ntega et Marangara de 1988.
Il a expliqué que la Commission souhaite synthétiser les contributions des cadres natifs de ces deux communes et les confronter aux informations déjà collectées lors des réunions précédemment tenues sur place.
D’après lui, cette démarche vise à rassembler des éléments qui permettront de définir, au moment opportun, une méthodologie d’enquête solide.
Il a indiqué que la CVR se réfère à diverses sources : ouvrages, témoignages d’anciens responsables territoriaux, acteurs du secteur judiciaire ou encore représentants religieux.
L’objectif est, selon lui, de «donner la parole à ceux qui savent », c’est-à-dire aux témoins directs, plutôt qu’à ceux qui ne font que rapporter des récits entendus.
Le président de la CVR affirme que cette logique justifie la présence, à la réunion, de hauts cadres de l’État, d’anciens ministres, d’enseignants et d’anciens élèves des internats de la région, qui auraient assisté directement aux événements. Pour lui, il s’agit de recueillir l’information « à la source » afin de mieux orienter les futures investigations.
Les participants à cet atelier ont pointé du doigt les crises non résolues du passé, dont les massacres de 1972, qu’ils considèrent comme des précurseurs de la crise de Ntega et Marangara.
Le général de Brigade Gaspard Baratuza, porte-parole de l’armée et ancien élève du Lycée Ngagara au moment des faits, a fait savoir que, déjà en 1987, une année avant la crise, certains élèves de son établissement avaient tenté d’organiser des grèves en réaction au malaise politique que traversait le pays.
Selon Pierre-Claver Nahimana, représentant du parti Sahwanya Frodebu et gouverneur de la province de Bujumbura au moment des faits, le gouvernement de l’époque ne maîtrisait pas la situation, en particulier la répression menée par les militaires. Il a insisté sur le fait que le climat politique de l’époque, marqué entre autres par les massacres de 1972, avait préparé le terrain à la crise de Ntega et Marangara.
Pour Espérance Nkurunziza, du département des partis politiques au ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, il est temps que la CVR s’associe à d’autres organisations, notamment religieuses et spécialisées dans la résolution des conflits, afin de mieux contribuer à la reconstruction du pays et sortir définitivement de ce cercle vicieux.
Le principe du « plus jamais ça » dépend de la justice et de la gouvernance

Les victimes et les rescapés de la crise de Ntega et Marangara ont insisté sur un « plus jamais ça ». Selon Agathon Rwasa, acteur politique, ce principe n’aurait de sens que si les causes profondes des crises burundaises venaient à être pleinement abordées.
Il déplore le fait que les différentes administrations aient eu, au fil des années, recours à des discours manipulateurs pour influencer l’opinion publique. Il rappelle qu’à l’époque de certaines crises, des autorités présentaient les victimes comme des ’’collaborateurs des colons impérialistes’’.
Aujourd’hui encore, souligne-t-il, toute critique du gouvernement peut être perçue comme une collusion avec des intérêts étrangers. Il a illustré ses propos en évoquant les négociations d’Arusha, après la crise politique de 2015.
Alors qu’il plaidait pour que les recettes des minerais profitent à toute la population et pour des réformes visant à mieux encadrer le secteur, certains médias, notamment une radio proche du pouvoir, l’avaient accusé de vouloir offrir ces ressources aux puissances occidentales.
Pour lui, ce type de manipulation est dangereux, car il conduit à désigner certains citoyens comme « ennemis de la Nation » et à en ériger d’autres en « patriotes ». Il appelle les autorités à mesurer l’impact de leurs discours et à garantir le respect du droit d’opinion, rappelant que la manipulation de l’opinion publique a été l’un des facteurs déclencheurs des crises passées.
Cet ancien président du parti CNL estime par ailleurs que les crises récurrentes du Burundi trouvent leur origine dans des problèmes de gouvernance et de leadership. Il affirme que des discours irresponsables peuvent attiser les tensions, surtout lorsqu’ils exploitent les frustrations sociales.
Concernant les événements de Ntega et Marangara, il note que la genèse directe reste encore mal identifiée, même si les causes profondes sont liées à des inégalités persistantes et à une gestion défaillante.
Il affirme qu’aussi longtemps qu’une société fonctionne sur une gestion inéquitable, les acteurs mal intentionnés trouveront toujours l’occasion d’exploiter ces failles, avec des conséquences potentiellement catastrophiques.
Fort de son expérience personnelle dans plusieurs crises cycliques ayant endeuillé le pays, il rappelle que le principe du « plus jamais ça » ne doit pas s’appliquer uniquement au passé, mais également au présent.
D’après lui, « la recrudescence récente d’enlèvements et la découverte de corps sans vie dans différentes localités nourrissent l’inquiétude de la population ». Il estime que ces situations rappellent combien il est urgent d’adresser les causes actuelles de l’insécurité pour éviter de retomber dans le même cycle de violences.
Pour le président de la CVR, les enquêtes profondes n’ont pas encore débuté. Il affirme que les Burundais doivent comprendre l’importance d’établir la vérité, la lumière sur le passé douloureux qui a endeuillé le pays. « Les ethnies ne tuent pas, ce sont les hommes qui tuent ». Il ajoute que « ce n’est pas la vérité qui n’est pas connue, mais les messagers de la vérité qui manquent ».






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