Dans le cadre du projet de Renforcement de la société civile ( ICSP II : Irish Civil society program), l’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB) a organisé une table ronde médiatique en collaboration avec la Radio-Télévision Isanganiro afin de plaider pour l’amendement de la loi sur les VBG de 2016. C’est activité qui s’inscrit dans le cadre des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles a été organisée le 8 décembre 2025.
L’Association des Femmes Juristes du Burundi (AFJB) s’est beaucoup impliqué dans le plaidoyer pour l’adoption de la loi en vigueur en matière de répression des violences basées sur le genre depuis 2011. Elle salue l’adoption de cette loi mais déplore qu’elle contienne des lacunes qui méritent d’être corrigées. Elle est en contradiction avec d’autres textes juridiques majeurs notamment le code des personnes et de la famille, le code pénal et le code de procédure pénale.
Selon Alphonsine Bigirimana, Avocate, Consultante et membre de l’AFJB, cette loi sur les VBG manque de structuration claire et de portée suffisante. Selon elle, une loi dite « spéciale » devrait primer sur les autres textes juridiques en matière de VBG, afin d’assurer une répression efficace et adaptée.
Elle cite l’article 1 de cette loi, qui stipule : « Sans préjudice des dispositions pertinentes du Code pénal et du Code de procédure pénale, la présente loi a pour objet la prévention, la protection et la répression des violences basées sur le genre. »
Pour elle, cette formulation limite l’autonomie de la loi. Le juge peut choisir d’appliquer le code pénal qui prévoit des peines plus souples et légères. Elle recommande que cette disposition soit retirée pour la rendre autonome.
La loi en vigueur considère que les violences économiques et/ou psychologiques sont restreintes aux relations conjugales alors qu’elles peuvent avoir des origines en dehors de la famille. « La loi donne l’impression que seules les violences au sein du foyer conjugal sont concernées, alors que des formes de VBG peuvent aussi être infligées en dehors du mariage ».
Alphonsine critique l’Article 60 qui stipule que toute personne qui incite à la violence basée sur le genre par un habillement jugé indécent doit être puni. Elle considère que cet article semble culpabiliser indirectement les victimes. Cela peut être interprété comme une forme de justification des actes de violence, en plaçant une partie de la responsabilité sur la victime.
De son côté, Mélance Cishahayo, membre de l’association JIJUKA, estime pour sa part que la loi, bien que « imparfaite », a tout de même eu un effet dissuasif. Il déplore que la loi les VBG demeure en contradiction avec d’autres lois. « Certains articles renvoient directement au Code pénal et au Code de procédure pénale. Or, depuis, plusieurs dispositions de ces codes ont été modifiées, ce qui crée une confusion totale dans l’application de la loi », regrette-t-il.
Pour sa part, Dominique Nsabimana, chargé de projets au sein de COCAFEM estime lui aussi que cette loi n’est pas autonome. « Dès le premier article, il est précisé que cette loi ne peut pas aller à l’encontre de certaines dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale. Cette concurrence affaiblit considérablement son efficacité », explique-t-il.
Autre point préoccupant : la sévérité des peines prévues par la loi sur les VBG est souvent contournée. « Alors que cette loi propose des sanctions plus lourdes pour les auteurs de violences, les juges préfèrent souvent se référer au Code pénal, qui prévoit des peines moins sévères. », conclut-il.
Réformes à faire :
Pour Alphonsine Bigirimana, une loi sur les VBG devrait être multidimensionnelle : « Elle doit couvrir la prévention, la répression, la protection des victimes et des témoins, ainsi que le dédommagement des victimes. Elle doit aussi être assortie d’une procédure spéciale, rapide, et accessible. »
Elle plaide aussi pour une justice de proximité. À ses yeux, les victimes rencontrent de grandes difficultés pour accéder aux tribunaux de grande instance, souvent éloignés de leurs lieux de résidence. Elle propose donc que les tribunaux de résidence soient compétents pour connaître les affaires liées aux violences basées sur le genre.

Selon Dominique Nsabimana, chargé de projets au sein de COCAFEM, les organisations réunies au sein de de l’alliance stratégique de plaidoyer ont élaboré un avant-projet de loi portant amendement de cette loi et a été déposé au cabinet du ministère en charge du genre. Les organisations dont l’AFJB attendent que cet avant-projet de loi fasse l’objet d’une analyse au Conseil des Ministres avant son adoption au parlement.
Parmi les propositions phares, l’article 1er a été modifié afin de garantir l’autonomie de cette loi, évitant ainsi qu’elle soit subordonnée à d’autres textes législatifs comme le Code pénal ou le Code de procédure pénale. Cette révision vise à renforcer l’efficacité de la loi dans la répression des VBG.
L’article 2 a été enrichi par l’introduction de nouvelles définitions, notamment celles liées à la cybercriminalité, aux violences commises sur Internet, au proxénétisme et à une distinction des différentes formes de VBG.
À l’article 11, des propositions ont été formulées pour alourdir les peines infligées aux auteurs de VBG commises contre les mineurs, en vue de mieux protéger cette catégorie vulnérable.
Par ailleurs, les articles relatifs à la protection des victimes ont été renforcés afin d’éviter leur stigmatisation ou leur envoi de leur travail à cause de leurs absences. Il y a intégration de nouvelles dispositions spécifiques à la protection des personnes vivant avec un handicap.
L’un des ajouts les plus marquants concerne l’introduction de huit nouveaux articles traitant des violences numériques, un phénomène en pleine expansion qui nécessitait une réponse juridique adaptée.
Mélance Cishahayo souligne un obstacle majeur qui dissuade les victimes de porte plainte. Les victimes ne bénéficient protection légale suffisante. En effet, les procès se déroulent souvent en public, ce qui peut exposer et stigmatiser les victimes. Elle recommande que les procès pour violences sexuelles et viols se tiennent à huis clos afin de préserver l’identité, la dignité et l’intégrité des victimes.
Tous les intervenants s’accordent sur l’urgence de réformer la loi de 2016 sur les VBG afin de la rendre plus cohérente, autonome et efficace. Ils appellent le gouvernement à s’impliquer pour l’amendement de la loi en vigueur et à son application rigoureuse pour l’édification d’une société exempte de violences basées sur le genre.









Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.