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Opération « A la recherche du centimètre perdu »

07/07/2014 22

A 3h du matin, ce samedi 28 juin, la police burundaise faisait irruption dans les boîtes de nuit du centre de la capitale. Objectif : lutter contre la débauche et la consommation des stupéfiants. Mais les méthodes utilisées risquent de faire plus de mal que de bien.

A la recherche du centimetre perduQuand déboule sur la piste un policier, pistolet en l’air dans chaque main (il n’en avait que deux, heureusement ou malheureusement c’est selon) façon hold up dans un vieux western, certains éclatent de rire. Hélas, rira bien qui rira le dernier : voilà que l’ordre est intimé d’éteindre la musique, que les agents de l’ordre, mines fermées, l’œil alerte, investissent les lieux.
Ça ne rigole plus sur le Boulevard de l’Uprona, du tout alors !

Havana Club, Crystal, Sparks, Toxic, Aosta, et même plus loin, Rakka ou Kiss Club : on cherche les filles (on en emportera 107, dont une cinquantaine de mineures, selon la police). Dans la ligne de mire : celles qui ont par exemple eu le malheur de faire confiance à cet été naissant, laissant quelque bout de jambes plus qu’il n’en faut à l’air libre.
Enfin …, cela relève de l’appréciation des augustes et inattendus hôtes.

Hop ! Et je te la happe par la hanche, et je te la pousse vers la porte, et un coup de bottine dans ce fessier fourni (callipyge, pour les amateurs de la langue de Molière) de la demoiselle pour accélérer la cadence, ça crie, ça pleure, « Mais pourquoi plongez-vous vos mains dans mes poches ? » hurle celle-ci alors que le policier la propulse dans le camion bleu sombre, la pagaille. Les jeunes mâles sautent au volant des voitures ça et là parquées, on entasse la gente féminine qui a pu s’échapper par grappes de trois, démarrage sur les chapeaux de roues, disparition dans la nuit noire. Ou alors, comme au Cristal, on se cache dans les toilettes … avant que les policiers ne vous en tire de force.

Les dommages collatéraux ne manqueront pas, comme cette brave dame qui, neuf heures plus tard, dans l’enclos du Commissariat municipal de la police (ex-Bureau Spécial de Recherche), secoue toujours la tête, hébétée : « Je passais juste Boulevard de l’Uprona quand les policiers m’ont embarqué ! », explique-t-elle à qui veut l’entendre, dont l’Ombudsman, les clés de sa voiture entre les doigts. Elle porte un jean bleu. Long, qui couvre ses semi haut-talons : « Les policiers m’ont dit que j’essayais de m’échapper … »

Autres victimes de l’opération : les Messieurs qui l’ont joué façon Abashingantahe. Apparemment, le concept est éculé. Les 33 hommes arrêtés avaient voulu calmer les choses, comprendre un peu sur cette rafle brutale. Ces gentlemen voulaient dialoguer, expliquer aux policiers que telle est la chère épouse, la précieuse sœur qui fête la fin du lycée, une cousine qui, malgré sa peau foncée, vient des lointaines Amériques et qui ne comprend rien au kirundi (encore moins à la bienséance des jupes burundaises), éviter qu’on ne brutalise la merveilleuse copine.
Or il fallait faire profil très bas. Raser la piste d’humilité.

L'Ombudsman saluant une des nombreuses mères venue chercher sa fille arrêtée la nuit le long du Boulevard de l'Uprona ©Iwacu
L’Ombudsman saluant une des nombreuses mères venue chercher sa fille arrêtée la nuit le long du Boulevard de l’Uprona ©Iwacu

Exemple parmi tant d’autres : le boss du Cristal qui voit un policier tirer sa moitié du comptoir où elle tenait la caisse, pour le funeste camion. Le sang lui monte aux joues, il s’interpose : « Mais c’est ma femme, c’est la patronne ! », lance-t-il. Il n’a jamais su comment la gifle lui est parvenue. Cadeau express. Quelques minutes plus tard, le patron du Cristal roulait pour l’ex-BSR.

Dans ces altercations sur des principes de civilité, l’ancien directeur de la RPA, Eric Manirakiza, aura même droit aux menottes. Son crime ? « Face au silence des agents de l’ordre auxquels je demandais la raison de la rafle, j’ai commencé à prendre des photos en tant que journaliste », explique-t-il. Il venait de quitter son domicile alerté par un couple ami à la recherche de leur fille, majeure, joyeusement déposée devant le dancing Aosta une heure auparavant …

M. Manirakiza sera relâché dans la matinée de samedi, bien avant les autres qui quitteront le Commissariat dans l’après-midi.
Quelques heures avant, l’Ombudsman a été rendre visite aux « détenus » du Commissariat de Buyenzi, demandant à la police de traiter rapidement les dossiers des personnes arrêtées, en veillant notamment aux étrangers (un Belge, un Zimbabwéen, un Américain, un Ougandais et des Rwandais), pour que les personnes majeures soient relâchées au cours de la journée, « quitte à continuer les enquêtes après. » A part les gérants de ces boîtes de nuit, toutes les personnes arrêtées étaient libres samedi soir.

Forum des lecteurs d'Iwacu

22 réactions
  1. hat

    Mr Rugero, la rafle a été décidé par quel officier de police? Connaître son parcours peut nous faire comprendre son oeuvre.

  2. Barivuge Damien

    Felicitation a l’homme qui a fait la caricature. Il a un trait de genie. Ondeniable. Courage.
    Je crois que la caricature a livre tout le message. Monsieur Roland n’avait pas besoin de disserter.

  3. Jamahaar

    Des methodes musclees a la Guestappo ou la Securitate de sinistre memoire:de grosses violations des droits de la personne et des libertes publiques juste pour ces illlusoires fanytaisies de la protection des « bonnes moeurs! »Et on cesse de casser les timpas que le Burundi est un pays democratique ouvert au business et qu’il faut se presser pour y investor.Ce genre d’operations sont de loin d’assurer les eventuels entrepreneurs qui voudraient risquer leur maggot pour la creation des emplois et reduire le taux eleve de pauvrete.Au lieu de resoudre des problemes securitaires ou de depravation des moeurs, les autorites ne font que se tirer une balle dans le pied et continuent d’aggraver leur cas en salisant advantage l’image du pays dont ells sont normalement senses promouvoir.

  4. kimeneke

    Vios uri umuti wamenyo nuko ubwira abipfamatwi

  5. Cubahiro Chantale

    Probleme c’est pas les jupes courtes. Dufise ibisusu binini bituma impuzu zica ziduga namwe mukayafyura, imitima ikabavamwo. Ko mubidukundira, reke tubanezereze.

    Diminuez votre appetit et arretez de vous comporter comme des animaux, et vous verrez la suite: tuzokwitwikira gushika kugitsi. Plus besoin d’intervention policiere et emprisonnements qui s’en suivent.

  6. vios

    Mbega mushaka iki??? Iki gihugu caraheze umwe wese nukwimenya iyo rafle izo mburakimazi zagize ngo naba polisi ifise iyindi ntumbero,ils sont passes a cote de toxic pour degager abantu bose bari muri crystal heheheheeh avec bien sur patron et patronne, nokebura banyene ivyo birabo ko bokwishikana bakaza baratanga icayi kwa commissaire kandi ngira barabibabwiye kuko bo basigayeyo bonyene kugire bikore kuwi nyuma.
    Aha mu burundi abo bapolisi kuva kuri chef gushika kuri barya birigwa kuzuba, bajejwe gucakaza abanyagihugu umwe aho atumbereye nayo ivyumutekano nukwimenya muhuye mw’ijoro utirutse urakabona.
    Pole sana mwabana mwari kwitambira ce qui est votre droit le plus absolu nayo ivyo vyama moeurs bavuga nabo basuma bafukamye igihugu cose munda bakwiye gufatwa nibo bahumbisha iyo miyabaga mukubahendesha ubufaranga,iyo drogue nayo ni kuki badafata abayicuruza ????
    Mbe basha Rurimirije yoba yaragarutse ?
    Ico gi polisi bagenzi nukucikorera mpaka uwadukwegeye nuwishe Ndadaye,sinon ntaba generaux batazi no kwandika izina ryabo tuba dufise nimureke rero tuwunwe.
    Impene yarivyariye umugabo

    Ciao

  7. burundian

    none burya mineur = fille ? nta bahungu baba mineurs? bobo ntibakwiriwe kubuzwa l’entrée? si vraiment arivyo barondera? ooh chère patrie…!!

  8. Bizimana

    Cet article remet en lumière le manque de professionnalisme chez nos policiers. Si l’immoralité sexuelle doit être combattue, le procédé utilisé est plus répréhensible qu’efficace. Imaginez la blessure qu’ont subie les filles arrêtées; la publicité de leur prétendue immoralité risque de les affecter négativement pour le reste de leur vie, leur estime de soi a été sérieusement affectée.
    Si réellement on veut s’attaquer à l’immoralité, il faut penser à un programme plus globale et mieux réfléchi. Si on sanctionnait les gérants des boites qui laisseraient entrer des mineurs, la fréquentations des dancing pourra être limitée. Plus fondamentalement, il faut aussi peut-être situer le problème dans leurs familles de provenance et dans la société en générale. Comme le disait quelqu’un ‘mbe abavyeyi bambara izigera ku bibero, abana babo nibo boca bambara ndende?’. La plupart des habitudes vestimentaires sont appris via la télévision et l’internet. L’interdiction des programmes et des sites contraires aux bonnes mœurs peut contribuer à lutter contre l’indécence.

    En un mot, je suis totalement contre les arrestations et surtout l’exposition des personnes arrêtées pour des affaires de mœurs, ce qui viole d’ailleurs leur présomption d’innocence et entame their self-esteem. Une politique bien réfléchie pourra changer positivement la situation sans provoquer aucun dégât surtout sur l’estime de nos jeunes filles.

  9. borntomakelovenotwar

    Aux diplomates qui le portent à la main et le pique partout : http://www.seneweb.com/news/Afrique/l-ambassadeur-du-togo-au-gabon-retrouve-mort-avec-une-fille-ce-matin_n_125574.html; ça vous apprendra.
    Je pense que c’était une petite dose de brutalité pour humilier ! De cette façon certain(es) ne reviendront pas dans ces endroits.

  10. goldman hypolite

     »A la recherche du centimetre perdu » Sera-t-il facile de le retrouver? Si oui, comment?

  11. KAMASHU

    La Police Burundaise ne sera jamais professionnellle, sauf si on la réforme. Quand tout le monde a vu les scènes filmés live du fisillade des militats du MSD et les militants de l’UPRONA gazés au Lacrim, certains ont pensé qu’ils ne feront jamais face à cette « Police Nationale Brutale ». La police burundaise est le résultat de la fusion de la Gendarmerie Nationale, PSP, Pafe, des indisciplinés de la FDN et des illetrés maquisards FDD et autres PMPA. Leurs actions sont plus commandées par la moelle épiniaire que le cerveau. Ils n’ont pas besoin de s’expliquer ( car eux mêmes ils n’ont pas reçu d’explications) mais d’agir selon la volonté de leur chefs. NTAWUTANGA ICO ADAFISE

  12. BIBI1er

    C’est dingue comme porter l’uniforme bleu donne bien plus de droits, arbitrairement choisis, que de devoirs qui ne manquent pas comme tout simplement assurer la sécurité des personnes… Les méthodes décrites dans cette article s’apparentent plus à un agissement contribuant à renforcer le sentiment d’insécurité… 🙁

    • KABADUGARITSE

      Oui bien sûr et il ne faut pas en douter une seconde. J’ai vu, dans une ville occidentale, des policiers qui activaient leur jirofare et axionaient les sirènes de leur voiture juste pour dégager leur passage suite à un bouchon provoqué par une circulation intense à l’heure de pointe.

      Quant au reste, je crois qu’il faut remettre un peu d’ordre dans nos habitudes aux bistrots et nos boîtes de nuit. Tellement il y a trop de dégâts. Au demeurant, nul n’est saint. Ni les parents encore moins les tenants de ces boîtes. Nous sommes tous dans l’erreur qui devrait être appréciée par un tri minutieux des policiers courageux et honnêtes.

  13. Jereve

    On a le sens de la mesure dans ce pays! Quand il faut sévir contre les petits délinquants, on sort la grande artillerie lourde. Mais quand il faut s’attaquer aux grands délinquants qui mettent le pays à sac, on s’arme de petits chasse-mouches.

  14. Tonton

    Vraiment, ça me rend malade cette sortie policière. je manque simplement à dire. Oh les mœurs!!!!!
    Elle est ni efficace ni efficiente cette police!!! Mais, qui a commandité cette attaque cette nuit là (je crois vraiment à l’attaque car brutaliser les gens paisibles qui fêtent leur joie de vivre c’est de la folie). Si des mineurs y étaient pourquoi ne pas commencer par une mise en garde public et médiatique de tous les concernés (les responsables des bars et boites de nuit, les parents, les mineurs, etc….)?

  15. stephane

    Il est normal d’être choqué par les mini-jupes que portent les jeunes filles d’aujourd’hui. Elles ne sont pas compatibles avec la morale burundaise car traditionnellement, comme le montre la dernière photo de l’article d’Iwacu dont je colle le lien ci-dessous, les jupes se portaient bien plus longues que maintenant :
    http://www.iwacu-burundi.org/danse-musique-burundi-ambassadrices-nation/

  16. BOB

    Je plaint le journaliste qui essai de suggèrer le proffessionalisme chez la police burundaise c’est quasi impossible. Quand on engage des « anciens domestiques » et autres illetrés, complexés et rancuniers envers la société à cause de leur précéndentes et actuelles vies miserables tu risque de te retrouver entrain de souhaiter à ta pauvre poule de pondre des oeufs en or…

    • UMUKIZWA

      BOB
      Je plaint le journaliste qui essai de suggèrer le proffessionalisme chez la police burundaise c’est quasi impossible. Quand on engage des « anciens domestiques » et autres illetrés, complexés et rancuniers envers la société à cause de leur précéndentes et actuelles vies miserables tu risque de te retrouver entrain de souhaiter à ta pauvre poule de pondre des oeufs en or…

      Cher Bob, pourriez- vous pousser la réflexion plus loin et avoir le courage de nous dire qui est responsable de leurs précédentes et actuelles vies misérables, à ces « anciens domestiques et autres illettrés »?
      Je voudrais vous dire, pour votre information que dans les années passées (ou les régimes passés que je me garde de nommer), certains Burundais intelligents se sont retrouvés domestiques et illettrés simplement parce que quelqu’un d’autre, moins doué, avait emprunté leurs noms dans le concours de fin d’école primaire qui donne accès à l’école secondaire alors qu’ils avaient réussi. Et les usurpateurs ont continué frauduleusement comme si de rien n’était, leurs études jusqu’aux grandes universités sous les noms de ces « domestiques et illettrés », car ceux-ci devenaient naturellement irrecevables au niveau secondaire parce étant donné que leurs notes avaient été subtilisées et données à quelqu’un d’autre, qui par la suite est devenu ministre ou personnalité importante dans le pays pendant que le pauvre croupissait dans la misère car renvoyé de l’école.

  17. Buntu

    Tout a fait d’ accord avec la protection des bonnes moeurs. Mais je suis contre la brutalite et l’ humuliation.
    Il faut d’abord donner une bonne formation aux policiers avant de les deployer dans la rue. Sinon on verra nos filles et femmes violer par ces memes policiers pendant les raffles. Il faut a tout prix reformer notre police. Il faut exclure tout ces anciens domestiques et combattants. Il faut un minimun de formation scientifique pour devenir policier. Le diplome d’humanite complete reussie devrait etre une condition pour etre policier. Il faut que chaque policier soit scruter au niveau de son casier judiciaire ainsi que moeurs! Ca me revolte quand ces maigrichons policiers sans education ni scientifique ni sociale menace les gens partout dans la rue. Que quelqu’un qui est responsable arrete l’ humuliatn des citoyens burundais et etrangers par une police incompetente. Et puis l’education ca commence pas a la sortie des boites des nuits. C’ est plus profond que ce qu’ ils pensent ces policiers et l’ombousman qui se fait de la publicite et qui n’ est lui meme pas efficace.
    Faut – il un conseil pour l’etablissement et definition des moeurs burundais? Faut-il aussi respecter l’etranger en faisant respecter nos moeurs?
    Est- ce que les moeurs des annees 1800 sont aussi applicable aujourd’hui. Voila certaines des questions auxquelles il faudra repondre. Merci.

  18. Uwarugwanye

    Reka kuduhenda ngo abaporisi barwanya ubuhumbu mu gihugu. Baronse ivyo bakora ataco bizanira abanyagihugu. Aho gufata abariko barinezerererrwa ntiboja gufata ba ba catcheur bo mu kamenge bagisibije?

    • canda

      wewe ntubona ko bariko baraba ibihumbu

  19. Truth

    Burundi is already the second poorest country in the World, the least the Government could do is to let its people enjoy their freedom to party. These Policemen forget that the girls wearing mini-skirts are Burundian citizens, who the police is paid to protect not attack and imprison. Come 2015, CNDD-FDD will receive 1% of the votes in Bujumbura.

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