Mardi 15 octobre 2024

Économie

Zone économique spéciale : que de zones d’ombre

23/02/2021 11
Zone économique spéciale : que de zones d’ombre
Le nouveau marché de la zone économique spéciale

Mises à part les causes naturelles, la Zone économique spéciale à ériger à Gatumba peine à s’implanter et accuse un manque de plan de construction, de feuille de route, d’électricité, d’eau, de communication entre les parties prenantes. Et tout cela freine les travaux de sa mise en place.

Lundi, 22 février 2020, nous sommes à Warubondo, dans la zone de Gatumba, en commune Mutimbuzi de la province de Bujumbura, c’est à quelques kilomètres de la frontière avec la RDC. Et c’est là où se situe le périmètre où sera érigée la Zone économique spéciale.

Il s’observe quelques infrastructures : six maisons, un hangar et un bloc administratif. Cette Zone économique spéciale a une superficie de 500 hectares.

Le premier ministre burundais, Alain Guillaume Bunyoni, accompagné des ministères sectoriels dans l’exécution de ce projet a effectué une visite des constructions de la société PROCERV, signataire, il y a 3 ans, de la convention de construction des infrastructures destinées à accueillir Zone économique spéciale.

Après la visite guidée, le premier ministre a tenu une réunion d’échange avec les ministres concernés dans la mise en œuvre de cette convention. Tous ont formulé des griefs contre cette société.

La ministre en charge du Commerce a indiqué que ce dossier est entaché d’irrégularités au vu de l’objectif de la mise en place de cette Zone économique spéciale qui était de construire un grand marché pour approvisionner les commerçants locaux en marchandises au lieu d’aller les importer à l’extérieur du pays notamment en Chine et à Dubaï.

Des importations de plus de 2 milliards BIF sans traces ?

L’autre but était de favoriser le commerce transfrontalier comme cette zone est proche de la République Démocratique du Congo. Cette zone devrait stimuler la création d’emplois au Burundi.

Le ministre de l’Environnement de l’Agriculture et de l’Elevage a également exprimé sa déception et parle d’un dossier incomplet et d’un projet difficile à réaliser.

Le ministre des Finances, Domitien Ndihokubwayo a fustigé le degré des réalisations en insistant sur l’absence de la feuille de route qui devrait guider les intervenants dans le projet.

Selon lui, compte tenu des rapports de l’Office burundais des recettes (OBR), cette société avait importé des marchandises d’une valeur de 2,6 milliards de francs burundais avec une exonération de 1 milliard 600 mille francs burundais. « Il n’est pas facile de retrouver la trace de ces marchandises ».

Le premier ministre est revenu sur les problèmes survenus au cours de la mise en application de la convention. Selon lui, le non présence des membres de la société pendant une période prolongée sur le sol burundais suite au coronavirus a engendré un retard dans la réalisation du projet.

En plus, les plans de constructions n’ont pas été disponibles à temps car les aléas climatiques les aurait amené à faire d’autres études notamment l’impact environnemental.

Citant certains responsables de cette société PROCERV, signataire de la convention de construction de cette zone économique spéciale, les quelques infrastructures érigées n’étaient que provisoires pour que les hommes d’affaires puissent commencer les échanges.

Absence d’une feuille de route

En conséquence, a-t-il regretté, en l’absence d’un plan de construction générale qui devrait être réalisé de façon modulaire et progressive, la feuille de route n’a pas été disponible et l’Etat n’a pas pu honorer ses engagements car le degré des réalisations des constructions étaient minimes.

Selon le premier ministre burundais, il était difficile d’approvisionner les petites constructions y érigées en eau et en électricité car il n’y avait pas de plan général des infrastructures qui devraient y être construites sur plus de 500 ha.

Selon lui, ce serait un travail bâclé et en plus il y a eu un problème de communication suite à l’indisponibilité de l’une des parties prenantes de ce projet.

Parmi les solutions envisageables, il a demandé au personnel résidant à l’étranger de venir au Burundi, car selon lui, il n’y a pas beaucoup de cas de Covid-19, et les Burundais faisant partie du comité mixte de surveillance étant disponibles.

La convention devra être analysée de nouveau pour voir si elle répond aux exigences du moment. Alain Guillaume Bunyoni a demandé à la société PROCERV de préparer des plans de constructions du projet tenant compte de l’exécution de tout le projet jusqu’à la fin.

Il a été demandé de faire une feuille de route de la mise en application de la convention du projet à discuter avec les secrétaires permanents des ministères concernés.

Le premier ministre a insisté sur la nécessité d’alimenter cette zone en eau et en électricité mais aussi de tracer une route jusque au site du projet.

D’après lui, le gouvernement doit faire rapidement des actes de raccordement en eau et en électricité car à part ce projet, la population environnante avait besoin d’accéder à l’eau et à l’électricité. Selon lui, il faut également une belle route pour que ce site ne soit pas isolé.

« Il y a eu manque de communication »

Alain Guillaume Bunyoni : «Le gouvernement n’acceptera jamais que des projets bénéfiques pour la population tombent à l’eau suite au manque d’information »

Après avoir analysé les défis à relever, le premier ministre a émis des recommandations à l’endroit des parties intervenant dans l’exécution de la convention. C’est notamment la disponibilité des deux parties au sein du comité mixte de surveillance, le gouvernement burundais étant prêt à leur octroyer des visas.

Cette convention doit être revisitée en tenant compte du contexte actuel. Il a aussi demandé au Comité des secrétaires permanents présents à la réunion de préparer un draft à présenter aux membres du gouvernement pour échange et enrichissement.

La société PROCERV a été appelée à préparer les plans de constructions qui tiennent comptent de la phase finale et à  exiger à son personnel de venir au Burundi  pour concevoir une feuille de route de la mise en œuvre du projet.

Quant au timing, le comité de surveillance mixte devrait se réunir dans une semaine pour préparer le draft à analyser avec le comité des secrétaires permanents.

Le comité des secrétaires permanents devrait produire un rapport dans 15 jours contenant des propositions claires pouvant aider les membres du gouvernement à prendre des mesures pour que le projet puisse démarrer.

Pour le premier ministre, c’est normal qu’un projet soit confronté à des difficultés notamment en matière de fourniture d’eau et d’électricité ou autres mais c’est inconcevable de se murer dans un silence absolu alors qu’il y a des problèmes. « Le gouvernement n’acceptera jamais que des projets bénéfiques pour la population tombent à l’eau suite au problème de manque d’informations », a conclu Alain Guillaume Bunyoni.

Forum des lecteurs d'Iwacu

11 réactions
  1. Stan Siyomana

    Voici ce que les experts disent sur les zones economiques speciales en Afrique:
    « Export push strategy needs to be adopted by governments on a larger scale and for barriers to export to be lifted across the region.

    By investing in special economic zones African governments can possibly support agro-processing services, horticulture and ICT-based services, like manufacturing, through the creation of special economic zones…
    But, governments in the region need to invest more towards ICT SEZ’s if it wants to create meaningful employment for the younger demographics… »
    https://www.orfonline.org/expert-speak/africa-a-case-of-growth-without-smokestacks-50375/

  2. Stan Siyomana

    Jewe simbona ingene uruganda ruri muri zone economique speciale ya Gatumba ruzohingura ikintu kizogurishwa kw’ibeyi itavuna wa munyagihugu nyarucari (nka ya sabuni ya bleu benshi bipfuza) , hanyuma iryo hinguriro nyene rigakora ibidandazwa vyemewe ku rwego mpuzamakungu bishobora gushorwa mu bihugu bikize kugira ngo bivemwo amahera y’agaciro igihugu gikeneye ubu cane.
    Jewe nibuka ko mu kwezi kw’icumi 2018 naguze isabuni mw’isoko rya kijambere i Bujumbura ngira ngo ni souvenir nkuye i Burundi (nibuka isabuni za Roby na Katia twakoresha kera muri internat).
    Mugabo nshitse iyo mba narasomye neza nsanga ko iyo sabuni ikora vyose: kwiyoga ku mubiri no kumesa impuzu. Sinarinkeneye kuzana isabuni yo kumesa ndayikuye kure hiyo.

  3. Stan Siyomana

    En politique industrielle au Burundi, il semblerait qu’il manque une bonne distinction entre la ZONE ECONOMIQUE SPECIALE (pres du port et aeroport de Bujumbura, ou pres de la frontiere avec la RDC pour favoriser l’exportation) et une zone industrielle normale a Cendajuru par exemple (ou le gouvernement burundais pourrait accorder autant d’avantages qu’il veut pour mener sa politique d’industrialisation par substitution aux importations).
    1. Ici en-haut, le present article dit:
    « La ministre en charge du Commerce a indiqué que ce dossier est entaché d’irrégularités au vu de l’objectif de la mise en place de cette Zone économique spéciale qui était de construire un grand marché pour approvisionner les commerçants locaux en marchandises au lieu d’aller les importer à l’extérieur du pays notamment en Chine et à Dubaï… »
    DONC GATUMBA SERAIT UN CAS CLASSIQUE DE POLITIQUE D’INDUSTRIALISATION PAR SUBSTITUTION AUX IMPORTATIONS (notons bien le mot « importations »).
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Industrialisation_par_substitution_aux_importations#:~:text=6%20Articles%20li%C3%A9s-,Principe%20g%C3%A9n%C3%A9ral,et%20gagner%20ainsi%20leur%20ind%C3%A9pendance.

    2. Le jeudi 09 juin 2016, quand Moise Sagamba (alors conseiller principal charge de la question economique a la deuxieme vice-presidence) parlait d’une zone economique speciale au Burundi, il avait declare:
    « Selon ce conseiller, la Zone Economique Spéciale(ZES) est un espace où les entreprises et les investisseurs directs étrangers peuvent produire et exporter des produits made in Burundi. Cette zone permettra aux gens de s’approvisionner plus facilement et de promouvoir l’exportation… »
    https://www.iwacu-burundi.org/bientot-une-zone-economique-speciale-au-burundi/

    (Notons bien le mot « exportation »).
    3. Donc sur le marche national, la concurrence entre Cendajuru et Gatumba ne serait pas du tout LOYALE ET EQUITABLE.
    En Inde par exemple, les entreprises des zones economiques speciales ne sont pas authorisees de vendre leurs marchandises sur le marche local/national (en partie parce qu’elles ont beaucoup plus d’avantages par rapport aux autres entreprises).
    https://economictimes.indiatimes.com/news/economy/foreign-trade/sez-units-want-customs-duty-waiver-for-domestic-sale-as-exports-plummet/articleshow/75604480.cms

  4. Stan Siyomana

    1. Est-ce vraiment a partir de cette boucherie (montree sur la photo) que l’on va exporter de la viande « Made in Burundi »?
    2. Pour ses exportations a partir de la nouvelle zone economique speciale de Gatumba, le Burundi pourrait avoir les memes problemes que la Tanzanie ou l’Ethiopie.
    « Unlike earlier waves of developing nations, Tanzania and Ethiopia joined the world economy at a point where these two trends were already well established. Meanwhile, they are still poor and have very low relative capital endowments. This creates a conundrum: competing with established producers on world markets is only possible by adopting technologies that make it virtually impossible for significant amounts of employment to be generated… »
    https://voxeu.org/article/africa-s-manufacturing-puzzle-evidence-tanzanian-and-ethiopian-firms

  5. Gervais

    Il y a plus de circonstances atténuantes pour l’entreprise PROCERV qu’une véritable action de redressement. On sent que, dans les interventions des ministres concernés, les orateurs abordent la question avec des pincettes.

    Au lieu d’avancer comme si de rien n’était, il aurait fallu marquer une pause pour faire une vérification indépedente du projet. non seulement de bonnes recommandations en sortiront, mais aussi les responsabilités seront degagées.

    • Aloys Jisho

      1) D ou vient cette societe PROCERV? Quelles sont ses realisations?
      2) Avec les innondations a repetition qui s observent a Gatumba. Est ce que la zone remplit les conditions?
      3) Est ce que le contrat que le gouvernement a signe avec cette compagnie ne stipule pas le delai d execution et amendes de retard?

    • Gervais

      Question au modérateur : j’écris habituellement sous mon prénom Gervais. Mais là ce n’est pas moi qui ai écrit ce commentaire. Y’a-t-il 2 Gervais? Il y a nécessité le lever les équivoques, je ne tiens pas à assumer la responsabilité de mon homonyme.

      • Bonjour. Comment savoir qui est qui? Je pense que deux personnes peuvent avoir le même prénom?

        • Jereve

          Oui, c’est possible. Alors je préfère revenir à mon prénom mu kirundi – Jereve.

          • Gervais

            Merci beaucoup de te séparer de ton homonyme (moi). Comme tu veux revenir à ton prénom en Kirundi. Moi je t’appelerais « Gerevasi »

          • Stan Siyomana

            @Gervais, @Jereve
            Nimwikoreshereze amazina ya anonymat yose mwishakiye, mugihe mukurikiza charte des utilisateurs des forums d’Iwacu.

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