La culture burundaise regorge de richesses encore peu exploitées. Certains artistes, en quête d’innovation, tentent de marier musique traditionnelle et sonorités modernes, comme le jazz. C’est le cas d’Yves Kamikiwe, alias Yves Kami, artiste, chanteur, compositeur et professeur de musique, qui nous parle du Yayabluzz, un style novateur né de cette fusion.
Pouvez-vous nous parler du Yayabluzz ?
Avant tout, parlons du blues, ce style musical chanté aux États-Unis, mais dont les racines plongent en Afrique. Ensuite, il y a amayaya, une des sonorités propres à la tradition burundaise. Le Yayabluzz est donc un mélange harmonieux des deux : du blues et des sonorités burundaises. C’est un mariage culturel et musical.
Pourquoi avoir choisi de faire ce mélange ?
Depuis mon enfance, j’écoutais beaucoup de blues à la maison. Ce style est resté mon préféré en grandissant. Plus tard, quand je suis devenu chanteur, je suis naturellement resté fidèle à cette esthétique. D’ailleurs, certains musiciens ont commencé à m’appeler le bluesman de Mwaro.
Depuis deux ans, avec toute une équipe, je travaille sur un projet de fusion entre le blues et les rythmes traditionnels burundais. C’est un travail de recherche et d’expérimentation. J’ai eu la chance de collaborer avec de grands artistes comme Vincent Nkundimfura, percussionniste de renom, et Torobeka, qui joue de l’inanga, un instrument traditionnel qui présente une étonnante similitude avec le blues.
Comment est née concrètement cette idée ?
L’idée a véritablement pris forme après ma participation à un festival au Cameroun. Là-bas, j’ai découvert comment les musiciens camerounais ont fusionné le jazz avec le bikutsi, un rythme traditionnel de leur pays, pour créer le Bikutsi Jazz. Cette expérience m’a inspiré à explorer une voie similaire au Burundi : marier le blues avec amayaya.
Quels sont les résultats de cette fusion musicale jusqu’ici ?
Nous sommes encore au début, mais les premiers résultats sont très encourageants. Nous avons donné un premier concert en février dernier à l’Institut français de Bujumbura. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de présenter ce nouveau style en Ouganda, lors d’une conférence internationale sur l’enseignement de la musique, qui réunissait des professeurs et des chercheurs.
J’y ai démontré l’intérêt pédagogique de la fusion musicale. Apprendre à partir de ce que les élèves consomment – les musiques actuelles – est essentiel. Malheureusement, notre folklore est encore très peu mis en avant, alors qu’il regorge de sagesse et de richesse culturelle. À travers cette fusion, j’essaie de valoriser ce patrimoine.
Par ailleurs, je pense qu’au lieu d’importer des instruments comme les pianos ou les guitares, il serait plus judicieux d’investir dans des usines de fabrication d’instruments traditionnels et d’en promouvoir l’enseignement dans les écoles.
Les messages que vous transmettez passent-ils bien à travers ce nouveau style ?
Absolument. Cette fusion crée un pont entre les générations : c’est comme si nos ancêtres dialoguaient avec la jeunesse d’aujourd’hui. Le rythme donne une impression de calme au cœur de la tempête, une sensation presque méditative.
Sur quels thèmes portent vos chansons ?
Je m’inspire du quotidien. Mes chansons véhiculent des messages qui ont un impact sur l’auditeur et sur la société. Je cherche à proposer des messages intemporels. Par exemple, ma chanson Samandari reste toujours d’actualité. Elle aborde des problématiques qui traversent le temps.
Comment ce style est-il accueilli ?
Il y a un réel intérêt. Tous les artistes cherchent à se démarquer et à toucher leur public. Je recommande cette démarche à mes collègues burundais. C’est une voie prometteuse même si les défis restent nombreux et que nous avons besoin de soutien.
Sur le plan international, j’ai déjà reçu une récompense de l’African Peace Initiative en 2018, ainsi que plusieurs certificats lors de compétitions locales.
Un message pour les autres musiciens burundais ?
Même si la mondialisation est inévitable, il est crucial de préserver notre identité culturelle et de cultiver notre originalité. Les invitations à des festivals internationaux reposent souvent sur l’authenticité des œuvres présentées. Le Burundi regorge de richesses culturelles encore inexploitées. Je les compare volontiers à des trésors enfouis dans notre sous-sol. A nous de les mettre en lumière.
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