Samedi 27 avril 2024

Politique

Vous avez dit « développement » ?

15/09/2023 16
Vous avez dit « développement » ?

Payer le prix aujourd’hui de ce que nous voulons le plus pour jouir plus tard devrait être l’idée-force sous-tendant la « Vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ». Mais la cupidité, la nourrice du raccourci ou de l’art de ne pas savoir retarder la gratification, nous habitue à ne pas écouter la loi morale et nous invite à la satisfaction immédiate. Ce faisant, la corruption politique sert d’ascenseur social aux hommes d’affaires en odeur de sainteté auprès de l’équipe dirigeante, faisant fi des règles de transparence dans la passation des marchés publics.

L’on notera aussi que mal dire où l’on veut aller à l’horizon 2040 – l’émergence n’est pas un substituant pour le décollage -, c’est mal penser où l’on en est. Ou recourir à des faits alternatifs. Qui plus est, se complaire dans l’incantation du développement revient à penser que le dire à force de « se bagarrer » avec la réalité finira par avoir raison de ce dernier.

Le parti-Etat claironne avoir mis Dieu en avant de toute chose. Le développement dont il se veut le promoteur s’assimile dès lors à une croyance qui trouve sa légitimité dans l’absence de preuve. L’objet Dieu étant indémontrable, pourquoi en serait-il autrement pour un développement qui émane de « l’Eternel » ?

Du reste, le Cndd-Fdd, censé impulser une dynamique de développement, avance à marche forcée vers l’avènement du parti-Nation avec la mise en place des comités « Turerere Uburundi » (Eduquons pour l’avenir du Burundi) qui « vont appuyer le changement des mentalités par les sensibilisations et les formations dans les communautés afin de revenir aux valeurs ancestrales du Burundi traditionnel ».  Une partie qui ambitionne de devenir le tout par un quadrillage politique descendant à l’échelon de la sous-colline ne peut guère emporter l’adhésion du reste de ses compatriotes. Car le ressort de l’exemplarité n’est pas le mépris de la différence, mais l’admiration.

Pour penser hors des sentiers battus en laissant les considérations partisanes à la porte et s’attacher durablement les compétences locales ou évoluant à l’étranger, il faut se parer de la marque des grands : l’humilité. Et avoir cette conscience de l’essentiel que nous enseigne Michel de Montaigne : «Il n’y a de richesse que d’hommes. »

Un développement soutenu supposerait un système éducatif performant produisant un capital humain compétent qui impulse des progrès sans à-coups et sans recul sur le long cours. Et une maturité politique des dirigeants pour sortir le pays d’une logique revancharde et/ou de destruction de l’héritage des prédécesseurs pour se tourner résolument vers l’instauration d’une démocratie apaisée.

La racine du souci du bien commun au « pays du lait et du miel » commencera avec une classe politique, singulièrement les partis représentatifs et leurs branches jeunesse, qui aura en partage cette conviction chevillée au corps : le dialogue n’est pas un signe de faiblesse, mais l’arme des forts.

Guibert Mbonimpa

Forum des lecteurs d'Iwacu

16 réactions
  1. Vartbidrag

    @stan, la notion de ce que l’on a droit comme citoyen est un mythe. Normalement les droits n’existent pas sans devoirs, donc les droits sont les consequences des devoirs et responsabilités. Pour ceux qui epousent la bassesse des mouvements rebelles, ils doivent comprendre qu’ils ne sont pas meilleurs que ceux qu’ ils combattent. La seule difference est qu’ils ont le droit de tuer et detruire au nom de la democratie, droit de l’homme et la liberté d’expression avec le soutien de ceux qui veulent notre pauvrete et les conflits interminable. Et d’ailleur, Pr. Noam Chomsky l’a bien: » Aujourd’hui les occidentaux n’ont pas besoin d’envahir les pays pour les coloniser, avec nos outils comme la democratie, droit de l’homme, liberté d’expression nous sommes capable de coloniser et les elites de ces pays deviennent nos servants ». les africains doivent cmprendre ce jeu..

    • Stan Siyomana

      @Vartbidrag
      Je viens de tomber sur une video de Freedom Week 2023 (Centre for Development and Enterprises-Great Lakes, Bujumbura) ou le marocain professeur Hichan El Moussaoui (maitre de conference en economie a Marrakesh, Maroc) dit que l’un des grands risques pour « Burundi un pays emergent en 2040″ EST JUSTEMENT L’INSTABILITE POLITIQUE.
      https://www.youtube.com/watch?v=pbDSueKMCFY

  2. arsène

    « Vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ».

    La parole du président est performative.

  3. Kabizi

    Jean Pierre
    Si on se regarde dans un miroir, on aura à juste titre honte.
    Oui, bien sûr, nous nous dirigeons droit vers Haïti et non où le Rwanda va.
    Les valeurs /la vision des Bihangage qui nous dirigent sont: Mauvaise gouvernance et corruption.

  4. Gacece

    Quel nuages de propos! Voulez-vous dire que dans votre illustration (image ci-dessus), c’est le poteau qui « pique » le crayon?

    Remarque : l’arrière-plan voile l’avant-plan!… une exposition de l’âme?… Ou l’âme d’une exposition?

    Inexplicablement, mon petit doigt me dit que ce commentaire va droit au «dé»-but!… à l’anti-but!

  5. KANYOSHA

    Eh bien, le développement ce n’est pas en un claquement de doigts !!! C’est un chantier, c’est un processus, …
    Et à mon humble avis, le processus est en cours.

  6. Kibinakanwa

    Trop philosophique.
    Dites aux dirigeants actuels qu’il est par exemple irresponsable et stupéfiant de détruire une valeur que nos ancêtres avaient construit: Ubushingantahe.
    C était une notre fierté, une valeur qu’on pouvait vanter mu makungu.

  7. biyereke

    Le contenu de cet article est plus idéologique qu’informatif ou éducatif.Pour se développer au Burundi les préalables sont connus.Ne vous fiez pas à votre tête,lisez aussi ceux qui ont écrit sur le sujet .

  8. Expert

    Pour abonder dans votre sens, j’ajoute que notre infrastructure psychosomatique déterminant notre matérialisme superstructural, il en découle logiquement un investissement thérapeutique, donc une association synchroniquement psycho-génétique. Est-ce dire, si je vous ai bien saisi que le déficit d’intrants idoines, tant quantitatifs que qualitatifs, est à l’alpha de l’échec inéluctable voire de l’inanité du projet futuriste vanté par le régime actuel?

  9. Jean Pierre Hakizimana

    Merci Cher Mr Guibert Mbonimpa,

    Bien dit! Espérons que quelqu’un passera ce papier au nouveaux hommes forts du Burundi. 2040 c’est dans 16 ans car 2023 est fini. Pour vous donner une idée, un couple Burundais qui commence aujourd’hui de construire une maison familiale, finira de payer la maison, si tout va bien, vers 2040.

    Le Burundi est gouverné par, au meilleur des cas, des amateurs. Tout pointe à Un Burundi qui va vers le Haiti que le Rwanda. Un pays qui va vers une surpopulation explosive avec tout ce qui suit comme conséquences.

    Il est aussi important de pointer le doit aux Burundais. Nous y sommes pour quelques choses. Je me souviendrai tjrs un sage qui m’avait un jour dit que  » A n’importe quel moment dans ta vie, n’oublie jamais que tu seras toujours là où tu mériteras d’être ».

    Regardons nous dans un miroir!

    Encore une fois, Merci Mr Guibert Mbonimpa

    • Yan

      « Tout pointe à Un Burundi qui va vers le Haiti que le Rwanda »

      Au moins toi il te suffit de traverser l’Akanyaru pour arriver dans ton pays de rêve. Les autres, pour y parvenir, doivent traverser des mers , déserts et océans. Rwandais y compris.

      • Jean Pierre Hakizimana

        Yan,

        Haiti a la république Dominicaine. Tiens, tiens, ceux des pays étaient dans les nouvelles ce weekend: La République Dominicaine menace, si c’est pas fait, de fermer les frontières aux Haïtiens qui traversent pour aller travailler la bas!

        Je suis certain que aucun Burundais de peux pas s’imaginer une situation similaire au Burundi/Rwanda. L’histoire humaine a plein de tel cas. Comme quelqu’un sur cette toile aime nous rappeller  » Même situations, même effets ». Quelque chose dans ce sens.

    • Vartbidrag

      Je salue le Monsieur qui a donné ses perspectives sur le développement au Burundi. Je deplore en même temps le caractere Burundais de se plaindre de tout et de rien comme si les autres on toujours tort, incompetent et tout ce que vous voulez. A mon humble avis le développement d’un pays commence dans sa maison, par moi même, par vous et chacun en ce qui lui concerne… Bien sur le cadre doit être là, les stratégies et tout ce que vous voulez mais souvenez vous que c’est un chantier national… La competence ou l’incompetence, l’ethique, les valeurs, le professionalisme, la rigeur au travail etc… se sont les questions profondes pour les comprendre il faut demander à vos enfants, cousins, oncles etc.. leurs embitions, rêves vous allez trouver la reponse… en plus observe les chez vous quand vous les donnez un travail à faire etc… ici vous allez trouver la reponse… Bref, ces durigeants que vous critiquez viennent de nous même, l’etat n’en fabrique pas dans une usine quelque part. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est le resultat de nos familles d’abord et dans tout leur etats…

      • Stan Siyomana

        @Vartbidrag
        1. Vous ecrivez:« Je deplore en même temps le caractere Burundais de se plaindre de tout et de rien comme si les autres on toujours tort, incompetent et tout ce que vous voulez… »
        2.Mon commentaire
        L’ancien president americain Barack Hussein Obama trouve ca normal, le citoyen ne sera jamais satisfait dans ses demandes et les dirigeants devront travailler fort et se surpasser.
        Dans son discours du 27 juillet 2015 a Kasarani (Safaricom Indoor Arena) a Nairobi, Kenya, il a dit:
        « Democracy is sometimes messy, and for leaders, sometimes it’s frustrating. Democracy means that somebody is always complaining about something. (Laughter.) Nobody is ever happy in a democracy about their government. If you make one person happy, somebody else is unhappy. Then sometimes somebody who you made happy, later on, now they’re not happy. (Laughter.) They say, what have you done for me lately? (Laughter.) But that’s the nature of democracy. That’s why it works, is because it’s constantly challenging leaders to up their game and to do better… »
        https://potentash.com/2015/07/27/the-transcript-for-obamas-speech-to-kenyans-at-kasarani/

        • Vartbidrag

          @stan, you are very right indeed. What I meant is that people can claim more, but must trust something or somebody. We can’t say that everyone is corrupted, everyone is incompetent, everyone is careless, none knows what is going on etc… We have to understand Burundi in its environment and context and complain accordingly. at the same time encourage the people that works day and night to get things done, and celebrate the little progress made.. Little by little we will get there with everyone’s contribution.

          • Stan Siyomana

            @Vartbidrag
            Thanks for agreeing with me about the Obama statement.
            A propos de cette contribution de chacun dans « Little by little we will get there with everyone’s contribution…. », il me semble que dans la societe burundaise nous ne distinguons pas nos droits de base /services de base auxquels tout citoyen burundais devrait avoir acces et les autres choses qui demandent une certaine competitivite.
            Par exemple des gens vont fonder des mouvements rebelles esperant ainsi arriver au pouvoir alors que peut-etre le Burundi a besoin aujourd’hui de dirigeants qui comprennent l’economie, les sciences politiques, la diplomatie, l’administration publique…No longer our grandpa’s Burundi.

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