Jeudi 28 mars 2024

Société

Simon Kururu, l’éternel nostalgique de l’école de journalisme

13/10/2022 Commentaires fermés sur Simon Kururu, l’éternel nostalgique de l’école de journalisme
Simon Kururu, l’éternel nostalgique de l’école de journalisme
Kururu chez lui en train de travailler

A la retraite depuis une dizaine d’années, l’ancien journaliste-reporter à la Radio nationale et différents média internationaux, n’a rien perdu de son amour pour le journalisme. Pour lui, les facilités qu’offrent les réseaux sociaux pour informer et communiquer, ne doivent pas faire oublier les règles élémentaires du métier. Portrait.

Ce portrait est réalisé dans le cadre du projet ‘’Renforcement des Médias Burundais pour soutenir la Cohésion Sociale, la Prévention de la Violence et la Promotion du Dialogue’’ en œuvre par le consortium de deux organisations : la FONDATION HIRONDELLE et l’ONG BENEVOLENCJIA avec le financement de l’UE.

Derrière son bureau installé chez lui, c’est avec un brin de nostalgie que Simon Kururu évoque les vieux souvenirs. Des moments mémorables d’un jeune passionné par le journalisme depuis sa prime enfance, qui voit son rêve devenir réalité grâce au travail et l’abnégation. « Lorsque je suis embauché à la Radio nationale, mes aînés dans le métier disaient que j’étais fait pour le métier. Mais, je sais que je n’aurais jamais été ce journaliste-reporter respecté sans une discipline de fer, sans cette soif d’apprendre, cette capacité à me remettre en cause  ».

Bosseur invétéré, son ordinateur reste connecté à internet. Dans son salon, des étagères entières de livres ornent le mur de la maison. Ce jour, lorsque je le rencontre, il est en train de finaliser un petit projet, dit-il, en rapport avec une stratégie de communication d’un ministère dont il n’a pas voulu citer son nom. Toujours occupé, du haut de ses 71 ans, il passerait pour un quarantenaire. Les projets, les consultances, c’est le monde dans lequel baigne l’ancien directeur de la 2ème Chaîne de la Radio nationale en 1985. Un court crochet qui n’aurait été jamais possible sans cette soif de liberté : ne pas être une caisse de résonance pour le parti au pouvoir.

Jeter un regard critique de par ce qui se dit partout dans le monde, interroger, confronter. C’est sa tasse de thé du matin. « Scout un jour scout toujours, dit-on. C’est la même chose pour les choses pour nous, les journalistes. Une fois que l’on a déjà goûté à ce privilège, on ne veut pas le laisser partir. Constamment, nous sommes amenés à nous questionner ». Au cours de cette journée, de l’intérieur de la maison, les jingles de l’actu de France 24 passaient en boucle.

La lecture, son amour de jeunesse. « Quand, après avoir lu deux albums des bandes dessinées de Hergé “Tintin : Objectif Lune” et “Tintin: On a marché sur la lune”, j’ai suivi en direct sur la radio les premiers pas de Neil Armstrong sur la lune le 21 juillet 1969. C’était merveilleux. La couverture de l’événement par l’Office de la Radio-Télévision Française (ORTF) dans sa branche Radio France, devenue pour ce moment-là “Radio Terre”, avec comme générique la chanson de Salvatore Adamo “A demain sur la lune”, c’est un souvenir qui m’a édifié », raconte-t-il. Il se rappelle qu’il a passé la nuit à écouter la radio, et les réactions instantanées dans le monde entier, rapportées par les correspondants à Washington, Paris, Londres, Moscou, Pékin. Une journée qui l’a confortée dans son choix de devenir journaliste. Dans son Mugongo natal (commune de Bujumbura), le journalisme est une affaire de famille. Encouragé par son grand frère, Pamphile Gasuku, un photographe reconnu, son cousin Athanase Mutana, M. Kururu décide à leur emboîter le pas.

Toutefois, un obstacle persistait : réussir le concours pour intégrer le prestigieux Institut Supérieur de l’Information et de Télécommunication de Kinshasa. Avec 4 autres Burundais, parmi eux feu Jean Nzeyimana (ancien directeur du journal Le Renouveau), Callixte Ngendakuriyo, ils réussissent avec brio ledit test. Durant 5 ans, ils sont pris sous les ailes des meilleurs professeurs de journalisme d’Afrique. «  C’était la fine fleur, je vous dis. Pour tout dire, la formation était professionnalisante au point qu’au bout de deux ans, tu étais à mesure de prester sur terrain ». M.Kururu ne tarde pas à faire ses preuves lorsqu’en plein stage en 1976, il est appelé à couvrir la 1ère visite de feu président Bagaza à Bukavu. «C’était pour un sommet entérinant la nomination du Secrétaire exécutif de la CEPGL  », glisse-t-il. La 1ère d’une longue série de visites à l’étranger en tant que journaliste couvrant les missions officielles. Parmi celles-là, de 1979 à New York à l’Assemblée des Nations Unies, où il transmettait le discours en direct du président Bagaza reste un souvenir vivace. « Je n’aurais jamais imaginé vivre cela. Signer mon papier depuis les tribunes de l’ONU avec des reportages inédits ». Selon ses anciens collègues, son grand mérite a été d’avoir plaidé afin que les journalistes de toutes les presses (écrites, audiovisuelles) puissent couvrir les visites du président.

La parenthèse RTNB

Le régime de Bagaza, ayant déjà commencé à montrer ses premiers signes de faiblesses suite au différend avec l’Église catholique. M. Kururu , alors directeur de la Radio nationale décide de prendre une pause. Il demande alors une mise en disponibilité pour convenance personnelle. «  Au risque d’être un manipulateur, je ne pouvais pas rester les bras croisés, faire des éditoriaux incendiaires contre l’Église catholique, laisser les soi-disant révélations divines à Giheta de Mazarahisha passer sur les ondes  ». Pour la petite histoire, ce Mazarahisha sera interviewé à la Télévision nationale par le directeur de la sûreté. Au vu de tout cela, M. Kururu raconte qu’il a dit non! Et d’après lui, ses rapports avec ses supérieurs hiérarchiques, y compris le ministre de l’Information, n’étaient pas des plus cordiaux. Le cœur lourd, explique-t-il, j’ai pris mon courage à deux mains parce que les menaces fusaient de partout, je suis parti. « Au moins, j’étais certain d’une chose : ne pas avoir trahi mes idéaux, mes principes en tant que journaliste ».

Nous sommes en 1985. Certes connu du grand public, le voilà à la quête d’un nouveau départ. Avec le recul, un choix qu’il ne regrette pas. « Le monde des consultances, c’est comme les cultures saisonnières. Ça va, ça part. Mais, lorsque ça revient, c’est encore mieux  », glisse -t-il avec sourire.

Un formateur né

Grâce à son plaidoyer auprès du Bureau des Nations Unies au Burundi, la Maison de la Presse a vu le jour

A 71 ans, M. Kururu est rongé par un seul regret : la disparition totale de l’Ecole de Journalisme de Bujumbura, alors qu’aucun texte ne l’a dissoute. « Avec le désir du ministre de l’Education d’alors, Nicolas Mayugi d’importer le modèle congolais qui voulait que l’université nationale chapeaute toutes les institutions, il y a eu un simple transfert des écoles supérieures relevant des différents ministères comme l’Ecole Nationale de Commerce (ministère du Commerce), l’ISTAU (ministère des Travaux publics), l’Ecole de Journalisme (ministère de l’Information), l’ISA (ministère de l’Agriculture) vers l’Université du Burundi  ». Plus déplorable selon lui, les enseignants n’avaient pas été consultés par l’Université du Burundi, l’Ecole de Journalisme disposait pourtant de locaux appartenant à l’Université du Burundi qui ont été, par la suite, loués par des privés. Par on ne sait quel jeu de magie, poursuit-il, la question de la formation des journalistes a été laissée dans les mains de la Faculté des Lettres. Et, depuis les années 1990, l’Université tourne en rond en matière de formation des journalistes. Pour lui, une terrible peine. De cette moule, il fait savoir que sont issus les grands noms dans le monde du journalisme tels que Augustin Kabayabaya, Agnès Nindorera, Anselme Katiyunguruza, etc. «  Comme notre cursus arrivait jusqu’au baccalauréat, avec l’ISTI de Kinshasa, nous avons noué un partenariat afin de permettre à ceux qui le veulent de faire leur licence. Ceux qui n’allaient pas au Zaïre, partaient soit en France ou en Belgique ».

Cette flamme de transmettre son savoir, M. Kururu l’entretien toujours. « Un bon enseignant qui sait dans de mots concis et clairs captiver l’attention de tout l’auditoire », témoigne J.N, son ancien étudiant à l’Université Lumière de Bujumbura. Qui ajoute : «  Son approche pour dispenser le cours de Cinéma et télévision était sans pareil. En partant des exemples, tout d’un coup, tu assimiles facilement la matière». Durant sa carrière professionnelle, Simon Kururu a également été président du Conseil National pour la Communication (CNC). « A l’époque, nous n’avions pas de budget de fonctionnement, une sacrée période. Le génocide rwandais dans tous les esprits, avec le rôle joué par les média dit de la haine, il fallait être vigilant tout en restant professionnel ». Soucieux de voir les journalistes s’épanouir davantage, grâce au Bureau des Nations Unies au Burundi, la Maison de la Presse a vu le jour.

En attendant de voir son vœu le plus pieux se réaliser : la réintroduction de l’Ecole de journalisme, il peut se targuer d’au moins d’une chose : avec une fille journaliste de formation (Pamela Kazekare, NDLR), chez lui, la relève est assurée.

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